Contribution des cultures maraichères au revenu des ménages dans la vallée de N’djili à Kinshasa

International Journal of Innovation and Applied Studies

ISSN 2028-9324 Vol. 37 No. 3 Oct. 2022, pp. 874-881 © 2022 Innovative Space of Scientific Research Journals http://www.ijias.issr-journals.org/

 

Contribution des cultures maraichères au revenu des ménages dans la vallée de N’djili à Kinshasa

[ Contribution of market gardening to household income in N’djili valley in Kinshasa ]

Nduengisa Mumpasi René1 and Kifukieto Manzanza Carmel2

1Département d’agriculture, Institut Supérieur Pédagogique et Technique de Kinshasa (ISPT-KIN), Kinshasa, RD Congo

 

2Département d’agriculture, Institut Supérieur d’études Agronomiques de Kimbau, Province du Kwango, RD Congo

 

Copyright © 2022 ISSR Journals. This is an open access article distributed under the Creative Commons Attribution License, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

 

ABSTRACT: This article analyzes the contribution of market gardening to household income in the N’djili valley in Kinshasa. The Probit and Tobit models were estimated to take into account respectively: (1) the decision to participate in market gardening activities, (2) and the decision to depend on these activities. The results of the estimates showed that the decision to participate in market gardening activities is significantly affected by the variable age, level of study and the place of sale of market gardening products. Household dependence on market gardening is positively affected by gender, age and level of education and simultaneously negatively influenced by household size, experience in market gardening and sales locations. In addition, statistical analyzes indicated that a typical household earns on average an income of 222,000 Congolese francs for a combined crop cycle of at least two crops.

KEYWORDS: truck farming, household, income, peri-urban.

RESUME: Cet article analyse contribution des cultures maraichères au revenu des ménages dans la vallée de N’djili à Kinshasa. Les modèles Probit et Tobit ont été estimé pour prendre respectivement en compte: (1) la décision de participation aux activités de maraichage, (2) et la décision de dépendance de ces activités. Les résultats des estimations ont montré que la décision de participation aux activités de maraichage est affectée de façon significative par la variable âge, niveau d’étude et le lieu de vente des produits maraichers. La dépendance des ménages aux maraichages est positivement affectée par le genre, l’âge et le niveau d’étude et simultanément influencée négativement par la taille de ménage, l’expérience dans l’activité de maraichage et les lieux de vente. En outre, les analyses statistiques ont indiqué qu’un ménage typique gagne en moyenne, un revenu de 222.000 Franc congolais pour un cycle cultural combiné au moins de deux cultures.

MOTS-CLEFS: culture maraichère, ménage agricole, revenu, peri-urbain.

1           INTRODUCTION

Pour améliorer l’approvisionnement vivrier des villes africaines, le développement de la culture maraichère est un enjeu-clé. En Afrique subsaharienne, la consommation des légumes est une vie de tous les jours des ménages urbains et périurbains (Tchuinte et al., 2010).

La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un pays d’Afrique Subsaharienne caractérisé par un taux de chômage supérieur à 85 % de la population active (Musibono et al., 2015). Dans ces pays à économie fragile, la croissance démographique et l’expansion urbaine sont venues accentuer la misère des populations (insécurité alimentaire, la pauvreté, le chômage, etc.), les poussant ainsi à monter des stratégies pour survivre (Ntumba et al., 2015). La production maraîchère est une importante source d’emplois dans les milieux urbains, périurbains et surtout dans les rives des fleuves et/ou des vallées de certaines zones de la RD Congo (Rushigira, 2017). C’est donc une activité lucrative pour des populations à bas revenu vivant dans les différentes villes de ce pays. Du fait que les coûts de démarrage sont faibles et la valeur des produits élevée, le maraichage en milieu urbain et périurbain dans ce pays assure des moyens d’existence aux citadins pauvres et ces derniers en dépendent pour leur survie (FAO, 2010).

