Le crime de dirigeants prévu dans l’Article 8 bis du Statut  de Rome de la Cour pénale internationale : un crime oublié par loi nº 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal Congolais

 

 

ESANGANI WALE RICHARD ADOLPHE

CHERCHEUR EN DROIT INTERNATIONAL PENAL

 

 

Le crime de dirigeants prévu dans l’Article 8 bis du Statut  de Rome de la Cour pénale internationale : un crime oublié par loi nº 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal Congolais.

 

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KINSHASA 2022

 

Le crime de dirigeants prévu dans l’Article 8 bis du Statut  de Rome de la Cour pénale internationale : un crime oublié par loi nº 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal Congolais. 

 

INTRODUCTION

Depuis toujours, le livre noir de l’humanité renseigne que l’homme a toujours été un loup pour un autre homme, que des peuples entiers ont été décimés par d’autres peuples, pour des raisons d’hégémonie politique, de dénomination culturelle et d’exploitation économique[1].

Aujourd’hui, l’obligation générale qui pèse sur les Etats dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux comprend entre autres le devoir de donner effet au droit de savoir enquêter contre les violations des droits de l’Homme, au droit à la justice c’est-à-dire la répression des préjudices subis par les victimes d’atrocités et au droit à des garanties de non-renouvellement (faire en sorte que les crimes de masse ne soient plus perpétrés et ne restent pas impunis). Face à une telle réalité, fort et malheureusement de constater que les auteurs de ces crimes demeurent impunis. C’est ainsi que, la lutte avec toute énergie contre cette impunité s’avère indispensable car les auteurs de ces barbaries doivent être recherchés, jugés, condamnés et doivent effectivement réparer tous les préjudices causés à l’égard de leurs victimes peu importe où ils se trouvent et les droits qui les couvrent.

L’impunité est devenue le mal contre lequel la communauté internationale dans son ensemble entend lutter pour prévenir la commission des crimes les plus graves, portant atteinte à l’humanité.

La société internationale, comme toute société, a besoin d’un minimum d’ordre pour se maintenir en tant que telle. Il y a des valeurs qui tiennent et qui conditionnent cette survie. Ces valeurs font partie de l’ordre public international. L’atteinte à ces valeurs universelles constitue une menace grave à la paix et à la sécurité internationale.

De ce fait, ces crimes commis, même dans le cadre d’un conflit interne, mais qui froissent ces valeurs universelles au point d’indigner la communauté internationale dans son ensemble constituent des crimes internationaux.

Ainsi, le crime d’agression est l’un de quatre crimes internationaux relevant de la compétence ratione materiae de la Cour Pénale internationale qui, aux termes de son Statut, n’est compétente, ratione personae, qu’à l’égard des personnes physiques. Pourtant, à en croire Maurice Kamto, l’agression fait partie de ces actes de violation grave du droit commis par les individus au nom de l’Etat[2].

Il est indiqué de noter que, dans l’ordre international, la violence entre Etats, en particulier le recours à la force armée, constitue une interdiction formelle[3].

Au regard de l’article 10 du Pacte de la Société des Nations, l’ambition était de punir les actes d’agression et les Etats agresseurs ; cependant, aucune définition de l’agression

n’était unanimement acceptée[4]. Partant, les Etats étaient restés réticents à qualifier une situation d’agression ou alors à réprimer le crime d’agression.

En effet, l’incorporation du crime d’agression dans le Statut de la CPI, texte d’envergure en droit international pénal, est venue, pour la seconde fois, réaffirmer la volonté forte et ferme de la communauté internationale de faire de ce crime, même en l’absence de tout consensus sur sa définition, un crime individuel à part entière. Depuis les jugements des TMI de Nuremberg et de Tokyo, prononcés il y a plus de soixante ans[5], marquant ainsi la première fois dans l’histoire de la justice pénale internationale[6] où des individus étaient formellement accusés, jugés et condamnés pour avoir eu recours à des guerres d’agressions, aucun projet et pas même celui mené par la CDI sur le projet de la codification des « core crimes » plus connu sous la dénomination de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, n’a permis de rendre effective, au niveau international et sur le plan individuel, la criminalisation de l’agression.

Ainsi, la Charte des Nations unies confie au Conseil de sécurité le pouvoir de constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression …[7]. Néanmoins, la Charte ne précise pas ce qu’il faut entendre par le terme « agression ». C’est pourquoi une définition juridique s’est révélée non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire.

 

Comme acte de l’Etat et engageant la responsabilité de celui-ci, une définition de l’agression sera, en 1974, coulée dans la résolution 3314 (XXIX)[8]. A ce propos, il appert cependant que la détermination de l’auteur d’un tel acte ne va pas sans difficulté, d’autant plus que l’Etat agresseur n’agit pas toujours directement par lui-même.

En revanche, outre l’incrimination du crime contre la paix, imputable à l’individu, par l’Accord de Londres du 8 août 1945[9], la question de l’agression comme crime individuel s’est posée avec une particulière acuité à la Conférence de Rome de juillet 1998 sur le Statut de la CPI[10]. Les Etats n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord sur une définition de l’agression en tant que crime particulier ; partant, la CPI ne pouvait donc pas poursuivre ce crime bien que prévu dans son Statut entré en vigueur le 1er juillet 2002.

Pour en finir, après de longues discussions techniques et négociations politiques qui ont duré une dizaine d’année, renseigne Maurice Kamto, le Groupe de travail spécial sur le crime d’agression proposa à l’Assemblée des Etats parties (AEP) au Statut de Rome une définition du crime d’agression. C’est ainsi que l’AEP l’adopta enfin lors de la Conférence de révision du Statut de la CPI qui a eu lieu à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010.

Aux termes de la Résolution de Kampala, le crime d’agression est entendu comme « la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies[11].

Dans cette perspective, l’on se pose la question de savoir : pourquoi le législateur congolais n’a pas intégré l’article 8 bis de Rome dans la loi de la mise en œuvre ?

Au vu la question ci-dessus posées, nous proposons une réponse suivante :

Ainsi, le législateur congolais n’avait justement pas manifesté sa volonté lors de l’élaboration de la loi de 2015 modifiant et complétant le code pénal congolais. Dans la mesure où, la définition de ce crime, est cette réalité selon laquelle le crime d’agression concerne d’abord et même exclusivement les personnes détentrices de la plus haute autorité au sein de l’État. La criminalisation de l’agression et la répression de ce crime s’adressent en effet, directement aux personnes occupant de hauts postes de responsabilité au sein de l’entité à l’origine de l’agression. Mais cela n’empêche qu’une juridiction nationale, en application du statut de Rome, de réprimer ce comportement, bien que les préalables conditionnant la mise en mouvement de l’action publique pour cette infraction constituent un obstacle majeur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le crime de dirigeants prévu dans l’Article 8 bis du Statut  de Rome de la Cour pénale internationale : un crime oublié par loi nº 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal Congolais.

CHAPITRE I : APPROCHES SYSTEMIQUES DE CRIME D’AGRESSION

A la fin de la première guerre mondiale, la guerre n’est plus considérée comme moyen licite pour régler les différends entre Etats, c’est d’ailleurs la volonté d’exclure la guerre et ses conséquences qui va conduire à la création de la Société des Nations (SDN) puis à l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin de maintenir la paix et la sécurité internationales via un système de la sécurité collective.

La paix devenait ainsi une valeur fondamentale de la société internationale. Afin de la préserver, les Etats condamneront l’agression en tant que guerre déclenchée contre un Etat.[12]

Cette posture avait été prise du fait que les actes d’inhumanité ayant caractérisé les deux guerres mondiales furent tels que, ne pas les réprimer, aurait pu entrainer un sentiment d’inachevée au succès militaire des puissances alliées et associées. Ainsi, il a paru nécessaire de parachever la victoire militaire à travers processus à la fois pénale et judiciaire.

