Dysfonctionnement Et Réforme Des Procédures
D’enlèvement Des Marchandises : Cas De La
Direction Générale Des Douanes Et Accises De Béni (2014–2024)
Innocent Adubango Ukelo1, Joseph Ntanyungu Busimba2, Benjamin Uyirwoth Cwinya’ay3, Daniel Mugisa Woloka4
Résumé
Cet article s’inscrit dans la dynamique de réflexion et de réforme de procédures d’enlèvement des marchandises. Il vise à analyser de manière approfondie les procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA/BENI, à en identifier les faiblesses, et à proposer des pistes d’amélioration concrètes adaptées au contexte local. L’objectif principal est d’évaluer comment ces procédures influencent la fluidité du commerce et la performance économique de la région, tout en examinant les mécanismes réglementaires et institutionnels qui les encadrent.
Pour atteindre nos objectifs, nous avons fait recours à l’approche mixte, combinant des méthodes quantitatives et qualitatives, afin de mieux comprendre les procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA/BENI et d’évaluer leur impact sur les acteurs économiques locaux. Analyse descriptive et analytique étaient très nécessaire, afin d’une part d’expliquer les pratiques actuelles relatives à l’enlèvement des marchandises, et d’autre part, à identifier les forces, les faiblesses et les points de blocage du système en place. Au total 200 personnes ont été ciblées pour participer à l’étude dont les résultats sont les suivants : sur les 200 personnes interrogées, 70 % estiment que les procédures d’enlèvement des marchandises sont trop longues et complexes ; le délai moyen d’enlèvement d’une marchandise à la DGDA/Béni est estimé à 10 jours ouvrables, après le dépôt de la déclaration en douane. Toutefois, ces délais peuvent s’allonger jusqu’à 15 jours ou plus en cas de problème technique, de vérification supplémentaire ou de dysfonctionnement administratif ; environ 58 % des importateurs interrogés déclarent avoir dû effectuer des paiements non justifiés pour accélérer certaines démarches ; seuls 25 % des enquêtés reconnaissent la transparence et la prévisibilité de la procédure d’enlèvement d’urgence ; près de 65 % des opérateurs économiques estiment que les agents de la DGDA sont compétents, mais qu’ils manquent de moyens techniques et de formation continue pour bien accomplir leur mission
A l’issue de l’analyse de résultats obtenus, nous recommandons : simplification et clarification des procédures ; digitalisation des procédures douanières ; mise en place d’un guichet unique et décentralisation des services ; renforcement des contrôles internes et externes ; formation et motivation des agents douaniers ; sensibilisation des opérateurs économiques ; amélioration de l’infrastructure logistique
Mots-clés : Procédures d’enlèvement, DGDA, Béni, Faiblesses, Amélioration, Fluidité du commerce, Performance économique, Approche mixte, Analyse descriptive, Transparence, Infrastructure logistique
Abstract
This article is part of the ongoing reflection and reform regarding the removal procedures for goods. It aims to thoroughly analyze the removal procedures at the DGDA of Béni, identify their weaknesses, and propose concrete improvement strategies tailored to the local context. The main objective is to evaluate how these procedures influence trade fluidity and the economic performance of the region, while examining the regulatory and institutional mechanisms governing them.
To achieve our objectives, we employed a mixed-methods approach, combining quantitative and qualitative methods to better understand the removal procedures at the DGDA/Béni and assess their impact on local economic actors. Descriptive and analytical analysis was essential to explain current practices related to the removal of goods and to identify the strengths, weaknesses, and bottlenecks of the existing system.
A total of 200 people were targeted for participation in the study, with the following results: 70% of respondents believe that the removal procedures are too lengthy and complex; the average removal time for goods at the DGDA/Béni is estimated at 10 working days after the customs declaration is submitted. However, these delays can extend up to 15 days or more in case of technical issues, additional verification, or administrative dysfunction; approximately 58% of importers reported having to make unjustified payments to expedite certain processes; only 25% of respondents acknowledged the transparency and predictability of the emergency removal procedure; nearly 65% of economic operators believe that DGDA agents are competent but lack technical resources and ongoing training to perform their duties effectively. Based on the analysis of the results obtained, we recommend: simplifying and clarifying procedures; digitizing customs processes; establishing a one-stop shop and decentralizing services; strengthening internal and external controls; training and motivating customs agents; raising awareness among economic operators; and improving logistical infrastructure.