Corresponding Author: Nduengisa Mumpasi René

Estimée à17 millions d’habitants, la population de la ville de Kinshasa est frappée de plein fouet par le chômage qui renferme plus de 50 % de la population et plus 25% de la population est sous-employée, créant une situation de la pauvreté extrême (PAPAKIN, 2013). Ce niveau de pauvreté relativement élevé constitue l’un des facteurs qui incitent les populations kinoises à la diversification des sources de revenu. Le maraichage, tout en contribuant à la subsistance des ménages, entre dans cette stratégie de diversification du revenu. Il constitue le principal moyen de survie de la population citadine, particulièrement celle de Kinshasa où la grande partie de la production agricole est réalisée par les petits exploitants pratiquant une agriculture extensive sur des petites étendues et caractérisée par une faible utilisation d’intrants adéquats.

Le maraichage pratiqué dans la ville de Kinshasa et dans ses environs crée des opportunités pour des familles en insécurité alimentaire. Les barrières d’entrée dans ce secteur sont souvent très basses. Pour les maraichers pauvres, l’acquisition d’une portion de terre est quasi suffisante en ce sens qu’ils disposent eux-mêmes d’un capital nécessaire: la main d’œuvre familiale. Le faible niveau de scolarisation de ces maraichers pauvres ne pose a priori pas de contraintes spécifiques pour la conduite de maraichage (KASONGO & YUMBA, 2009).

Toutefois, l’agriculture maraîchère est aujourd’hui remise en question dans la ville de Kinshasa. La poussée urbaine, par l’extension des superficies habitées, constitue une menace pour le développement de cette activité, voire sa survie. Elle crée une situation de concurrence défavorable au maraîchage (réduction sensible ou marginalisation des terres agricoles).

De nombreuses familles kinoise s’adonnent à des activités de production maraîchères à cycle court, destinées à approvisionner les marchés urbains et à leur assurer des revenus réguliers pour survivre. De plus, les familles très pauvres n’ont souvent pas d’autre choix que de cultiver des petites étendues, question d’assurer un minimum de qualité nutritionnelle à leurs familles et de survenir aux besoins de base de leurs familles. Ce sont principalement les légumes-feuilles frais qui sont consommés: la baselle (basselle), l’oseille (ngai-ngai), la patate douce (matembele), l’amarante (biteku teku), la pointe noire (Brassica ….), épinard, etc.

L’importance de la culture maraîchère n’est plus à démontrer en République démocratique du Congo. A Kinshasa par exemple, Muzingu (2010) et Tollens (2004) ont révélé que les cultures maraichères est un moyen de lutter contre la pauvreté et la malnutrition. A Lubumbashi, Mushagalusa Balasha & Nkulu Mwine Fyama (2020) ont révélé que la marge bénéficiaire dégagée au fil de temps par les exploitants maraichers leur a permis de faire face à certaines dépenses comme les soins médicaux, frais de mariage, achat téléphone portable à l’ordre de 60, 25 et 77%. Musibono et al., (2015), ont renchéri en disant qu’ à Kinshasa, le revenu tiré de maraichage a permis à 81,6 % de la population échantillonnée dans le cadre leur étude de vivre pendant un mois et à 68,2 % d’envoyer les enfants à l’école.

L’information sur la contribution de maraichage au revenu des ménages est important non seulement pour le développement de ce secteur de l’agriculture mais aussi pour renforcer la loi foncière en vue de sécuriser les espaces agricoles urbains et péri-urbains spoliés.

Cette recherche vise à analyser la contribution du maraichage au revenu des ménages dans la vallée de N’djili à Kinshasa. Spécifiquement, il s’agit d’abord, de déterminer le revenu moyen qu’un ménage tire de maraichage, ensuite, d’analyser les facteurs qui influencent l’entrée d’un ménage aux activités de maraichage et enfin, d’analyser les facteurs qui expliquent la dépendance des ménages à ces activités.

Cette étude est motivée par un intérêt à comprendre le rôle de maraichage dans la réduction de la pauvreté des ménages kinois et les caractéristiques des ménages qui pratiquent le maraichage pour leur subsistance.