La répression de ce qui est finalement comme un crime, et qualifié de « crime contre la paix »,[13] viendra au sortir de la seconde guerre mondiale, devant le tribunal militaire international de Nuremberg chargée de juger les grands criminels de guerre.

Section 1. Définition du crime d’agression

Lors de la fondation de la Société des Nations, en 1919, l’agression était une conception juridique nouvelle. Ceci est vrai dans la mesure où l’acception de l’agression en soi échappait à la réalité juridique de cette période. Néanmoins, plusieurs tentatives d’établir une définition d’agression ont eu lieu, malheureusement handicapées par le rejet du Traité de Versailles par certaines grandes puissances, dont les Etats-Unis d’Amérique.

Ainsi, le traité de Versailles était une tentative avorté pour faire juger internationalement pour la première fois un individu au nom du droit international pénal par un tribunal. Fort malheureusement s’était un rendez-vous manqué dans la mesure où le Kaiser Guillaume ne fut jamais jugé, puisque les Pays-Bas refusèrent de l’extrader et que l’Allemagne refusera d’extrader ses ressortissants[14].

En effet, s’il n’a trouvé aucune application, l’article 227 du Traité de Versailles constitue cependant une source féconde pour d’intenses travaux de réflexion (…). La deuxième Guerre Mondiale avait fait l’occasion des multiples violations humanitaires dont les auteurs ne sauraient rester impunis.

Au cours de cette guerre, et en particulier avec les déclarations de Moscou de 1943 et de Potsdam de 1945, les Alliées (la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Union Soviétique) avaient affirmé que les criminels de guerre des puissances de l’Axe seraient punis de manière exemplaire à la fin du conflit.

Avec l’Accord de Londres du 8 aout 1945, les Alliés formalisèrent la décision d’instituer un Tribunal militaire, siégeant en Allemagne (Nuremberg), qui aurait comme tache de juger les plus grands criminels de guerre Nazis. C’est ainsi qu’il a été institué le Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg en exécution de l’Accord de Londres[15].

 

Ainsi, Aux termes de l’article 1er« un tribunal international fut créé pour juger et punir de façon appropriée et sans délai, les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe ». Les atrocités commises par les ténors du Reich allemand dont le chef de fil Adolf Hitler pendant la seconde guerre mondiale (de 40 à 45) avait rendu nécessaires des poursuites judiciaires contre les principaux criminels Nazis après la victoire des alliés sur les pays de l’axe du mal[16]. Il faut également relever à ce niveau que la volonté de chantier les criminels, auteurs de la guerre d’agression n’est pas seulement dans le camp des alliés. Elle est aussi manifestée par les allemands qui étaient hostiles à la politique d’Hitler. Ils ont pour cela réclamé un jugement par les tribunaux allemands ou encore un tribunal international.

Une année après l’institution du tribunal militaire international de Nuremberg, il a été créé par la charte, un tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient. Créé par une décision du 19 janvier 1946 du commandant en chef de troupes d’occupation au Japon, le Général MC Artur Douglais, le procès de Tokyo s’est étalé sur pratiquement deux années, soit du 5 mai 1946 au 12 novembre 1946 au 12 novembre 1948. Globalement le droit de Tokyo va apparaitre comme une redite du droit du Nuremberg (qui lui avait été créé par une décision quadripartie), dont il réaffirmera les principes. Mais ce dernier est à bien égard très différent.

Ainsi, dès l’article premier de la charte, il est affirmé que le tribunal est établi pour le juste châtiment des grands criminels de guerre d’Extrême-Orient et que son siège permanent est à Tokyo[17].

A cet effet, la guerre d’agression est, pour la première fois, qualifiée de crime « contre la paix » et sanctionnée pénalement ; elle constitue, selon le Statut du T.M.I. de Nuremberg, une infraction internationale à part entière, et un fondement d’une responsabilité pénale individuelle[18].

L’Accord établissait la compétence matérielle du tribunal en lui conférant pour mission de juger les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Se référant au paragraphe a de l’article 6 du statut du tribunal militaire International, « il est soumis à la juridiction du tribunal militaire international les crimes contre la paix : c’est-à-dire la direction, la préparation, le déclanchement ou la poursuite d’une guerre d’agression, ou d’une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes qui précèdent »[19].

Au sens de cet article, le crime contre la paix était envisagé de trois façons distinctes :

– La direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression ;

– La guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux ;

– La participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des cas susvisés[20].

Ayant tracé la voie de la responsabilité pénale des chefs en tant que tels, l’Accord de Londres précisait que les dirigeants, les organisateurs, les provocateurs ou les complices qui auraient pris part à l’élaboration ou à l’exécution d’un plan concerté ou d’un complot pour commettre l’un quelconque des crimes ainsi définis sont responsables de tous les actes accomplis par toute personne en exécution de ce plan.

L’article 7 insistait et excluait formellement que le fait d’avoir été chef d’Etat ou d’avoir assumé des responsabilités au niveau gouvernemental puisse être une excuse ou une source d’atténuation des sanctions. Enfin, l’article 8 dispose que le fait d’avoir agi conformément aux instructions de son gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique ne dégagera pas l’auteur de sa responsabilité, mais pourra être considéré comme un motif de diminution de la peine, si le Tribunal décide que la justice l’exige.

Sur le modèle du Statut du TMI de Nuremberg, le crime contre la paix se décomposait en quatre phases distinctes qui correspondaient à quatre incriminations autonomes. La participation à elle seule suffisait pour engager la responsabilité pénale de l’individu. Deux critères prévalaient à la détermination des auteurs de l’acte d’agression : le fait matériel de participer à un acte d’agression, et le fait que cette participation ait été intentionnelle et exécutée en connaissance de cause, dans le cadre d’un plan ou politique d’agression[21].

La définition du crime contre la paix ci-haut donnée se rapportait à l’agression commise par des individus et s’inscrivait dans une perspective du droit pénal international dont les textes constitutifs de TMI furent les premières pierres importantes.

L’accord de Londres aura alors été un acquis dans les suivants travaux sur la définition de l’agression qu’on considérera d’une part comme crime de l’Etat dans la Résolution 3314(XXIX) et d’autre part comme crime de l’individu dans le Statut de Rome révisé.

 

  • 1. Définition du crime d’agression dans la résolution 3314 (xxix)

Déjà au temps de la Société des Nations, on avait tenté de définir l’agression. À la Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale qui s’était tenue à San Francisco du 25 avril au 26 juin 1945, plusieurs délégations avaient proposé que le terme « agression », figurant au titre B du chapitre VIII des propositions de Dumbarton Oaks (devenu par la suite le Chapitre VII de la Charte), soit défini ou expliqué[22].

L’Assemblée Générale des Nations Unies, par sa Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974, a défini l’agression comme « l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, de toute manière incompatible avec la charte des Nations Unies.[23]

Cette définition exclue de l’acte d’agression d’autres emplois de la force qui n’impliquent pas l’usage des armes, dans la mesure ou l’acte d’agression est un élément d’agression qui aux termes de cette résolution de l’AG de l’ONU ne peut être que de nature armée car on estime qu’on ne peut pas concevoir une agression dont l’acte d’agression est la manifestation sans l’utilisation ou le recours à la force.

  • 2. Définition du crime d’agression dans le statut de Rome Revissé

S’agissant du statut de la CPI, dès son adoption, reconnaissait en son article 5 la compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression mais précisait que celle-ci ne pourrait exercer cette compétence que lorsqu’une disposition aura été adoptée, qui en définisse et fixera les conditions d’exercice.[24]

L’article 5 du statut de Rome précisait également que la définition de l’agression devrait être « compatible avec les dispositions de la charte des Nations Unies ».