Keywords : Removal Procedures, DGDA, Béni, Weaknesses, Improvement, Trade Fluidity, Economic Performance, Mixed Methods Approach, Descriptive Analysis, Transparency, Logistical Infrastructure
INTRODUCTION
L’enlèvement des marchandises représente une phase déterminante du processus douanier, tant sur le plan opérationnel que stratégique. Dans un contexte de mondialisation croissante des échanges commerciaux, les procédures douanières jouent un rôle clé dans la facilitation du commerce international, la sécurisation des frontières et la mobilisation des recettes publiques (Papier, 2014). En République Démocratique du Congo (RDC), et plus particulièrement dans la Ville de Béni, la Direction Générale des Douanes et Accises
(DGDA) est l’institution chargée de réguler l’entrée et la sortie des marchandises, de percevoir les droits et taxes à l’importation, mais également de garantir que les marchandises respectent les exigences réglementaires et sécuritaires nationales.
L’enlèvement des marchandises, défini comme la phase postérieure au dédouanement au cours de laquelle les marchandises sont autorisées à quitter les installations douanières (Afoto, 2006), est souvent sujet à des retards, des lourdeurs administratives, et parfois même à des pratiques illégales telles que la corruption ou le favoritisme. Ces dysfonctionnements peuvent engendrer des coûts supplémentaires pour les opérateurs économiques, allonger les délais de mise sur le marché des produits, et ainsi affecter la compétitivité des entreprises locales. Ce phénomène est particulièrement préoccupant dans des régions frontalières à fort potentiel commercial comme Béni, ville stratégique du Nord-Kivu, qui joue un rôle de plateforme entre la RDC et les pays voisins comme l’Ouganda.
Au cours de la période allant de 2014 à 2024, la DGDA a été confrontée à de nombreux défis liés à l’évolution des règles commerciales internationales, à la montée des exigences sécuritaires, à la digitalisation progressive des systèmes de gestion douanière (notamment avec l’introduction de
SYDONIA WORLD), ainsi qu’à des problèmes structurels tels que le manque d’infrastructures, l’insuffisance de formation des agents et la faible interconnexion entre services publics. Ces facteurs ont eu un impact direct sur l’efficacité des procédures d’enlèvement des marchandises.
La présente étude vise à analyser de manière approfondie les procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA de Béni, à en identifier les faiblesses, et à proposer des pistes d’amélioration concrètes, adaptées au contexte local. L’objectif principal est d’évaluer comment ces procédures influencent la fluidité du commerce et la performance économique de la région, tout en examinant les mécanismes réglementaires et institutionnels qui les encadrent.Pourquoi les procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA de Béni demeurent-elles lentes et complexes, malgré les réformes engagées depuis 2014, et quels en sont les impacts réels sur la compétitivité des opérateurs économiques locaux ?
1. PRÉSENTATION DU MILIEU D’ÉTUDE
1.1. Situation géographique et importance stratégique
Béni se trouve à environ 380 kilomètres au nord de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Elle est reliée à plusieurs corridors commerciaux, notamment la route nationale N°4 (RN4), qui mène vers Kasindi, poste frontalier majeur avec l’Ouganda. Grâce à cette position frontalière, Béni assure une part importante des importations en provenance de l’Asie (via les ports de Mombasa ou Dar-es-Salaam) qui transitent par le
Kenya et l’Ouganda avant d’entrer sur le territoire congolais. La présence d’un bureau régional de la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) à Béni témoigne de l’importance stratégique de cette Ville pour le commerce extérieur. Elle constitue également un point de transit pour les marchandises destinées à d’autres provinces de la RDC comme l’Ituri ou le Maniema.