Pour ce faire, l’étude part de deux hypothèses de recherche à savoir (1) les maraichages dans la vallée de la Ndjili procurent des revenus substantiels aux populations, (2) les facteurs socio-économiques et démographiques sont les principaux déterminants de la probabilité de participer aux activités de maraichage et d’y dépendre. Le présent article est organisé en 3 sections suivi d’une conclusion et de quelques recommandations: la première présente l’introduction, les sections suivantes présentent la méthodologie de l’étude et les résultats statistiques et économétriques.

Ces renseignements pourraient éclairer l’Etat sur la conception et la mise en œuvre d’interventions efficaces dans le maraichage urbain et d’orienter ses actions dans le sens de favoriser une participation durable des ménages pauvres de la ville de Kinshasa aux activités de maraichage.

2           MÉTHODOLOGIE

2.1           DESCRIPTION DES DONNÉES UTILISÉES

Les données primaires ont été collectées par voie des questionnaires structurés à passage unique au cours de mois d’Avril 2020. Le site retenu est celui de la vallée de Ndjili, dans la commune qui porte le même nom, dans la ville province de Kinshasa. Ce site a été choisi en raison de l’intensité des activités maraichères et fait partie de la liste des entités de production maraîchères qui ont été soutenues dans le cadre du programme PAPAKIN. Au total, un échantillon aléatoire stratifié de 50 maraichers et maraichères a été enquêté. Les enquêtes ont été réalisées à l’aide d’un questionnaire, qui a permis d’avoir les données sur: le revenu réalisé dans le maraichage, les caractéristiques socio – démographiques et économiques des maraichers; etc. Par ailleurs, dans le cadre de ce travail, nous avons considéré comme un maraicher, toutes personnes ayant un champ sur le site et y pratique des cultures régulièrement.

Le recours au traitement informatique s’est avéré impérieux pour la codification, le dépouillement, la saisie et le traitement des données d’enquêtes. Le masque de saisie et la saisie proprement dite des données ont été réalisés sous Microsoft Excel 2010. Les données saisies ont ensuite été transférées au logiciel Gretl pour les analyses. Des analyses des corrélations ont été utilisées pour vérifier certaines relations entre variables.

2.2           SPÉCIFICATION ÉCONOMÉTRIQUE ET ESTIMATION

Le modèle empirique du revenu de maraichage est spécifié et estimé en deux étapes. Premièrement, nous estimons le modèle pour identifier les facteurs qui influencent la décision des ménages de participer ou non aux activités de maraichage pour la vente des produits, deuxièmement, d’isoler les déterminants majeurs de revenu des ménages provenant de maraichage et par implication la dépendance commerciale aux activités de maraichage.

Plusieurs auteurs de référence (Nduengisa et al., (2016), Narain et al., (2008), Mulenga et al., (2012), Tchuinte et al., (2010), Mushagalusa Balasha & Nkulu Mwine Fyama (2020)) estiment que la participation aux activités de maraichage est une variable censurée à 0 car plusieurs ménages ne sont pas impliqués dans cette activité. Ils ne tirent donc pas des revenus de ces produits. Ce qui se traduit par des observations nulles pour ces ménages. Dans cette situation, la variable dépendante qui est la participation à l’activité de maraichage est une variable binaire. A cet effet, l’application de modèle de régression linéaire conduit à des résultats biaisés. L’utilisation des modèles de choix discret est alors indiquée (Harari-kermadec, 2009).

La décision du ménage est un processus de deux alternatives mutuellement exclusives, il participe ou il ne participe pas. Dans un modèle de choix binaire, nous cherchons à modéliser une alternative (yi = 0 ou 1) et donc à estimer la probabilité Pi associée à l’événement (yi = 1).

Dans le cadre de cette recherche, le modèle Probit a été retenu comme outil d’analyse. Un modèle Probit binaire a été jugé approprié dans la spécification des relations entre la probabilité de participer aux activités et les déterminants de cette participation.