C’est lors de la conférence de révision de Kampala qui  s’est tenue du 30 mai au 10 juin 2010 que les Etats parties au statut de la CPI ont adopté par consensus un article 8 bis du statut de la CPI définissant le crime d’agression et les articles 15 bis et 15 ter précisant les conditions dans lesquelles la CPI peut exercer sa compétence à l’égard de ce crime.

A l’issue de cette conférence de révision de Kampala, les Etats parties au statut de la CPI ont adopté un article 8 bis qui définit en son paragraphe I l’agression comme « la planification, la préparation, le lancement, ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un Etat, d’un acte d’agression, qui par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la charte des Nations Unies.[25]

En accord avec l’approche du droit international public, on entend par acte d’agression l’emploi par un état de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre état ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivant sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (xxIx) de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en date du 14 décembre 1974 :

  1. a) L’invasion ou l’attaque du territoire d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre Etat ;
  2. b) Le bombardement, par les forces armées d’un Etat, du territoire d’un autre Etat, ou l’emploi de toutes armes par un Etat contre le territoire d’un autre Etat ; c) Le blocus des ports ou des côtes d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat ;
  3. d) L’attaque par les forces armées d’un Etat contre les forces armées terrestres, navales ou aériennes, ou la marine et l’aviation civiles d’un autre Etat ;
  4. e) L’utilisation des forces armées d’un Etat qui sont stationnées sur le territoire d’un autre Etat avec l’accord de l’Etat d’accueil, contrairement aux conditions prévues dans l’accord ou toute prolongation de leur présence sur le territoire en question au-delà de la terminaison de l’accord ;
  5. f) Le fait pour un Etat d’admettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre Etat, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d’agression contre un Etat tiers ;
  6. g) L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle action.

C’est à partir du 1er janvier 2017, date à compter de laquelle les états parties devront prendre une décision pour activer la compétence que la Cour pourra exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression.

Le texte des articles 15 bis et 15 ter détermine les conditions d’exercice de la compétence de la Cour à l’égard du crime d’agression et le régime juridictionnel unique différent des autres crimes du Statut. Ces articles définissent quand le Procureur de la Cour pénale internationale peut ouvrir une enquête.

Conformément à l’article 15 ter du Statut, lorsqu’une situation est renvoyée au Procureur par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, la compétence de la Cour est activée de la même manière que pour les autres crimes du Statut, ce qui signifie que le Procureur peut ouvrir une enquête sur le crime d’agression. Cependant ,conformément à l’article 15 bis, le Procureur ne peut ouvrir une enquête sur un crime d’agression de sa propre initiative (proprio motu) ou sur renvoi par un état seulement après s’être assuré que le Conseil de sécurité a constaté qu’un acte d’agression a été commis par l’état en cause (conformément à l’article 39 de la Charte des Nations Unies) et après avoir laissé passer six mois à compter de la détermination du Conseil de sécurité.

L’article 15 bis prévoit également que les états parties peuvent se soustraire à la compétence de la Cour conformément en déposant une déclaration de non-acceptation de la compétence auprès du Greffier de la Cour. Une telle déclaration pourra être faite à tout moment et sera révisée par l’état partie dans un délai de trois ans. Cet article prévoit explicitement que les états non parties ne seront pas soumis à la compétence de la Cour vis-à-vis du crime d’agression lorsque celui-ci aura été commis par des ressortissants ou sur le territoire d’un état non partie.

Les articles 15 bis et 15 ter prévoient que le constat d’un acte d’agression par un organe extérieur à la Cour est sans préjudice des constatations que fait la Cour elle-même en vertu du présent Statut. Et selon les dispositions précitées, la Cour ne pourra exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression que lorsque: Au moins 30 états parties auront ratifié ou accepté l’amendement, et Les deux tiers des états parties auront adopté une décision pour activer la compétence, à tout moment à compter du 1er janvier 2017.

Plusieurs interrogations demeurent également irrésolues à propos de la gravité et de l’ampleur de l’acte : A quoi tient ce caractère grave de l’acte et par ailleurs, quel est le seuil de gravité à partir duquel un acte peut être grave, partant constitutif de crime d’agression ? A ce stade, le recours aux « éléments des crimes » ne parait pas à cet effet d’un grand recours en ce sens qu’ils n’offrent aucune précision susceptible de dénouer l’obstacle[26].

Cette interrogation trouve sa pertinence en l’espèce, dans la mesure ou tout acte d’agression est par sa définition ou par sa nature grave de conséquences,  car priver un Etat, par exemple d’une étendue suffisante de son territoire  est, déjà, d’une gravite considérable et certaine a plusieurs égard.

Toutefois, l’exigence du caractère manifeste permet assurément d’exclure du champ d’application du crime d’agression, d’autres actes, par ailleurs constitutifs de violation du principe de l’interdiction de recours à la force armée, partant celle même de la charte des Nations-Unies  mais qui ne revêtent pas un degré suffisant de gravité.

Le statut de la CPI prévoit qu’ « aucune des dispositions du présent statut relative à la responsabilité pénale des individus n’affecte la responsabilité des Etats en droit international ».[27]

A travers cette disposition du statut de Rome, chaque Etat conserve son droit d’agir contre un autre Etat selon les modalités prévues en droit international concernant la résolution pacifique des différends  pour un fait internationalement illicite concrétiser par un acte d’agression dont il a été victime nonobstant la poursuite individuelle pour crime d’agression aux auteurs de celui-ci.

Section 2: Eléments constitutifs du crime d’agression et régime de répression du crime d’agression

Il est question d’analyser  brièvement l’élément propre du crime d’agression et l’élément légal, matériel et intentionnel.

  • 1. Elément propre du crime d’agression
  1. De l’analyse de l’article 8 bis du statut de la CPI

Les comportements visés par l’article 8bis du statut de Rome sont :

  • L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre État ;
  • Le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un État contre le territoire d’un autre État ;
  • Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État ;
  • L’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre État ;
  • L’emploi des forces armées d’un État qui se trouvent dans le territoire d’un autre État avec l’agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l’accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de l’accord pertinent ;
  • Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État tiers ;
  • L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes[28].
  • 2. L’élément légal, matériel et intentionnel
  1. L’élément légal

C’est l’Article 8 bis du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. En effet, « Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.          

                    Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies(…) ».

 

  1. L’élément matériel

Aux termes de l’élément du crime, l’auteur doit avoir :

  • la planifié, la préparé, déclenché ou commis, acte d’agression[29].

En effet, la détermination du ou des éléments matériels possibles du crime d’agression se fera sur la base de divers instruments et textes de droit international, et surtout en s’appuyant également sur les documents produits lors des travaux du Groupe de travail spécial chargé de définir le crime d’agression, « Groupe » ayant remplacé la Commission préparatoire. Il faut, dès maintenant, souligner qu’en droit international pénal, les seuls textes internationaux de nature pénale à avoir criminalisé le crime contre la paix, aujourd’hui couramment nommé le crime d’agression (Statuts des TMI de Nuremberg et de Tokyo, Loi n° 10 du Conseil de contrôle) n’ont pas fait mention de façon expresse ou très précise, du moins tel qu’on puisse aujourd’hui facilement s’en servir, des éléments matériels constitutifs du crime d’agression.

Hormis la guerre d’agression, l’acte d’agression est largement admis comme l’élément matériel « crucial » du crime d’agression. Les questions généralement existantes sont celles portant sur le type de définition de l’acte d’agression (une liste détaillée ou une liste exhaustive) et sur le seuil caractéristique de cet acte.

  1. L’élément intentionnel

L’intention et la connaissance sont les deux normes qui constituent l’élément psychologique du crime. L’article 30 du Statut de Rome, intitulé Éléments psychologiques, dispose « sauf disposition contraire, nul n’est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d’un crime relevant de la compétence de la Cour que si l’élément matériel du crime est commis avec intention et connaissance »[30]. Bien que défini après l’entrée en vigueur du Statut de Rome, le crime d’agression ne saurait faire exception à cette disposition dans la mesure où il rentre dans la catégorie des crimes relevant de la compétence de la CPI au vu de l’article 5 du Statut de Rome. Et en ce qui ce qui concerne du crime d’agression, il est possible d’envisager l’intention de planification, préparation, de déclanchement ou de la commission d’un acte d’agression dont l’auteur agir  en toute connaissance.

