- INTRODUCTION GENERALE
0 .1. PROBLEMATIQUE
La vie est si abondante et si variée dans le cosmos. La question sur son origine est complexe. Elle crée en nous le souci de connaître l’être de l’homme. L’immensité de la vie dans le cosmos, depuis son avènement, nous invite à une recherche infinie de l’origine de l’homme, de sa place dans la nature qui est sa mère porteuse et même de sa destinée. Pour Teilhard de Chardin[1], le monde est une cosmogénèse. Ce cosmos héberge en son sein autant d’êtres parmi lesquels l’homme est le dernier venu. Apparaissant en dernière position, l’homme se réalise dans l’être, c’est- à- dire qu’il prend en main sa destinée en entretenant étroitement des relations existentielles non seulement avec la nature de qui il émerge, mais aussi avec les autres êtres différents de lui.
Prenant en main sa destinée, l’homme apparaît à travers l’image de l’être qu’il reflète, inachevé et cherche constamment sa plénitude en inventant, au moyen de son intelligence, de diverses machines pouvant produire pour sa survie; mais malgré la multiplicité de ses inventions, l’homme reste toujours insatisfait et éprouve une soif inlassable pour sa plénitude. Voilà pour lui un motif inévitable d’espérance en un centre permettant son plein être homme et l’intelligibilité de l’univers. Ce centre ne peut être rien d’autre, selon Teilhard, que Dieu. C’est ainsi que Bonnet, rapprochant la pensée de l’Un et le Multiple de Whitehead à celle de Teilhard de Chardin, note : « Dieu sans qui, pour l’un comme pour l’autre, l’univers ne saurait exister et ne serait pas intelligible, mais sans qui aussi l’homme ne saurait être pleinement homme »[2]. Ceci éclaire le nœud de l’espérance humaine en un centre qu’est Dieu connu, dans le langage teilhardien, sous le nom du « Point Oméga ».
Cependant, les désordres, tumultes, tueries, massacres, guerres, etc., faisant écho dans ce monde en évolution, inquiètent l’homme et lui poussent à se poser de multiples questions telles que :
- Quels sont l’origine et le sens de la vie ?
- Quelle est la place de l’homme dans la nature?
- La vie vaut-elle la peine d’être vécue dans un monde accablé de tumulte, conflits, désordre, et surtout par les méfaits de la techno-science ?
0.2. HYPOTHESE
Depuis un moment, par les diverses inventions de l’homme, la vie et la dignité humaines ne sont pas intéressantes. En effet, nous ferons voir et comprendre aux hommes politiques et surtout aux hommes de science que toutes leurs inventions sont par, pour et à l’homme seul pour le bien être plénier et standard de tout homme et de tout l’homme. En ce sens, la compréhension et la considération de l’homme non comme centre statique du monde tel qu’il s’est cru longtemps, mais comme axe et flèche de tout progrès que les hommes politiques et ceux de science régissant le monde, pourront promouvoir intégralement.
0.3. CHOIX ET INTERET DU TRAVAIL
L’évolution culmine dans l’homme sans s’arrêter. Ce travail se veut un cri d’alarme lancé pour défendre les valeurs humaines, la signification de la vie, la place de l’homme dans l’univers quel que soit le nanisme fatal de la dignité et la vitalité humaines provoqué par le développement inimaginable de la techno-science.
Dans un monde accablé de misère et guerre, tueries et massacres, suicides et avortements, l’homme se bêtifie, se déshumanise, les valeurs morale et spirituelle sont ruinées, la vie et surtout la vie humaine est supprimée,… tout ceci ne signifie absolument rien parce que l’homme ignore la vie en s’ignorant lui-même. Ainsi, l’homme est dans l’embarra.
Face à cette situation, nous avons voulu, à la suite de Teilhard de Chardin, analyser les problèmes des origines de la vie. C’est ainsi que nous voudrions, par cette monographie, dévoiler à l’homme ce que sont l’origine de la vie, la place de l’homme dans l’univers. Voilà ce qui pousse à barrer la route aux théories antiévolutionnistes. Ceci sous-tend notre conviction vivace à l’esprit : celle de la mise sur pied d’une théorie de l’émergence et du développement du paradigme humain à travers les axes importants de la dynamique génératrice de la cosmo-bio-socio-anthropogenèse. Cette dernière stipule qu’il faut chercher à désenclaver l’homme afin de l’intégrer dans l’évolutif cosmique. A cet effet, on arrive à postuler l’existence de la matière primordiale comme point de départ de toute évolution. De ce fait, ce n’est que par cette marche dévoilante que nous pensons, à notre niveau, tirer l’homme de la caverne où il se trouve par l’ignorance de soi par soi. D’où le choix et l’intérêt du sujet : « DE L’EPIPHENOMENE A L’HOMINISATION. Une analyse critique du Phénomène humain de Teilhard De Chardin ».
0.4. METHODE ET DIVISION DU TRAVAIL
Pour mener à bon port une entreprise, l’entrepreneur met sur pied une technique appropriée. Ainsi dans ce travail, nous nous proposons une analyse critique des perspectives bio-anthropogico-évolutives chez Teilhard de Chardin. Cette méthode nous permettra de comprendre le surgissement de la vie dans le cosmos, localiser l’homme dans ledit cosmos et enfin, d’émettre notre point de vue sur l’évolutionnisme teilhardien.