La deuxième estimation cherche à identifier les facteurs qui influencent le niveau de revenu provenant de maraichage que les ménages gagnent en vendant ses produits. Pour cet objectif, un modèle Tobit standard est régressé pour identifier les déterminants de la dépendance commerciale des ménages au revenu de maraichage.

Le modèle Probit binaire modélise la participation d’un ménage à l’activité de maraichage. Son équation se présente comme suit cidessous:

Considérons un échantillon de N paysans indicés i = 1, …N. pour chaque individu i, on observe s’il a participé ou non à l’activité de maraichage et l’on note Di la variable associée à la participation (variable à expliquer). La participation étant commandée par le niveau de revenu tiré de l’activité, l’individu participerait s’il gagnait un certain niveau de revenu (Di*>0). L’équation sera définie comme suit:

 1  si D*

Di =       *i > 0  individu participe

0  si Di <  0  individu ne participe pas  

Avec :

D =i     αX + μi  i

 →i normale (0,1)

Où: Di* est une variable latente inobservée qui prend la valeur 1 si le revenu du ménage dérive de l’activité de maraichage

(participation à l’activité) et 0 sinon; Xi est le vecteur des variables explicatives supposées influencer la décision d’un ménage à participer à l’activité de maraichage; α est le vecteur des coefficients représentant les paramètres associés au vecteur Xi. Cette spécification permet de définir la probabilité de la participation à l’activité de maraichage comme l’espérance de la variable Di puisque

E(Di )=Prob(Di =1)x1 Prob+ (Di =0)x0 Prob=  (Di = =1) pi

Par ailleurs, la probabilité que Di = 1 (participe et gagne le revenu) sera:

p = Prob(i Di=1|X ) = i (αX ) = F(X )i                                                                            i

Où la fonction F (X) désigne une fonction de répartition.

La forme empirique sera spécifiée de la manière suivante:

P(Di =1| Xi ) = +Xi              i

Où: Di est la variable dépendante indiquant la décision de participer à l’activité de maraichage et prend la valeur 1 si le ménage décide de participer à l’activité de maraichage; Xi est le vecteur des variables explicatives supposé influencer la décision d’un ménage à participer à l’activité de maraichage; α est le vecteur des coefficients représentant les paramètres associés au vecteur X1; μi représente le terme aléatoire.

Dans cette étude, la décision de la participation aux activités de maraichage est supposée être influencée par les facteurs sociauxéconomiques et démographiques.

La deuxième démarche de cette recherche est d’estimer un modèle Tobit standard. Le modèle estimable de revenu tiré de maraichage peut donc être spécifié comme suit:

 

Où: Yi  est le revenu réalisé à la vente des produits maraichers et égale à Yi* si la variable latente inobservée est positive, à ce point, on dira que le ménage dépend de maraichage, Xi est le vecteur des prédictions qui influence le revenu de maraichage d’un ménage, β est le vecteur des coefficients représentant les paramètres associés au vecteur Xi et εi représente le terme de l’erreur aléatoire suivant loi normale de moyenne 0 et de variance δ².

L’estimation des paramètres de ces deux modèles est effectuée par la méthode de Maximum de Vraisemblance.

Ainsi, le tableau 1 ci-dessous, présente l’abréviation, la définition et les effets entendus de chacune des variables retenues.

                                         Tableau 1.            Abréviation, définition et les effets entendus des variables retenues

Abréviation de la variable Définition de la variable Effet attendu
PartMarch i Participation ou non à l’activité Maraichère i Variable dépendante pour le modèle Probit
DepMarch i Dépendance du ménage au Maraichage i Variable dépendante pour le modèle Tobit
Nivinst Niveau d’Instruction (1: Instruit; 0: Non Instruit)
Age i Age du Maraicher i +
Genre i Genre du Maraicher i (1 = Homme et 0 = Femme)
ExpMaraich i Expérience dans le maraichage i (en nombre d’années) +
TMenage i Nombre de personne dans le ménage i

Ménage de plus de 7 = 1

Ménage de moins de7 = 0

+

LieuVent Lieu de vente des produits récolté (0: Champs; 1: Marché) Non défini

Sources: construction par auteur à partir de la littérature liée aux activités des maraichages