 

Cependant, il y a une la relativité qui est  prise en compte de l’élément

Intentionnel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE II : LA REPRESSION DE CRIME D’AGRESSION EN DROIT CONGOLAIS

                         Ce chapitre examine d’une part, l’Appréciations critiques et suggestions constructives au regard de la problématique de la répression de crime d’agression et d’autre part, des suggestions constructives.

Section 1. Appréciations critiques et suggestions constructives au regard de la problématique de la répression de crime d’agression

Elle s’est articulée sur l’inefficacité organisationnelle et fonctionnelle des juridictions militaires face à la répression du crime d’agression avant de donner les  suggestions constructives au regard de la problématique de la répression de crime d’agression.

§1. L’inefficacité organisationnelle et fonctionnelle des juridictions militaires face à la répression du crime d’agression

La compétence exclusive des juridictions militaires pour poursuivre du crime d’agression soulèvent plusieurs préoccupations quant à leur répression.

  • Problème lié à la nature infractionnelle du crime d’agression

L’attribution par le droit positif de l’époque en RDC de la compétence exclusive de connaître des crimes graves aux juridictions militaires pose un problème relatif à la nature de ces infractions.

En effet, bien que le code pénal militaire congolais de 2002 distingue les infractions d’ordre militaire, celles dites mixtes et de toutes les autres infractions ordinaires. Le code judiciaire militaire étendait la compétence matérielle des cours et tribunaux militaires à toutes les catégories dès lors qu’elles sont commises par les militaires et policiers.

Nous constatons que le fait de définir les crimes internationaux au seul CPM était une tendance à donner à ces crimes les caractères d’infractions militaires alors qu’ils ne les sont pas en réalité.

Les crimes internationaux sont des crimes qui ne font pas de distinction en ce qui concerne le statut personnel de leurs auteurs, même s’ils sont commis par des militaires, « ils ne sauraient être considérés comme des infractions militaires, liés au besoin du service ou commis par devoir ». D’ailleurs, l’ordre de les commettre serait manifestement illégal.[31] Ce sont des crimes de nature tellement grave qu’ils concernent la communauté internationale et l’humanité toute entière.[32]

Toutefois, saluons dans le cadre de l’évolution législative congolaise, que la loi n° 15/023 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant la loi n° 024-2002 portant code pénal militaire à élaguer les dispositions relatives aux crimes touchant la paix et la sécurité de l’humanité dans cette dernière loi et que la loi n° 12/022 du 31 décembre 2015 a inséré ces infractions dans le code pénal ordinaire constituant ainsi le titre IX de ce dernier. Sous réserve de l’article 8 bis.

En outre, l’article 91 de la loi-organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire attribue aux Cours d’appel la compétence de connaître au premier degré des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et du crime de génocide pour les personnes qui relèvent de leur compétence personnelle et de celle des TGI.[33]

De cette disposition, on tire une interprétation selon laquelle la Cour de Cassation a reçu une compétence tacite de connaitre des crimes internationaux commis par les personnes dont elle a la compétence personnelle.

  • La dépendance de la justice militaire à sa hiérarchie

Les magistrats militaires sont à la fois des officiers de l’armée soumis au commandement militaire et des membres de l’ordre judiciaire. Le parquet militaire a donc aussi une nature hybride, son indépendance pendant les enquêtes est doublement menacée, à la fois parce que les auditeurs militaires à tous les niveaux sont soumis au contrôle hiérarchique de l’Auditeur général des forces armées mais également à l’autorité du commandement.

 

  • Difficultés liés au rang des justiciables militaires

Les juges militaires ne peuvent connaître que des cas ou se trouvent impliqués des accusés du rang égal ou inférieur aux leurs. Donc tout prévenu appartenant à l’armée ou à la police ne peut être jugé par un juge militaire dont le grade n’est pas équivalent ou supérieur au sien.[34] Ces règles établies par l’article 34 du code judiciaire militaire de 2002, se traduisent souvent par une difficulté ou une impossibilité de constituer le siège. On a alors recours à des juges assesseurs ayant le grade requis, mais qui ne sont pas magistrats de formation, pour dire et rendre justice, une solution fortement critiquée par les juges militaires de carrière.[35]

Il y a lieu de préciser que cette intégration du siège n’est pas possible au niveau de la Cour militaire et de la haute Cour militaire où tous les membres du siège doivent être des magistrats militaires tout au long de la période suivant l’installation des juridictions militaires.

Cette problématique est étroitement liée à l’impunité parce qu’en bloquant la promotion des magistrats militaires, leurs supérieurs hiérarchiques peuvent échapper à la justice.[36]

Ainsi, le fait qu’on continue de nommer des personnes présumées coupables d’abus de droits de l’Homme à des postes élevés dans la hiérarchie des FARDC est un sujet de préoccupation, et dans les circonstances semble les mettre à l’abri de la justice.

  • L’accessibilité des victimes à la justice militaire

Contrairement aux juridictions civiles, le droit d’accès des victimes à la justice militaire reste limité car si un procureur ne poursuit pas une affaire devant une juridiction pénale ordinaire, le plaignant peut obtenir de la justice une décision pour que l’affaire soit poursuivie, étant donné que la victime peut, par une citation direction saisir le tribunal. Il n’existe pas un droit similaire devant les cours et tribunaux militaires.

En effet, devant les juridictions militaires il n’existe pas une procédure de la citation directe parce que, les impératifs de la discipline militaire n’autorisent pas d’un subordonné puisse faire un rapport à travers une citation directe en charge de son supérieur.

  • Problèmes liés à l’exercice de la compétence des juridictions militaires sur les civils

Le cadre juridique applicable en RDC admet que les juridictions militaires exercent leur compétence sur les civils dans plusieurs circonstances, y compris pour les crimes internationaux, notamment dans le cas de toute personne qui commet une infraction au moyen d’une arme de guerre.

Cette extension de la compétence personnelle des juridictions militaires conduit à soustraire les civils à leur juge naturel et viol le principe selon lequel, « les juridictions militaires doivent, par principe, être incompétentes pour juger des civils ».

Pourtant, l’article 156 de la constitution du 18 février 2006 limite la compétence des juridictions militaires aux seuls membres des forces armées et de la police nationale. Confirmant ainsi le principe du juge naturel selon lequel les civils doivent être jugés par des tribunaux civils.[37]

En dépit des dispositions contraires à la constitution, les tribunaux militaires continuent cependant d’appliquer les dispositions du code judiciaire militaire qui consacrent la compétence des juridictions militaires a l’égard des civils dans plusieurs hypothèses légales.

Ces dispositions constituent une claire violation de la constitution et des normes internationales. D’après le projet de principes sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires relatifs à la compétence fonctionnelle des juridictions militaires, la compétence de ces juridictions doit être limitée aux infractions d’ordre strictement militaire commises par  le personnel militaire et les personnes assimilées au statut de militaire, pour des infractions strictement liées a l’exercice de leur fonction assimilée.

  • L’absence de protection des témoins

L’absence d’un programme adéquat de protection des témoins représente un problème majeur devant les « risques de représailles et d’agressions encourus par les témoins participant ou souhaitant participer à un procès ». Or en matière d’enquêtes et de poursuites de crimes internationaux mettant en cause les principaux responsables, parfois encore en position de pouvoir, la protection des témoins est essentielle, voir indispensable. Dans ces cas, l’intimidation des témoins constitue un problème crucial : « rien ou très peu n’est fait par  l’Etat congolais en général et la police nationale en particulier pour protéger les témoins vulnérables qui peuvent avoir à témoigner contre des hommes armés, que ce soit en fournissant à ces témoins des maisons sécurisées ou par le biais d’autres mesures ».