1.2. Activités économiques locales
L’économie de Béni repose principalement sur le commerce, l’agriculture et les services. Le marché central de Béni et les nombreux entrepôts implantés le long des axes commerciaux sont des témoins de l’intense activité commerciale de la région. Les marchandises les plus couramment importées incluent les denrées alimentaires, les produits de construction, les équipements électroniques, les vêtements et les produits pharmaceutiques.Les importateurs locaux, souvent regroupés en petites et moyennes entreprises (PME), sont les principaux utilisateurs des services douaniers. Ils interagissent régulièrement avec la DGDA pour accomplir les formalités d’entrée des marchandises sur le territoire national. De ce fait, toute inefficacité dans les procédures d’enlèvement a des répercussions immédiates sur le tissu économique local.
1.3. Infrastructures douanières et logistiques
Malgré l’importance économique de la Ville, les infrastructures douanières de Béni restent relativement modestes et inadaptées à la croissance des flux commerciaux. Le bureau principal de la DGDA et les entrepôts de transit manquent souvent d’équipements modernes, ce qui ralentit le traitement des dossiers douaniers.
Par ailleurs, l’absence d’un guichet unique physique pour centraliser les démarches administratives oblige les opérateurs économiques à se rendre dans plusieurs bureaux (DGDA, OCC, ministère du Commerce, etc.), ce qui allonge les délais de traitement. L’insuffisance de moyens logistiques (véhicules, scanners, réseau informatique) contribue également à la lenteur des procédures.
1.4. Défis sécuritaires et instabilité régionale
La Ville de Béni est malheureusement affectée par une situation sécuritaire instable, due à la présence de groupes armés actifs dans les zones périphériques. Cette instabilité a un impact direct sur le commerce et les opérations douanières. Elle entraîne notamment des perturbations dans les corridors de transport ;une réduction des investissements privés etun climat de méfiance vis-à-vis des institutions publiques.Les contraintes sécuritaires limitent également les contrôles physiques des marchandises, exposant ainsi les procédures à des risques de fraude ou de contournement.
1.5. Importance de la DGDA locale dans la régulation économique
Dans ce contexte difficile, la DGDA de Béni joue un rôle central pour assurer la continuité des recettes publiques issues des droits et taxes ;réguler l’entrée des produits conformes ; lutter contre la fraude douanière et les pratiques illicites etc.
Cependant, l’efficacité de ses interventions reste limitée par des facteurs structurels comme le manque de ressources humaines qualifiées, l’absence de formation continue, et les failles dans la coordination interinstitutionnelle.
2. MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE
2.1. Type de recherche
Cette étude repose sur une approche mixte, combinant des méthodes quantitatives et qualitatives, afin de mieux comprendre les procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA/BENI et d’évaluer leur impact sur les acteurs économiques locaux. Elle vise à fournir une analyse fondée sur des données empiriques, tout en intégrant les perceptions subjectives des différents intervenants dans le processus douanier.
L’étude est de nature descriptive et analytique. Elle vise d’une part à décrire les pratiques actuelles relatives à l’enlèvement des marchandises, et d’autre part à identifier les forces, les faiblesses et les points de blocage du système en place. Cette double perspective permet d’élaborer des recommandations concrètes et applicables.
2.2. Lieu de l’étude
L’étude a été effectuée dans la Province du Nord-Kivu, Ville de Beni, commune de BEU à 1,5 Kilomètre du Rond-point NYAMWISI en prenant la route qui mène vers KASINDI dans la cellule appelée TCB (Terminal Container de Beni).
2.3. Population cible
La population cible de cette recherche se compose des différents acteurs impliqués dans les procédures douanières à Béni dont les importateurs et exportateurs locaux ; les commissionnaires en douane agréés ; les agents de la DGDA (chefs de services, déclarants, contrôleurs) et les autres services publics partenaires tels que l’Office Congolais de Contrôle (OCC), la DGM, et le ministère du Commerce. Ces acteurs représentent les maillons essentiels du système d’enlèvement des marchandises, chacun ayant un rôle spécifique et une expérience propre du processus.