La forme empirique de modèle Probit binaire qui définit la décision de participer ou pas à l’activité de maraichage est spécifiée de la manière suivante:

𝑃𝑎𝑟𝑡𝑀𝑎𝑟𝑐i =   α0  + α1𝑁𝑖𝑣𝑖𝑛𝑠𝑡𝑖 + α2Age𝑖α3𝐺𝑒𝑛𝑟𝑒𝑖 + α4𝐸𝑥𝑝𝑀𝑎𝑟𝑎𝑖𝑐+ α5𝑇𝑀𝑒𝑛𝑎𝑔𝑒𝑖 α6𝐿𝑖𝑒𝑢𝑉𝑒𝑛𝑡𝑖 + 𝜇𝑖

Où : PartMarch est la variable à expliquer désignant la décision d’un ménage à participer ou non aux activités de maraichage. Elle prend la valeur 1 si le ménage fait le maraichage et 0 si il ne le fait pas; α0 est une constante, αi sont les paramètres à estimer avec i = 1….6 et μi représente le terme de l’erreur.

La forme empirique de la seconde étape c’est à dire le modèle Tobit standard qui définit la dépendance est spécifiée de la manière suivante:

DepMarch𝑖 =   α0  + α1𝑁𝑖𝑣𝑖𝑛𝑠𝑡𝑖 + α2Age𝑖α3𝐺𝑒𝑛𝑟𝑒𝑖 + α4𝐸𝑥𝑝𝑀𝑎𝑟𝑎𝑖𝑐+ α5𝑇𝑀𝑒𝑛𝑎𝑔𝑒𝑖 α6𝐿𝑖𝑒𝑢𝑉𝑒𝑛𝑡𝑖 + 𝜀𝑖 Où : DepMarchi est le revenu d’un ménage réalisé par la vente des produits maraichers.

3           RÉSULTATS ET DISCUSSIONS

Les résultats des estimations qui sont présentés ici, partent d’analyse par la description des variables de l’étude et suivi de l’analyse économétrique.

3.1           ANALYSE DESCRIPTIVE

Le maraichage procure les revenus à 86% des ménages de l’échantillon d’étude. Dans l’ensemble, 38 % de Productrices de légume sont des femmes contre 62% des hommes. Par rapport à l’état matrimonial, 86% des maraîchers sont marié (e) s, 8% des célibataires et 6% des veufs (ves).

Les maraichers rencontrés dans la vallée de N’djili ont une moyenne d’âge de 51 ans, avec un écart-type de 11,94 qui montre une dispersion non négligeable, et donc, une hétérogénéité de notre échantillon en termes d’âge.

Concernant le niveau d’instruction qui reste un élément important pour évaluer la connaissance de nos enquêtés, il en ressort que 54 % des maraicher (e) s sont non instruits dont 30% sont des femmes et 24 % des hommes. Cependant, l’étude renseigne que 46 % sont des instruits dont 8 % des femmes et 38 % des hommes. Pour ce qui concerne l’expérience moyenne des maraicher (e) s dans leur activité, il ressort une moyenne de 22 ans avec un écart-type de 12 ans.

Par ailleurs, l’organisation des maraicher (e) s en association joue un rôle important dans la réduction des coûts des transactions. En s’organisant, les maraicher (e) s développent un partenariat entre les acteurs de la recherche, développement du maraichage ainsi que de certaines structures de commercialisation des produits maraichers. Au niveau de l’ensemble de l’échantillon, on note que la quasitotalité des maraicher (e) s soit 78% appartient à une association du développement de maraichage contre seulement 22% ne participant pas à une association. De plus, l’étude renseigne que 54 % des exploitants maraichers sont des locataires contre 46% des propriétaires.