Les limites de la CPI quant à la répression des crimes internationaux

Sans perdre le repère, la compétence de la CPI répond au principe de complémentarité selon lequel, son exercice n’intervient que lorsque le ou les Etats n’ont pas la volonté ou la capacité de juger les crimes pour lesquels elle est compétente.

Elle a joué et continue à jouer un rôle très important dans la lutte contre l’impunité en RDC. Cependant, l’incompétence de la CPI à l’égard des nombreux crimes commis avant juillet 2002 a comme conséquence, d’une grande majorité des crimes internationaux échappent à sa juridiction.[38]

La CPI doit s’intéresser particulièrement aux cas des crimes les plus graves commis depuis l’entrée en vigueur de son statut, lesquels crimes pourraient difficilement faire l’objet de poursuites en RDC en raison de leur complexité d’une part et d’autre part de l’impossibilité d’obtenir l’extradition des auteurs vers la RDC.

Depuis l’entrée en vigueur du statut de Rome sur la CPI, une nouvelle forme de coopération contre les crimes est apparue. Il s’agit concrètement de la « remise » du délinquant à une juridiction pénale internationale. Cette forme de coopération judiciaire loge dans les articles 89 à 99 du statut de la CPI.

Il s’agit d’une procédure par laquelle une juridiction pénale internationale adresse à un Etat sur le territoire duquel est susceptible de se trouver une personne recherchée par elle, une demande tendant à obtenir l’arrestation de cette personne par l’Etat requis et de la lui remettre afin que soit organisé son jugement au niveau international.

Section 2. Des suggestions constructives

  • Application du statut de Rome en droit interne

La compétence de la Cour étant complémentaire à celle des juridictions pénales nationales, les Etats parties, dont la République Démocratique du Congo, rien  ne l’empêche étant une juridiction nationale, d’appliquer le statut de Rome, de réprimer ce comportement, bien que les préalables conditionnant la mise en mouvement de l’action publique pour cette infraction constituent un obstacle majeur.

  • Modification du code pénal

Envie d’harmoniser la façon de faire les choses, le législateur congolais qui a déclaré dans l’exposé de motif de la loi nº 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal qu’ l apparait la nécessité d’introduire dans le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal les infractions de crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre doit procéder à nouveau à la modification du code pénal pour intégrer le crime d’agression qui est un crime grave au même titre les autres 3 internationaux.

  • La reforme efficace et effective du système de justice congolais

En raison du principe de territorialité, les tribunaux congolais se doivent d’assumer en premier la charge de lutter contre l’impunité des crimes commis en RDC. La justice congolaise a le devoir  de mobiliser ses propres tribunaux afin de poursuivre les auteurs des crimes odieux.

La complémentarité entre les juridictions nationales et internationales en matière des crimes internationaux revêt alors une importance capitale et donne matière à réflexion. En effet, quelle que soit sa vocation universelle, on peut craindre avec raison que la CPI n’ait ni le temps, ni les moyens financiers de répondre aux espoirs de toutes les victimes .Par conséquent, une bonne partie des crimes pouvant relever du statut de Rome pourraient rester impunis si les juridictions nationales ne les traitent pas.

Ainsi, le rôle des juridictions nationales s’avère primordial afin de répondre, d’une part à leur obligation de poursuivre les auteurs de crimes graves et d’autre part, à pallier l’impossibilité pour la CPI de poursuivre tous les criminels tout en contribuant à ce que nous qualifions de la « domestication » du droit international pénal voir à la « mondialisation  des juges nationaux ». Cependant, le système de justice congolais fait face à un dysfonctionnement s’inscrivant généralement dans une conjoncture désastreuse de violences politiques et militaires car comment expliquer l’attitude ambiguë des juridictions nationales qui n’osent pas prendre une  option sérieuse et efficace dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux ? Ces différentes réalités mettent en lumière la capacité extrêmement limitée du système judiciaire national de remplir adéquatement ses fonctions essentielles au sein de l’Etat congolais, particulièrement en matière de la lutte contre la commission des nouveaux crimes internationaux .on y relève les signes, évidences, des preuves et manifestations de l’effondrement des institutions judiciaire, de leur crédibilité et de leur efficacité.

  • Le renforcement de l’effectif de magistrats et leur spécialisation aux questions qui touchent aux crimes internationaux

Les tribunaux et les magistrats qui œuvrent dans le système judiciaire congolais sont en nombre insuffisant depuis fort longtemps le nombre des magistrats est insignifiant pour s’occuper du lot des dossiers qui leur sont défères au quotidien.

L’état des lieux de la justice brossait il y a 10 ans faisait état d’un effectif très déficitaire de 1818 magistrats, soit 1495 magistrats civils actifs et 323 magistrats militaires actifs. Donc une estimation d’un magistrat pour 30 000 Personnes. Cette carence des magistrats a comme conséquences notamment :l’impossibilité de traiter toutes les affaires dont les juges sont saisis ou devraient se saisir, l’impossibilité d’atteindre le quorum nécessaire pour siéger, Obligeant dans certains cas le recours aux services de la police et de l’armée pour obtenir des juges assesseurs qui peuvent ou ne pas du tout  être formés en droit, la privation des certains territoires ruraux laissés sans bureaux de police, cours et tribunaux et sans magistrats forçant les victimes à parcourir de longues distances pour porter plainte, les officiers de la police judiciaire qui, en l’absence de magistrats, s’arrogent des pouvoirs qui ne leur sont pas reconnus par la loi.

La nécessite du recrutement des magistrats devient une urgence et après ce recrutement, les nouveaux magistrats et les anciens doivent bénéficier d’un recyclage sur le renforcement des capacités spécifiques dans le cadre des crimes internationaux. Cette formation permettra une compréhension solide, une harmonisation et une concordance des textes internes et internationaux qui règlementent la poursuite et la répression des crimes internationaux.

  • L’indépendance du système judiciaire congolais

On reconnait généralement en droit que l’indépendance est un attribut nécessaire à l’exercice de tout pouvoir judiciaire pour garantir l’équité du procès.

Or la grande faiblesse du système de justice en RDC réside depuis toujours dans le manque d’indépendance des cours et tribunaux par rapport aux structures du pouvoir exécutif, législatif et de l’administration étatique. Les interférences et immixtions des autorités politiques et militaires dans les affaires judiciaires sont courantes et reconnues.

L’indépendance des juges  constitue une composante essentielle des garanties judiciaires reconnues à tout accusé et exprimée dans le droit à un procès juste et équitable.

Cette indépendance judiciaire se mesure objectivement par les garanties d’inamovibilité, de la sécurité financière et d’indépendance administrative dont les juges et les magistrats doivent jouir dans le droit interne.

  • L’abandon de la politique de l’amnistie aux anciens chefs de guerres

L’amnistie est une mesure législative de clémence ayant pour effet d’enlever rétroactivement à certains faits leur caractère infractionnel ou délictueux. Ici les faits ont bel et bien eu lieu et constituaient des infractions à la loi pénale, ils ne sont pas effacés, mais par le fait d’amnistie, ils cessent d’être des infractions car ils sont désormais considérés par la volonté du législateur comme n’ayant jamais été commis.[39]

C’est ainsi que, l’amnistie permet aux infractions amnistiées de ne pas faire l’objet des poursuites car les faits sont considérés comme n’ayant jamais été consommés et si les poursuites sont déjà en cours, elles cessent immédiatement par le fait d’amnistie. Toutefois la partie qui a été victime de l’infraction amnistiée, peut normalement poursuivre les condamnations civiles prononcées à son profit.

Cependant, on observe l’émergence dans notre pays d’un contexte constant et permanent, celui des situations post conflits armés, qui en effet, pour la recherche de la paix, crée parfois un dilemme entre punir et pardonner les auteurs des troubles ayant occasionné l’instabilité, dès lors qu’ils constituent un enjeu majeur dans la recherche de la paix.

