ANALYSE JURIDIQUE DE LA DESIGNATION DU COMITE DE GESTION DE L’ISTM BUKAVU PAR L’AFC M23, par arrête N° 25/024/GP/SK/2025 DU 25/06/2025PORTANT DESIGNATION DU COMITE DE GESTION DE CRISE

ANALYSE JURIDIQUE DE LA DESIGNATION DU COMITE DE GESTION DE L’ISTM BUKAVU PAR L’AFC M23, par arrête N° 25/024/GP/SK/2025 DU 25/06/2025 PORTANT DESIGNATION DU COMITE DE GESTION DE CRISE

Par AMANI CHIRIRIMBO Sammy, étudiant en L2 droit public ancien système à l’université officielle de Bukavu, chercheur en droit administratif, droit constitutionnel, droit international public, droit de la fonction publique etc.

« Le juriste n’est ni juge, ni militant, il interprète la loi, il transforme le langage des normes en compréhension pour les citoyens et les décideurs ». Montesquieu

Dans cette analyse juridique, l’on va tenter de répondre à deux questions, entre autre :

  1. Quelle est la nature juridique de l’ISTM BUKAVU ?
  2. Quelle sera le sort des actes administratifs qui seront pris ultérieurement par les nouvelles autorités du comité de gestion nommé par l’AFC M23 ? 

        I.          NATURE JURIDIQUE DE L’ISTM BUKAVU 

S’agissant de la nature juridique de l’ISTM BUKAVU, il convient de préciser qu’il s’agit d’un établissement public crée par ordonnance présidentiel en date du 07 octobre 1981.

L’article 02 de la loi du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics en RDC définit l’établissement public comme toute personne morale de droit public créée par l’Etat en vue de remplir des services publics[1]. Il ne s’agit pas cependant d’un service commercial, l’ISTM BUKAVU étant un établissement public, il réalise depuis plusieurs années un service éducationnel. 

L’ISTM BUKAVU relève de la décentralisation technique ou fonctionnelle doté d’une

personnalité juridique distincte de celle de l’Etat et soumis à une autorité de tutelle. En tant que personne morale de droit public dotée d’une personnalité juridique, l’ISTM bénéficie d’une autonomie financière et administrative.

Quid de la tutelle administrative ? 

La tutelle administrative permet à la personne morale l’Etat, qui pourtant s’est dessaisit

de certaines compétences au profit de la personne morale décentralisée territorialement ou techniquement, de garder son pouvoir de surveillance et de contrôle qui lui permet d’arrêter les éventuels abus pouvant découler des personnes morales décentralisée.

Il est de principe en droit administratif que la tutelle ne se présume pas, elle doit être prévu par le texte qui prévoit la décentralisation. L’article 25 de la loi du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics en RDC dispose que la tutelle est exercée par le ministre ayant l’objet social de l’activité de l’établissement public dans ses attributions. En l’espèce les institutions supérieures et universitaires sont sous tutelle de l’ESU.

La tutelle administrative s’exerce par voie d’autorisation préalable, approbation et opposition des actes des organes des établissements publics.

Qui nomme le comité de gestion au sein d’une institution supérieure ou universitaire en RDC ?

A ce jour en RDC, le personnel de l’enseignement supérieur et universitaire est régit par la loi du 29 septembre 2018 portant statut du personnel de l’enseignement supérieur, universitaire et de la recherche scientifique.

Les articles 216 à 221 déterminent les membres de gestion, leur mandat, nomination ou élections.  L’article 216 dispose que le Recteur ou le Directeur général, le Secrétaire général académique, le Secrétaire général chargé de la recherche, le Secrétaire général administratif et l’Administrateur du budget constituent les membres du Comité de gestion des établissements[2].

En principe le recteur et le Directeur général sont votés par leurs pairs et entérinés par le ministre de l’ESU. D’autres membres du comité de gestion sont nommés par arrêté ministériels de l’ESU, mais pratiquement même le recteur et le directeur général sont nommés par le ministre de l’ESU en RDC.

Le Directeur général est nommé ou élu pour un mandat de 5 ans, une fois renouvelable. L’article 218 du statut de l’ESU dispose que, Le Directeur général, élu par ses pairs, est entériné par l’autorité compétente, sur présentation du ministre ayant l’enseignement supérieur et universitaire et/ou la recherche scientifique dans ses attributions parmi les membres du personnel académique ou scientifique de l’enseignement supérieur et universitaire ayant le grade de Professeur ou Maître de recherche, pour un mandat de cinq ans, une fois renouvelable.