Les analyses statistiques faites à ce sujet révèlent, dans l’ensemble de l’échantillon, que 86 % des ménages dépendent plus ou moins financièrement des maraichages. S’agissant du revenu tiré des activités maraichères, on constate qu’un maraicher gagne en moyenne 222.140 FC avec un revenu médian de 205.000 FC et un écart type de 137.381 (CV=0,62) pour un cycle cultural combiné au moins de deux cultures. Les résultats de l’examen du revenu tiré des maraichages (tableau II) montrent que au moins 25% de plus riches tirent en moyenne au plus 500.000 FC dans l’activité maraichère, tandis que les exploitants maraichers se trouvant dans le troisième quartile des plus riches n’en tirent qu’en moyenne au plus 300.000FC, et encore moins chez les 25% les plus pauvres qui n’ont qu’en moyenne 150.000FC provenant des activités maraichères.

                                      Tableau 2.      Revenus tirés des activités maraichères en quartiles (en Franc Congolais)

Variable Moyenne Ecart-type 25% 50% 75% Plus de 75%
Revenu des maraicher (e) s 222.140 137.381 150.000 205.000 300.000 500.000
P-Value 0.0059          

Test de comparaison multiple des moyennes.

Source: Auteur, à partir des données d’enquête, Avril 2020.

Le tableau 2 ci-dessus indique que le niveau de dépendance des ménages au revenu tiré du maraichage diffère significativement (au seuil de 5%) entre les quartiles.

 

 

3.2           ANALYSE ECONOMÉTRIQUE

Ce point présente et discute les résultats de l’estimation économétrique. L’estimation de modèle Probit et Tobit a donné les résultats consignés dans le tableau 3 suivant.

Pour le modèle Probit appelé aussi modèle à variable dépendante binaire, On utilise le ratio de vraisemblance (LR) pour apprécier l’adéquation de modèle. Le test de Wald utilise la statistique de Chi2 en posant l’hypothèse nulle H0 que tous les paramètres estimés sont simultanément nuls contre l’hypothèse alternative H1 qu’au moins un de ces paramètres est non nul. Ce test permet de mesurer la contribution conjointe des variables du modèle dans l’explication de la variable dépendante. La probabilité associée au non significativité de la statistique de Chi-carré est quasiment nulle (0,0070), par conséquent, H0 ne peut être acceptée. Il ressort de ce test l’existence d’au moins une variable significative dans notre modèle, Ce qui implique que la qualité globale de régression est bonne.

Par ailleurs, le modèle Probit utilisé est globalement significatif au seuil de 1% avec un χ2 de 24,24 pour 10 degrés de liberté.

                                                            Tableau 3.       Présentation des résultats des analyses

VARIABLES MODELE PROBIT MODELE TOBIT
Coefficient Z Coefficient Z
Constante 0,207496 0,0000 −1,17057 —–
Genre 0,685798 0,5203 1,34482 3,1927***
Age 0,139178 1,6696* 1,82999 2,3895**
Niveau d’étude 1,12012 2,1982** 1,27499 1,9760**
Taille de ménage 0,267519 0,9276 −1,13001 −1,7722*
Expérience dans le maraichage 0,10565 1,5697 −9,26205 −1,8613*
Lieu de Vente 0,847397 1,8128* 8,11711 1,9525*
  Nombre d’obs = 50

Log likelihood = 8,127604

LRchi2 (10) = 24,2411

Prob > chi2 = 0,0070

R2 = 0,59

Nombre d’obs = 50 Limit: lower = 0 upper = +inf Prob > chi2 = 0,000

Log likelihood = −5,457138

Critère d’Akaike: 38,91428

Note: ***significatif au seuil de 1% **significatif à 5% *significatif à 10% 

Source: Données d’enquêtes, Avril 2020

Pour le modèle Probit qui traduit la décision de participation des ménages aux activités de maraichage.

Les résultats obtenus indiquent que l’âge du maraicher influence positivement et significativement la décision de participer aux activités de maraichage. Ceci confirme l’effet positif attendu. Ce résultat s’expliquerait dans le sens où plus un ménage vieillit, plus il perd la capacité et les aptitudes de trouver facilement un emploi à Kinshasa. La seule alternative d’emploi qui puisse l’accueillir sans condition et qui puisse le permettre de pallier à ces charges vitales reste l’agriculture et le cas précis est le maraichage.