La question qu’on se pose ici est celle de savoir si on peut concevoir une paix acquise sans la justice ? Ou à contrario si on peut concevoir la justice sans la paix ? Les impératifs de la paix et de réconciliation doivent-ils occulter et taire les exigences de la justice, de répression et de réparation (dilemme entre la paix et justice).

Dans cet angle d’idée, l’ex-secrétaire général de l’ONU, la personne de Koffi Annan avait déclaré que : « parfois nous devons faire courir, à court terme, un certain nombre de risques à la paix dans l’espoir qu’elle sera mieux garantie à long terme ; la justice et la paix sont insécables, elles ne sont pas antinomiques. Tout est question de temps et de méthodes ».[40]

Toutefois, les autorités judiciaires congolaises doivent accélérer dans le processus d’indexation des auteurs ayant commis les infractions non couvertes par les multiples lois d’amnistie et surtout elles doivent soutenir et accompagner les victimes des infractions amnistiées quant à la réparation des préjudices subis.

Recours au modèle des tribunaux mixtes ou aux tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l’instauration d’une juridiction capable de réprimer le crime d’agression

Lors de l’entrée en vigueur du statut de Rome créant la CPI sur la scène internationale, l’on a beaucoup vanté son caractère permanent qui paraissait, prima facie, de résoudre tous les problèmes de répression judiciaire internationale et des infractions pénales internationales. Cependant, face à la réticence de certains Etats de ratifier son statut, on avait pensé qu’il s’agissait simplement d’attendre que des dispositions favorables des dirigeants des pays concernés les conduisent à une telle ratification.[41]

L’évolution de la justice pénale internationale a néanmoins pris une telle allure qui dépasse les potentialités des réponses à la CPI en termes de répression des crimes graves commis sur la scène internationale, d’autant que la communauté internationale a procédé à la création d’un type de juridiction pénales internationales dites : « tribunaux pénaux internationaux spéciaux ou mixtes ».[42]

On entend généralement par « tribunaux mixtes », ceux dont la composition et la compétence répondent à des exigences à la fois nationales et internationales. Ils impliquent une participation active des acteurs internationaux au sein des différents organes de la cour, notamment les chambres où siègent les juges et le bureau du procureur qui comprend la section des enquêtes.

De ce qui précède, deux types de juridictions mixtes ont été établis dans le passé : il s’agit des tribunaux mixtes internationaux qui ne font pas partie de l’ordre judiciaire interne et fonctionnent à l’extérieur du système national (tel est le cas du tribunal pénal spécial pour la Sierra-Léone et le tribunal pénal spécial pour le Liban) et les chambres mixtes et spécialisées qui sont intégrées dans l’ordre juridique interne et font partie du système judiciaire national (chambres mixtes et spécialisées du Cambodge et Bosnie Herzegovine), le cas le plus récent des chambres mixtes et spécialisées est la création d’une Cour spéciale pour la République Centrafricaine par la loi organique n° 15-003 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour pénale spéciale pour la RCA.

  • Tribunal indépendant du système judiciaire congolais

Il s’agit d’une « Cour spéciale » du même type que le tribunal spécial pour la Sierre-Léone, de caractère international et fonctionnant à l’extérieur du système judiciaire congolais. Elle serait créée par un traité entre l’ONU et le gouvernement congolais, siégerait dans le pays, et appliquerait le droit international et, si approprié des dispositions du droit interne congolais.

Elle serait constituée d’une majorité des juges, magistrats, procureurs et enquêteurs internationaux travaillant conjointement avec leurs collègues congolais. Bien que rien n’oblige à ce que la majorité de tous les employés d’une telle institution soient internationaux, il sera néanmoins nécessaire de s’assurer que les acteurs internationaux jouent un rôle prépondérant dans les décisions du tribunal, notamment par rapport aux poursuites engagées et aux jugements rendus, afin de renforcer la perception d’indépendance et d’impartialité qu’apporte leur présence au sein de la Cour.

En effet, le 14 août 2002, le Conseil de Sécurité des Nations Unies vota la résolution 1315 qui donna mandat au secrétaire de l’ONU pour créer un tribunal de juridiction mixte pour la Sierra-Léone, un accord avait été signé dans ce sens-là en janvier 2002 entre l’ONU et le gouvernement sierra-léonais et ratifié par le parlement de Sierra-Léone la même année.[43]

Il sied de souligner que ce modèle présente des avantages et des désavantages.

S’agissant des avantages, notons que :

  • Il offre une bonne garantie d’indépendance vis-à-vis des autorités nationales, limitant grandement les possibilités d’interférence dans le processus judiciaire ;
  • L’application du droit international et sa primauté sur le droit interne de chaque Etat offrent des garanties en termes de respect des droits fondamentaux des accusés dans le cadre d’un procès juste et équitable ;
  • Il offre une meilleure possibilité de coopération avec les Etats tiers et d’autres institutions comme l’Interpol, grâce aux assurances d’indépendance et d’impartialité que le caractère purement international donnerait à la cour.

En revanche, ce modèle a aussi des inconvénients importants, tels que :

  • Il s’agit d’un mécanisme assez lourd, long à mettre en place, ne pouvant traiter qu’un nombre limité de cas à un coût relativement élevé. En RDC, un tribunal international devrait siéger un peu partout sur le territoire, étant donné l’étendue du pays ;
  • Sa nature purement internationale priverait la justice congolaise d’une partie de sa compétence sur les crimes internationaux qui relèveraient du tribunal spécial ;
  • Son caractère non permanent, assorti vraisemblablement d’une compétence temporelle limitée aux crimes commis à une période déterminée, aurait peu d’impact direct sur l’impunité qui persiste à l’égard des violations qui continuent d’être commises en RDC.
  • Création des chambres mixtes spécialisées au sein de l’appareil judiciaire congolais

La création des chambres spécialisées au sein du système judiciaire congolais est perçue comme une solution adéquate et idoine de lutte contre l’impunité pour les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Ce mécanisme a le mérite de pouvoir s’inscrire davantage dans les efforts de réformation et réhabilitation du système judiciaire que doit mener le gouvernement avec le soutien de la communauté internationale. Il est conforme au principe selon lequel, « la compétence première des Etats en matière de crimes selon le droit international demeure la règle ».

En 2015, le législateur Centrafricain, en vue de mettre un terme sur le climat d’impunité qui règne dans ce pays depuis son indépendance, avait adopté la loi organique n° 15-003 du 3 juin 2015 portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale de Bangui dont le mandat est d’enquêter, d’instruire et de juger les violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire de la République centrafricaine depuis le 1erjanvier 2003.[44] Comparativement aux juridictions nationales centrafricaines de droit commun, cette nouvelle juridiction est hybride. Cette hybridité réside du fait qu’elle est composée dans toute sa structure organisationnelle de magistrats nationaux et de magistrats internationaux. Elle se manifeste également, dans le caractère international et national des autres membres du personnel de la Cour. Ainsi, au terme de sa mise en place, la CPS pour la Centrafrique est composé de 25 magistrats dont 13 nationaux et 12 internationaux.[45] Malgré la majorité numérique des juges nationaux, les chambres qui statueront en dernier ressort comprennent une majorité de juges internationaux. Elle est hybride également, du fait que son mode de financement est constitué par des contributions bilatérales et multilatérales en appoint aux crédits budgétaires internes.

Ce mécanisme des chambres mixtes spécialisées présente des avantages et inconvénients.

Parmi les avantages, mentionnons :

  • Le coût moins élevé des chambres spécialisées par rapport à un tribunal purement international ;
  • Elles pourraient avoir une compétence temporelle plus étendue, ouverte, de façon à couvrir les crimes internationaux commis jusqu’à ce jour ;
  • Elles permettraient de renforcer, plus que tout autre mécanisme, les capacités des acteurs judiciaires congolais et pourraient graduellement leur transférer l’ensemble des responsabilités pour mener à bien des enquêtes, les poursuites et les procès.