II. LE SORT DES ACTES ADMINISTRATIFS QUI SERONT PRIS ULTERIEUREMENT PAR LES NOUVELLES AUTORITES DU COMITE DE GESTION NOMME PAR L’AFC M23

Il est de principe en droit administratif que « la compétence est toujours d’attribution ; elle ne se présume pas ». Cela veut dire qu’il n’y a pas de compétence qui ne tire pas sa source d’un texte juridique et aucun agent ne peut s’improviser pour poser un acte administratif.

La compétence s’entend des prérogatives que la loi au sens large du terme reconnaît à l’autorité instituée. C’est un préalable, que cette autorité soit régulièrement investie, autrement dit qu’elle dispose de la capacité et de la qualité requises pour agir.

Par contre l’incompétence est la forme d’illégalité la plus grave car les règles de compétence sont « d’ordre public ». Le Juge est dans l’obligation de relever d’office toute incompétence même si le plaideur ne l’a pas soulevée. Trois hypothèses peuvent donner lieu à l’incompétence l’usurpation de fonction, l’empiètement de pouvoir et l’empiétement de fonction.

La règle « pas de compétence sans investiture régulière » correspond à un principe qui, comme tout principe, connaît des dérogations. Il existe cependant une exception à cette forme d’incompétence elle réside dans la théorie du fonctionnaire de fait, elle prend en compte deux situation particulières dans lesquelles la personne qui a agi n’était pas régulièrement investie, mais qui, au prix d’un artifice, va néanmoins être réputée avoir pris l’acte de façon régulière[3].

Cette théorie est fondée soit sur l’apparence ou carence, soit sur les circonstances exceptionnelles.

La première situation, est l’hypothèse rare, dans laquelle il y a carence absolue de l’autorité publique régulièrement investie. Une personne qui sait ne pas être régulièrement investie, assume une charge publique en lieu et place de l’autorité régulièrement investie qui accuse une carence à laquelle il ne peut être remédié que par ce procédé. 

On considère que la personne qui accomplit des actes administratifs dans les bureaux de l’Administration ne peut pas être contestée par les administrés car elle bénéficie de la présomption de qualité d’agent public et par conséquent les administrés victimes de la présence de l’usurpateur doivent être protégés. Les actes accomplis dans ces conditions sont valables et peuvent faire l’objet de régularisation.

 La deuxième hypothèse est celle des circonstances exceptionnelles, lorsque les institutions publiques ne fonctionnent pas régulièrement suite à la rébellion, la révolution, la mutinerie ou la guerre, ou encore suite aux catastrophes naturelles, les particuliers peuvent assister l’Administration dans l’accomplissement de certains actes administratifs et par conséquent, les actes posés seront régularisés dès que la situation reviendra à la normale.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère que les actes ainsi posés ne peuvent voir leur régularité être remise en cause par l’annulation de l’investiture de la personne qui les a posés. Il en résulterait, sinon, une grande insécurité juridique.

 Il convient dès lors de répondre à la question de savoir le sort des actes qui seront pris par les autorités du comité de gestion nommées par l’AFC M23.  

En principes sont des actes annulables car considérés comme inexistants, venant des personnes illégalement investies, mais en se fondant sur la théorie des fonctionnaires de fait, ces actes seront valables et feront l’objet d’une régularisation dès que la situation reviendra à la normale. 

 L’ISTM se trouve dans une circonstance exceptionnelle ou il ne fonctionne pas régulièrement suite à la guerre et difficultés pour les autorités à accéder au service. Par conséquent les actes (relevés, diplômes et autres) qui seront pris par ces nouvelles autorités seront valable.

Les étudiants doivent ils interrompre les cours ?

La réponse est nuancée, d’une part oui, si le gouvernement central, c’est-à-dire l’Etat congolais décide d’interrompre le service public d’enseignement au sein de cette institution, d’une autre part non, les étudiants de l’ISTM BUKAVU doivent poursuivre les cours avec les nouvelles autorités s’il n’Ya pas une décision jusque-là de Kinshasa suspendant les cours dans cette institution, bien il y aura des difficultés de collaboration entre les nouvelles autorités et la tutelle à Kinshasa.

Telle est l’économie de notre analyse juridique par rapport à cette situation, celle-ci n’est pas un verset biblique, elle est susceptible des compléments, commentaires, ajouts et correctifs.

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[1] L’article 02 de la loi du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics en RDC46        

[2] Voir l’article 216 du statut de l’ESU RDC de 2018

[3] Y. BYIABA LOUIS, Manuel de droit administratif général, Kinshasa, Edition CEDI, 2018, P.115.