Le niveau d’étude influence positivement et significativement la participation des ménages aux activités de maraichage. Le signe positif du coefficient de la variable niveau d’instruction indique qu’un niveau d’étude élevé des maraichers est associé à une probabilité élevée de la décision de participer aux activités de maraichage et inversement. Ce résultat infirme l’effet négatif anticipé. En fait, ce résultat se justifie dans le sens où l’éducation pourrait permettre à un maraicher d’apprécier le bénéfice de l’activité avant même d’y entrer.

Enfin, le lieu de vente des produits maraichers joue positivement sur la décision de participer aux activités de maraichage. Le signe positif du coefficient lieu de vente des produits maraichers indique que la vente des produits maraichers dans un endroit autre que le lieu de production c’est dire le marché, l’alimentation etc. croît avec le revenu. Ce sont les maraichers qui vendent hors des jardins qui tirent plus de revenus à leurs produits que ceux-là qui vendent dans les jardins.

Par ailleurs, la seconde étape présente les résultats des estimations du modèle Tobit qui modélise le niveau de revenu qu’un ménage gagne en participant à l’activité de maraichage, lequel niveau est mesuré par le revenu qu’un ménage tire des maraichages. Ce modèle Tobit permet d’analyser les facteurs déterminants la dépendance aux activités de maraichage.

L’estimation de ce modèle Tobit présenté dans le tableau 3 montre six variables significatives qui expliquent les revenus réalisés. Ces variables sont GENRE, AGE, NIVEAU D’ETUDE, TAILLE DE MENAGE, EXPERIENCE DANS LE MARAICHAGE, LIEU DE VENTE.

Le Genre est significatif avec un coefficient positif au seuil de 1%. Cela signifie que les hommes sont plus susceptibles d’être dépendants des activités de maraichage que les femmes. En outre, le fait d’être femme réduit donc la probabilité de la dépendance aux produits maraichers. Une politique agricole allant dans le sens d’augmenter la production légumière dans le site de production de N’djili devrait plus être orientée vers les hommes qui ont plus de force de travail et de disponibilité que les femmes. Ces dernières doivent généralement remplir les fonctions ménagères mais aussi ont généralement d’autres activités en dehors du maraichage.

Le coefficient de la variable âge agit positivement et significativement sur la dépendance des ménages aux activités de maraichage. Cela implique que les maraichers les plus âgés dépendent plus de leur activité comparativement aux moins âgés. Ceci s’explique par le fait que plus on vieillit, moins on a la possibilité de diversifier les sources de revenu de suite de la perte d’effort surtout physique pour ce faire. Les jeunes auront plus de possibilité de diversifier les sources des revenus à cause de leur capacité physique et leur dynamisme sans cesse croissants et corolaire à leur âge.

Le niveau d’étude influence positivement et significativement la dépendance des ménages aux activités de maraichage. Cet effet de l’éducation sur la dépendance semble paraitre inédit. Etant donné que la moyenne d’âge de l’échantillon enquêté est de 51 ans, la triangulation de la variable niveau d’étude à la moyenne d’âge de l’échantillon pourrait justifier le fait que plus le niveau d’étude est élevé et que l’âge de maraicher élevé, le ménage dépende des activités de maraichage.

La Taille de ménage a un effet significatif mais négatif sur la probabilité de dépendre de revenu tiré des activités de maraichage. Cela signifie que les maraichers dont le ménage est constitué de moins de 7 personnes dépendent plus de revenu tiré des activités des maraichages que les maraichers qui sont constitués de plus sept personnes dans le ménage.

Le coefficient de la variable expérience dans le maraichage est significativement corrélé avec la dépendance du revenu tiré au maraichage au seuil de 10 % et il établit une corrélation négative avec cette dépendance. Cela signifierait que les nombreuses années d’expériences dans le maraichage n’entraînent pas une augmentation de revenu tiré de cette activité.