Evidemment, ces chambres mixtes spécialisées créées au sein du système judiciaire congolais présenteraient de nombreux défis :

  • Il serait plus difficile d’obtenir la coopération des Etats tiers avec ces juridictions, qui n’auraient aucune obligation générale de collaboration avec elle ;
  • Un manque de capacité chronique du système judiciaire congolais pourrait mettre en péril ce nouveau mécanisme. En effet, le système judiciaire congolais est affecté par  une carence importante des structures, de moyens financiers et opérationnels, de ressources humaines et de capacités générales pour permettre à tous les acteurs du système judiciaire de remplir leurs fonctions de façon adéquate et à l’abri des soucis financiers.

Voyons à présent des suggestions relatives au recours aux tribunaux pénaux internationaux ad hoc.

Création des tribunaux pénaux internationaux ad hoc comme modèle de la répression de crime d’agression

Pendant plus de quarante ans, il ne fut plus question des juridictions pénales internationales même si le projet de la création d’une juridiction permanente fut d’abord évoqué fréquemment dans les milieux scientifiques et universitaires pour être ensuite débattue au sein de l’ONU. Mais ces discussions ne progressent guère. On a pu se demander pendant cette longue période si les deux Tribunaux Militaires Internationaux de Nuremberg et de Tokyo n’avaient pas constitué une parenthèse historique sans lendemain.[46]

La raison de ce blocage politique au niveau international doit être trouvée dans la « guerre froide » entre le monde occidental dirigé par les Etats Unis d’Amérique (USA) et le bloc de l’Est dirigé par l’URSS. Pendant cette période, cette opposition politique radicale et la tension internationale extrême qui en résultait ont empêché l’adoption de tout projet de création d’une juridiction pénale internationale.

Les seuls instruments juridiques internationaux qui furent signés et ratifiés pendant cette période et qui étaient susceptibles d’améliorer la protection juridictionnelle internationale des citoyens en cas de violation de leurs droits fondamentaux furent les traités internationaux relatifs aux « droits de l’homme ». Précédée par l’affaiblissement progressif du régime communiste et par un début certes timide, de détente internationale, la « chute du mur de Berlin » en novembre 1989 fut l’événement symbolique qui permettra de mettre fin à la « guerre froide » entre l’Est et l’Ouest une des conséquences de cet important changement politique fut de rendre possible la mise en place de juridictions pénales internationales en cas de nécessité. [47]

Ainsi, le tribunal international pour l’Ex-Yougoslavie, tout comme le tribunal pénal international pour le Rwanda, ont été instauré par des résolutions du Conseil de Sécurité et respectivement pour chacun d’eux la résolution 827 du 25 mars 1993 pour le TPIY et la résolution 955 du 8 novembre 1994 pour le TPIR dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations-Unies relatif à l’ « action en cas de menace contre la paix, la rupture de la paix et l’acte d’agression.[48]

S’agissant du contexte de la création  du Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie, il sied de savoir qu’a l’issue de  l’éclatement de la guerre civile en Ex-Yougoslavie en 1991, ce pays constituait une République fédérale dont l’unité était maintenue par un régime socialiste assez autoritaire. Mais à présent que la « guerre froide » avait pris fin et que l’influence de l’Union soviétique diminuait dans cette région de l’Europe, les différents peuples composant la République fédérale de Yougoslavie se mirent à revendiquer tour à tour leur indépendance vis-à-vis de la Serbie. Cette guerre civile se déroule entre 1991 et 1995 en Croatie et en Bosnie-Herzegovine. Mais c’est en Bosnie-Herzegovine que les combats furent les plus longs ainsi que les plus meurtriers. C’est là aussi que les populations civiles souffrirent énormément. En particulier, chacun se souvient notamment des bombardements répétés de la capitale SARAJEVO et du massacre à Srebrenica de plus de 8000 hommes et garçons bosniaques musulman par les forces armées de la République des Serbies de Bosnie.[49]

Informé par le rapporteur spécial des droits de l’homme et ensuite par la commission d’experts indépendants, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte, le 22 février 1993, une résolution n° 808 dans laquelle il constate que les violations généralisées du droit international humanitaire sur le territoire de l’Ex-Yougoslavie.

En conséquence, le CS considère que les conditions de la mise en œuvre de ses pouvoirs prévues par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies sont réunies et il décide la création d’un tribunal chargé de juger les personnes responsables de ces crimes.

Ensuite, par la résolution n° 827 du 25 mai 1993, le CS de l’ONU crée ce tribunal (TPIY) et adopte en même temps son statut qui est annexé à la résolution.

Aux termes de l’article premier du statut du TPIY, ce tribunal international est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l’ordre de commettre des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, lesquels actes sont dirigés contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la convention de Genève pertinente.[50]

Son siège est établi à la Haye (Pays-Bas).

Pour ce qui concerne les circonstances factuelles qui ont militées a la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il faut savoir que le Rwanda connaissait depuis de nombreuses années des tensions inter-ethniques donnant lieu occasionnellement à des affrontements armés qui étaient suivis de périodes d’accalmie, et même de négociations de paix.

Le 6 avril 1994, l’avion transportant le président rwandais Juvenal HABYARIMANA et son homologue burundais est abattu par un tir dont l’origine demeure à ce jour non élucidée. Cet attentat fut suivi immédiatement de massacres à grande échelle commis à l’encontre de la population civile Tutsi et des Hutus dits modérés. En même temps, le pays fut le théâtre d’une guerre entre les forces armées rwandaises (FAR) du gouvernement en place à l’époque et les groupes armés du Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle replié en Ouganda et commandé par le général Paul KAGAME.

Les massacres de la population civile prirent fin au début du mois de juillet 1994 avec la victoire militaire du FRP. Ces massacres qui sont qualifiés de Génocide, ont marqué les esprits par leur horreur, par leur ampleur (entre 800.000  et 1.000.000 de morts).[51]

Informé par le rapporteur spécial des droits de l’Homme et par la commission d’experts indépendants, le conseil de sécurité de l’ONU décide , dans sa résolution n° 955 du 8 novembre 1994, de créer un tribunal pénal international ad hoc pour le Rwanda (TPIR) chargé de juger les personnes présumées responsables d’actes de Génocide ou d’autres violations du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.[52]

En se référant à ces deux tribunaux pénaux internationaux, le président du gouvernement de transition (2003-2005), Joseph KABILA  KABANGE, avait réitéré la demande dans son discours prononcé devant l’assemblée générale de l’ONU en déclarant que « La RDC croit à l’établissement d’un tribunal pénal international pour la RDC pour faire face aux crimes de Génocide, crime contre l’humanité, y compris le viol utilisé comme instrument de guerre et les violations massives des droits de l’Homme ».[53]

L’instauration de cette juridiction présente des avantages et des faiblesses.

S’agissant des avantages, notons précisément :

  • Une telle juridiction est dotée d’une grande indépendance du personnel judiciaire, à l’abri des interférences politiques directes, de moyens adéquats pour effectuer des enquêtes sérieuses et de poursuites respectant les garanties fondamentales des accusés dans le cadre d’un procès juste et équitable ;
  • Cette juridiction aura une primauté sur les juridictions nationales en tant d’organes subsidiaires du conseil de sécurité, ce qui rend leurs décisions obligatoires à l’égard de tous les Etats membres de l’ONU en vertu du droit international liant ses membres et oblige ces Etats de coopérer avec elle ;
  • Elle est donc en mesure de contraindre, tout individu à comparaitre devant elle, sans égard de sa nationalité ou des immunités dont il pourrait se prévaloir devant des juridictions nationales.