2.4. Méthode d’échantillonnage
Un échantillonnage stratifié a été utilisé pour garantir une représentation équilibrée des différentes catego- ries d’acteurs économiques et institutionnels. L’échantillon a été constitué de 100 importateurs/exportateurs (répartis selon la taille de l’entreprise : petite, moyenne, grande) ;50 commissionnaires en douane ;30 agents de la DGDA (dont 10 du service contrôle, 10 du service dédouanement et 10 du service de la mainlevée) et20 représentants d’institutions partenaires.Au total, 200 personnes ont été ciblées pour participer à l’étude.
Deux principaux instruments ont été utilisés pour la collecte des données :
- Un questionnaire structuré, comportant des questions fermées (à choix multiples) et ouvertes. Il couvrait les aspects la durée des procédures ; la perception de la transparence et de la corruption ; le coût d’enlèvement ; la qualité du service fourni par la DGDA et quelques suggestions pour l’amélioration du processus.
- Des entretiens semi-directifs, menés auprès d’un échantillon de 20 personnes (agents de la DGDA, responsables d’entreprise, chefs de postes douaniers), afin de recueillir des données qualitatives plus approfondies et nuancées.
2.5. Outils de collecte
Plusieurs outils nous ont permis de récolter les données, notamment la revue de la littérature, les entretiens non structurés et questionnaire, analyse documentaire, observation directe et l’analyse des données statistiques.
Le respect de la confidentialité et du consentement éclairé des enquêtés a été garanti à toutes les étapes, à savoir la préparation ; collecte des données, traitement et analyse.
3. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Les résultats obtenus à partir des questionnaires et des entretiens ont permis de dresser un tableau réaliste des procédures d’enlèvement des marchandises à la DGDA de Béni. Ils mettent en évidence les perceptions, les expériences et les difficultés rencontrées par les différents acteurs concernés.
3.1. Appréciation générale des procédures
Sur les 200 personnes interrogées, 70 % estiment que les procédures d’enlèvement des marchandises sont trop longues et complexes. Cette perception est partagée aussi bien par les importateurs que par les commissionnaires en douane et certains agents de la DGDA. 3.1.1 Représentation graphique
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.2. Délais d’attente
L’analyse des données révèle que le délai moyen d’enlèvement d’une marchandise à la DGDA/Béni est estimé à 10 jours ouvrables, après le dépôt de la déclaration en douane. Toutefois, ces délais peuvent s’allonger jusqu’à 15 jours ou plus en cas de problème technique, de vérification supplémentaire ou de dysfonctionnement administratif.
Tableau N° 01 : Délai moyen d’attente
Type d’opération | Délai moyen estimé |
Traitement de la déclaration | 3 jours |
Inspection physique | 2 jours |
Obtention du bon à enlever | 5 jours |
Total moyen | 10 jours |
Source : Nous-mêmes à partir de nos enquêtes
3.2.1. Représentation graphique
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.3. Coût d’enlèvement et frais additionnels
Les répondants ont exprimé des inquiétudes quant aux frais supplémentaires non officiels qui s’ajoutent souvent aux droits et taxes prévus par la loi. Environ 58 % des importateurs interrogés déclarent avoir dû effectuer des paiements non justifiés pour accélérer certaines démarches.Ces frais sont perçus comme une forme de corruption institutionnalisée, nuisant la confiance de système.
3.3.1. Représentation graphique
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.4. Perception de la transparence
À la question de savoir si les procédures d’enlèvement sont transparentes et prévisibles, seuls 25 % des enquêtés ont répondu par l’affirmative. La majorité considère que le manque de clarté dans les démarches, ainsi que les différences d’interprétation des textes réglementaires alimentent la confusion et la méfiance.
3.4.1. Représentation graphique
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.5. Compétence et disponibilité des agents
Près de 65 % des opérateurs économiques estiment que les agents de la DGDA sont compétents, mais qu’ils manquent de moyens techniques et de formation continue pour bien accomplir leur mission. Par ailleurs, 30 % des déclarants ont rapporté des cas d’indisponibilitéou d’absenceprolongée de certains agents clés, ce qui ralentit davantage le processus.