Les coefficients de la variable Lieu de vente joue positivement et significativement sur la dépendance du revenu tiré de maraichage au seuil de 10 %. Ceci signifierait que plus le maraicher vend ses produits loin de son champ, plus il réalise un revenu élevé dont il dépende.

4           CONCLUSION

Le maraichage joue un rôle important dans la stratégie de diversification de revenu des ménages en milieu urbain et périurbain. Elle fait partie de l’histoire et de la culture de la ville de Kinshasa depuis plus de 50 ans. Son identité en fait aujourd’hui un élément incontournable du paysage de la ville, et un patrimoine économique (Minengu et al., 2018). Cette activité présente de nombreux atouts pour relever les défis sociaux-économiques et environnementaux. Malheureusement, elle connaît d’énormes difficultés dont celles liées à l’insécurité foncière.

Cet article évalue la contribution de maraichage au revenu des ménages dans la vallée de N’djili, laquelle vallée a été à maintes reprises spoliées. En utilisant un cadre théorique et empirique appropriés, l’article examine les principaux facteurs qui influencent la participation ou non aux activités de maraichage à des fins commerciales et le montant des revenus monétaires que les ménages tirent des produits maraichers.

Les données utilisées dans cette recherche ont été collectées auprès de 50 ménages pratiquant le maraichage dans la vallée de N’djili à Kinshasa au cours des enquêtes réalisées au mois de Avril 2020.

Les résultats indiquent, dans l’ensemble de l’échantillon, que maraichage procure les revenus à 86% des ménages de l’échantillon d’étude. En ce qui concerne les revenus monétaires tirés des activités de maraichages, les résultats indiquent qu’un ménage typique gagne une moyenne de 222.140 FC ou 111 $ US pour un cycle cultural combiné à moins deux cultures. Par ailleurs, les résultats liés aux quartiles de revenu révèlent qu’au moins 25% de plus riches tirent en moyenne au plus 500.000 FC soit 250 dollars américains dans l’activité maraichère, tandis que les exploitants maraichers se trouvant dans le troisième quartile des plus riches n’en tirent qu’en moyenne au plus 300.000 FC, encore moins chez les 25% les plus pauvres qui n’ont qu’en moyenne 150.000 FC provenant des activités maraichères. Cependant, ce montant pourrait varier selon l’échantillon enquêté. Le revenu tiré de maraichage peut paraître relativement faible dans les ménages, mais, il faut signaler que ce revenu apporte des solutions à certains problèmes majeurs des ménages exploitants. Ce résultat confirme les hypothèses selon lesquelles les activités maraichères contribuent substantiellement au revenu des ménages et ces derniers en sont commercialement dépendants.

Le deuxième objectif de l’article était d’analyser les facteurs qui influencent l’entrée d’un ménage aux activités de maraichage et les déterminants de la dépendance des ménages à ces activités.

Les résultats empiriques indiquent que l’âge du maraicher, Le niveau d’étude, le lieu de vente jouent positivement et significativement la décision de participer aux activités de maraichage.

Il se dégage de ces résultats en ce qui concerne la dépendance commerciale des ménages aux activités de maraichage que le genre, l’âge, le niveau d’étude, Lieu de vente jouent positivement et significativement sur la dépendance du revenu tiré de maraichage alors que la taille de ménage et l’expérience dans le maraichage ont un effet significatifs mais corrélé négativement avec la dépendance.

Sur la base de nos résultats et pour la prise des décisions politiques de développement des activités maraichères, nous proposons que le gouvernement exploite les opportunités dans ce secteur afin de générer davantage d’emplois et de revenus en milieu urbain et péri-urbain en mettant en œuvre des politiques et des programmes visant à améliorer l’accès aux nouvelles techniques de production, de la transformation, la commercialisation et la promotion de la propriété foncière pour les maraîchers dans les villes. De telles interventions renforceraient les efforts visant à stimuler le développement du maraichage et compléteraient les mesures de réduction de la pauvreté basées sur le maraichage.

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