Toutefois, l’instauration de ce mécanisme a aussi des faiblesses dont :

  • Elle ne pourra contribuer qu’indirectement et de façon limitée au renforcement des capacités du système judiciaire national ;
  • L’instauration d’un tribunal pénal international implique des coûts considérablement élevés, en particulier au regard du faible nombre de poursuites engagées et de procès tenus ;
  • Il est temporaire et a compétence limitée et spéciale.

 

 

CONCLUSION

 

Aujourd’hui, l’obligation générale qui pèse sur les Etats dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux comprend entre autres le devoir de donner effet au droit de savoir enquêter contre les violations des droits de l’Homme, au droit à la justice c’est-à-dire la répression des préjudices subis par les victimes d’atrocités et au droit à des garanties de non-renouvellement (faire en sorte que les crimes de masse ne soient plus perpétrés et ne restent pas impunis).  Le crime d’agression est donc et avant tout, un crime international comme tous les autres crimes internationaux et sa prévention devrait être également assurée au moyen d’une répression effective de toute personne, auteur de ce crime. Ainsi, les questions liées à la mise en œuvre et au déclenchement des poursuites dans le cadre du crime d’agression doivent être définitivement réglées et surtout elles doivent être adoptées avec comme souci principal, d’assurer l’indépendance de l’arsenal juridique congolais, le respect des droits victimes.

[1]A. MINAKU NJDALANDJOKO, A la recherche d’un mécanisme efficient de poursuite et de répression des crimes internationaux commis en RDC, Thèse de doctorat, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2017-2019, p. 23

[2] M. KAMTO, l’agression en droit international, Paris, Ed. A. Pedone, 2010, p. 278.

[3] Au sens de l’article 2 point 4 de la Charte des Nations-unies, « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

[4] T. FURAHA, Notes de Cours de Droit de la Sécurité internationale, Université Catholique de Bukavu, Fac Droit, L2, 2014-2015, inédit, p. 9.

[5] Cette longue « inertie » étant l’une des conséquences de la guerre froide qui a existé entre les deux « blocs » au lendemain de la seconde guerre mondiale. V. sur ce sujet, l’ouvrage De Nuremberg à la Haye et Arusha, ss. dir. de DESTEXHE (A.) et FORET (M.), Bruylant Bruxelles, 1997, p. 19

[6] « La justice pénale internationale se compose d’un ensemble de règles et d’institutions qui disciplinent et organisent la punition des individus responsables de graves violations du droit international (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, agression). » ZAPPALÁ (S.), La justice pénale internationale, op. cit., p. 8

[7] Article 39 de la Charte de l’ONU, Dans M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Code du droit international africain, Bruxelles, de Boeck et Larcier, 2011, pp. 5-24.

[8] Aux termes de l’article premier de cette Résolution, l’agression est comprise comme « l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies ».

[9] L’article 6  a défini le Crime contre la paix comme « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression ou d’une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes qui précèdent ».

[10] M. KAMTO, Op. cit, p. 274.

[11] Article 8 bis point 1 du Statut de Rome. Disponible en ligne sur http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf

[12]Article 1er du Pacte de la Société des Nations

[13]Article 6 du statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg

[14] A.ESANGANI WALE, les droits des victimes dans un proces pénal : une étude comparative entre le droit congolais et droit international pénal, mémoire de licence en droit, UNIKIN, année universitaire 2018-2019, P.26

[15] Idem

[16] LUZOLO BAMBI LESSA E.J. et BAYONA BAMEYA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, édition PUC presse universitaire du Congo, Kinshasa, 2011.  p.  667.

[17] NYABIRUNGU mwene SONGA R., Droit international pénal, crimes conte la paix et la sécurité de l’humanité, Kinshasa, éd. Droit et sociétés, 2013 p. 102.

[18] H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, Op. cit., p. 251.

[19] Article 6.a du Statut du Tribunal militaire international.

[20] J.P. BAZELAIRE et T. CRETIN, Op. cit.,p. 21.

[21] ASCENSIOE H., DECAUX E. et PELLET A., Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000.p. 259.

[22] United Nations Audiovisuel Library of International Law, Définition de l’agression: Résolution 3314 (XXIX) de l’assemblée générale, 2008, p. 1. Disponible en ligne sur www.un.org/law/avl. Visité le 7 juillet 2022

[23]Article 1er de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 14 décembre 1974

[24]Article 5, §2 du statut de la CPI

[25]Article 8 bis du statut de la CPI

[26] MARTIN EKOFO INGANYA, «  La réparation des crimes internationaux en droit congolais, Analyse des pratiques indemnitaires des juridictions militaires  au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale » ASF – Décembre 2014.

[27]Article 25, §4 du statut de la CPI

[28] Article 8 du statut de la CPI

[29] WANE BAMEME, Droit pénal spécial, Notes de cours, Kinshasa, Unikin, 2015 ;p. 57.

[30] Article 30.1 du Statut de Rome.

[31] Anne-Laure CHAUMETTE et MURIEL UBADA-SAILLARD, L’activité des juridictions pénales internationales, ed. Larcier, Bruxelles, 2012, p. 4

[32] Idem

[33] Article 91 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire

[34] Article 34 du code judiciaire militaire établi que « pour la composition du siège de la juridiction militaire, il est tenu compte du grade ou rand du prévenu à l’époque  des faits reprochés ou, en cas de promotion ultérieure lors de la composition de la première audience (…). En cas d’impossibilité de composer le siège de la juridiction conformément aux dispositions de l’alinéa ci-dessus, les juges assesseurs sont pris sans distinction d’appartenance à une armée »

[35] L’article 35 du code judiciaire militaire congolais de 2002

[36] L’article 11 du code judiciaire militaire congolais dispose que « les juridictions militaires sont en outre compétentes à l’endroit de ceux qui, sans être militaires, commettent des infractions au moyen d’armes de guerre »

[37] Article 156 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à nos jours.

[38] LAURENT BWANAKAWA, la problématique de la répression des crimes internationaux contenus dans le rapport de Mapping  mémoire de licence en droit, UNIKIN, 2019.

[39] Antoine RUBBENS, Droit judiciaire congolais, Tome III, éd. PUC, Kinshasa, 2010, p.275.

[40] Déclaration de Koffi Annan, Secrétaire général des Nations unies, le 24 septembre 2003 à New-York devant le Conseil de Sécurité des Nations unies.

[41]E.J. LUZOLO BAMBI LESSA E. J. et Nicolas Abel BAYONA BA MEYA  (+), op. cit., p. 500

[42]Idem

[43]Le point 1 de la résolution 1315 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée le 14 août 2000

[44]Article 1 de la loi organique n° 15-003 du 3 juin 2015 portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale de la RCA

[45]Article 1 de la loi organique n° 15-003 du 3 juin 2015 portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale de la RCA

[46]H.D. BOSLY, Juridictions pénales et crimes internationaux, in revue de droit international et de droit comparé, Bruxelles, 2010, n° 2, p. 196

[47]Loc.cit.

[48]RENAUD DE LA BROSSE, Les trois générations de la justice pénale internationale : Tribunaux pénaux internationaux, CPI et tribunaux mixtes, Bruxelles, 2013, p. 158

[49]H.D., BOSLY , op. cit., p. 158

[50]Article premier du Statut actualisé du Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie

[51]H.D., BOSLY, op. Cit., p. 199

[52]Article premier du Statut du Tribunal International pour le Rwanda

[53]Allocution du général major Joseph KABILA, Président de la RDC : « Sur le plan international, nous pensons que le principal objectif en cette matière est à titre de rappel, l’établissement, avec l’assistance de l’organisation des Nations Unies d’un tribunal pénal international pour la RDC, chargé de connaître des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, y compris les viols utilisés comme armes de guerre, et des violences massives des droits de l’homme ». Voir document officiels de l’assemblée générale, cinquante-huitième session, 10ème séance plénière (A/58/PV. 10)