3.5.1. Représentation graphique de compétence des agents
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.5.2. Représentation graphique de disponibilité des agents
Source : Nous-mêmes à partir de données récoltées (Ms office Excel 2010)
3.6. Points de vue des agents de la DGDA
Les agents douaniers interrogés ont eux-mêmes reconnu plusieurs difficultés structurelles dont l’insuffisance de personnel qualifié ; manque de matériels modernes (ordinateurs, scanners, logiciels) ; problèmes de connexion internet et de coupures d’électricité et trop grande dépendance à la centralisation des décisions à Kinshasa. Plusieurs agents ont aussi évoqué la pression des usagers pour accélérer les procédures de manière non conforme, notamment par le biais de pots-de-vin ou d’interventions extérieures.
4. DISCUSSION DES RÉSULTATS
L’analyse des données issues de l’enquête menée auprès des acteurs économiques et institutionnels à Béni met en lumière plusieurs dysfonctionnements dans les procédures d’enlèvement des marchandises à la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA). Ces résultats permettent de mieux comprendre les enjeux liés à la performance douanière et d’identifier des pistes concrètes d’amélioration.
4.1. Des procédures longues et complexes : un frein à la fluidité commerciale
L’un des constats majeurs de cette étude est la complexité excessive des démarches administratives. Les opérateurs économiques dénoncent le nombre élevé d’étapes et le manque de coordination entre les services. Cette complexité, souvent perçue comme inutile, engendre des délais d’attente prolongés qui nuisent à la fluidité des échanges et augmentent les coûts logistiques. Ces lenteurs sont en contradiction avec les objectifs de la facilitation des échanges encouragés par l’Organisation mondiale des Douanes (OMD) et les engagements pris par la RDC dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
4.2. Une corruption perçue comme systémique
Plus de la moitié des enquêtés ont mentionné des paiements informels pour « faciliter » ou « accélérer » les procédures. Cela met en évidence un climat de méfiance entre l’administration douanière et les usagers, alimenté par le manque de transparence, les zones grises dans l’application des textes et les pratiques clientélistes. Ce phénomène mine la légitimité de l’administration douanière et décourage l’investissement, en particulier de la part des petites et moyennes entreprises, qui disposent de peu de marge pour absorber ces coûts illégitimes. 4.3. Une infrastructure logistique insuffisante
Le manque d’équipements modernes (ordinateurs, logiciels performants, scanners) et les difficultés techniques (coupures d’électricité, lenteur d’internet) constituent des goulets d’étranglement majeurs. Ils ralentissent la prise en charge des dossiers, limitent les contrôles automatisés, et rendent les services dépendants de processus manuels souvent sources d’erreurs et de retards. Cette insuffisance logistique renforce les pratiques archaïques et rend difficile la mise en œuvre de systèmes innovants comme SYDONIA WORLD, pourtant conçu pour simplifier et digitaliser les procédures douanières.
4.4. La sous-utilisation du potentiel humain
Bien que les agents de la DGDA soient, en majorité, jugés compétents par les usagers, ils manquent de formations continues, d’incitations à la performance et de supervision efficace. Cela contribue à un certain relâchement dans la rigueur administrative et à une vulnérabilité face aux sollicitations extérieures. La valorisation du personnel par la formation, les moyens adéquats et un environnement de travail motivant pourrait renforcer la qualité du service et la culture de la transparence.
4.5. Impacts économiques directs et indirects
Les retards dans l’enlèvement des marchandises ont des conséquences économiquesconsidérables dont la hausse des frais de stockage dans les entrepôts ; la détérioration de produits périssables ; les pénalités contractuelles pour les entreprises dépendantes des délais de livraison ; la perte de compétitivité sur les marchés local et régional…
Ces impacts sont particulièrement lourds pour les petites entreprises, qui constituent la majorité du tissu économique à Béni, et mettent en péril la viabilité de nombreuses activités commerciales.
4.6. Vers une réforme structurelle : pistes envisagées
Face à ces constats, plusieurs pistes d’amélioration émergent comme simplifier les procédures en supprimant les étapes redondantes ; renforcer l’intégration numérique via une généralisation effective de SYDONIA WORLD ; mettre en place un guichet unique réunissant tous les services concernés par l’enlèvement ou la marchandise en trafic (international, infranational) ; instaurer des mécanismes de contrôle citoyen et interne pour lutter contre les pratiques illicites ; décentraliser certaines décisions pour réduire la dépendance de Kinshasa et accélérer les processus locaux.
5. CONCLUSION ET RECOMMANDATION
Cette étude a permis de dresser un état des lieux des procédures d’enlèvement des marchandises à la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) de Béni, en République Démocratique du Congo, et de mettre en évidence plusieurs défis majeurs auxquels sont confrontées les entreprises locales. Il en ressort que, malgré les efforts de la DGDA pour réguler le commerce, plusieurs obstacles freinent la fluidité des échanges commerciaux, notamment :
- La complexité des démarches administratives, qui entraîne des retards significatifs dans le processus d’enlèvement des marchandises.
- La perception généralisée de la corruption et des pratiques non éthiques, qui détériorent la confiance des opérateurs économiques dans le système douanier.
- Le manque d’infrastructures adéquates, tant sur le plan logistique que technologique, ce qui ralentit les processus de traitement des dossiers et de gestion des marchandises.
- La formation insuffisante des agents douaniers, qui compromet la qualité du service et l’application rigoureuse des règles.
Malgré ces difficultés, des solutions existent et des améliorations sont possibles grâce à des réformes structurelles et organisationnelles, un investissement dans la digitalisation des procédures, et un renforcement de la transparence et des contrôles.
À l’issue de l’analyse des résultats et des défis identifiés dans cette étude, nous recommandons :
- Simplification et clarification des procédures : les résultats ont clairement indiqué que les procédures douanières sont trop complexes et chronophages, ce qui ralentit considérablement l’enlèvement des marchandises. Une simplification des étapes est indispensable pour alléger la bureaucratie et réduire les délais.
- Digitalisation des procédures douanières : les retards et l’inefficacité observés dans les procédures d’enlèvement des marchandises sont en grande partie dus à la non-utilisation optimale des technologies modernes. La digitalisation est un levier essentiel pour améliorer la gestion des flux de marchandises. • Mise en place d’un guichet unique et décentralisation des services : l’une des principales difficultés relevées par les participants est la multiplicité des acteurs impliqués dans le processus, ce qui complexifie la gestion des marchandises. Un guichet unique permettrait de centraliser l’ensemble des services en une seule interface et d’améliorer la coordination.
- Renforcement des contrôles internes et externes : pour lutter contre la corruption et les pratiques non éthiques identifiées dans l’enquête, il est essentiel de renforcer les mécanismes de contrôle et de transparence. Cela inclut à la fois des mesures de contrôle interne au sein de la DGDA, ainsi que des mécanismes externes impliquant les opérateurs économiques.
- Formation et motivation des agents douaniers : les agents de la DGDA jouent un rôle crucial dans la bonne gestion des procédures d’enlèvement des marchandises. Pour améliorer leur efficacité et leur engagement, il est indispensable de les former régulièrement et de les motiver à travers des incitations appropriées.
- Sensibilisation des opérateurs économiques : Les entreprises locales doivent être conscientes des règles et des procédures en vigueur pour éviter les erreurs et les retards inutiles. Une sensibilisation accrue peut aussi améliorer leur collaboration avec la DGDA et renforcer la confiance mutuelle.
- Amélioration de l’infrastructure logistique : L’infrastructure matérielle et technologique de la DGDA de Béni doit être renforcée pour soutenir l’effort de digitalisation et d’optimisation des procédures. À long terme, l’adoption de ces réformes pourrait transformer Béni en un véritable hub commercial grâce à une gestion douanière moderne et compétitive. En améliorant la fluidité des échanges et la compétitivité des entreprises, ces changements pourraient également avoir un impact positif sur l’économie nationale et renforcer les relations commerciales de la RDC avec ses voisins et le reste du monde.
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