Se voulant un tri-découpage ordonné, hormis l’introduction et la conclusion générales, notre travail aura pour premier chapitre La doctrine teilhardienne afin de saisir la génialité de l’auteur. Le deuxième chapitre, lui, pourra nous permettre à comprendre l’évolution de la vie depuis son surgissement jusqu’à l’homme ; voilà pour nous un motif de l’intituler : De la genèse pré-biotique à l’humain. Enfin, vient le troisième chapitre intitulé : L’hominisation en vue de fixer la place de l’homme dans le cosmos et la direction qu’il emprunte pour conquérir sa plénitude.
CHAPITRE PREMIER : DOCTRINE TEILHARDIENNE
I.0. INTRODUCTION
Le souci de lire Teilhard de Chardin nous hante, mais par où commencer? Cette préoccupation est très capitale à la base de notre exploration scientifico-philosophique. Vu l’immensité de l’œuvre teilhardienne, nous nous sommes donné pour tâche, dans ce chapitre, de circonscrire notre champ expérimental dans le domaine naturel afin d’éviter la confusion domaniale. Ainsi démontrerons-nous la génialité teilhardienne en étalant ses thèmes majeurs. Nous nous ingénierons de disséquer ces thèmes pour savoir quelque chose sur l’évolution teilhardienne. Aussi, nous ne passerons pas sans éplucher quelques marques extérieures ici dénommées empreintes exogènes. Voilà pourquoi notre minutieuse démonstration prend son envol avec le teilhardisme.
I.1.LE TEILHARDISME
Par « teilhardisme », nous entendons simplement la doctrine de Pierre Marie Joseph Teilhard de Chardin. « Tout à la fois philosophe même si lui-même n’a jamais accepté ce qualificatif»[3], Teilhard de Chardin est théologien, géologue, paléontologiste et mystique français né le 1/05/1881 à Sarcenat près d’Orcines. Il a une vision unitive et englobante du cosmos. Mais « …sa vision, au lieu d’être une vision en cosmos, c’est-à-dire statique ou cyclique, se mua en une vision en cosmogénèse, c’est-à-dire d’un univers évolutif et convergent où Dieu se révèle comme l’avenir absolu à travers un seuil d’extase »[4]. Ce dernier est en évolution, il converge vers le point Oméga.
Dans sa vision, en effet, Teilhard de Chardin considère que la matière est animée par l’énergie intra et dérive des états d’arrangement de plus en plus centro-compliqués. L’arrangement des états n’est autre chose que la corpusculisation (processus par lequel l’étoffe du monde se scinde en fragments qui tentent de constituer des systèmes clos et des ensembles plus ou moins autonomes) d’où naît la vie grâce à la loi de complexité-conscience. Cette genèse biotique conduit à la céphalisation (tendance des ganglions nerveux en vue d’une constitution du cerveau plus complexe) qui, à son tour, consiste dans la montée vers les grands cerveaux. La vie devient, hic et nunc, supérieure à la matière quand bien même elle lui est centrale et l’homme apparaît ou devient aussi axe et flèche non seulement de la vie, mais aussi de l’évolution tout entière dans l’univers.
En effet, l’homme, axe et flèche de la vie et de l’évolution, est le terme du processus évolutif. L’avènement de l’homme introduit le cosmos dans une autre sorte de vie qu’est la réflexion donnant naissance à la noosphère. Ici le cosmos passe de la biosphère (couche d’une vie irréfléchie) vers la noosphère (couche de la réflexion, régime ou règne de l’intelligence). A ce niveau, les humains s’enroulent sur eux-mêmes en dépassant l’individualisme et débouchent sur l’ultra-humain, c’est la socialisation que Teilhard de Chardin entend comme gigantesque molécule pensante aux dimensions de la planète. L’avènement de ce resserrement (socialisation) n’est produit de quelqu’autre chose que l’entretien des structures, notamment la religion et le progrès technique. Par la socialisation, l’humanité forme une même et unique strate. Le teilhardisme est une doctrine qui repose sur quelques thèmes à savoir : le cosmique, l’humain et le christique.
I.1.1. LE COSMIQUE
Le cosmique est le sens de la totalité et de la solidarité universelles, et par conséquent la participation personnelle à la vie de l’univers. Cette participation est, pour Teilhard de Chardin, une continuation et l’extension de son amour de l’éternel. Teilhard a cherché et aimé l’éternel dans le consistant qui est un objet inaltérable, et il a constaté que cet objet lui faisait défaut, il a cherché et aimé l’éternel dans l’univers. C’est ainsi que ce sens cosmique est une intégration de l’histoire biologique dans l’histoire cosmologique. Voilà ce qui a conduit Cuénot à déclarer : « Teilhard…, est parvenu à intégrer la biogénèse dans la cosmogénèse, l’histoire de la vie dans l’histoire du cosmos »[5].
Le sens cosmique découle de la prise graduelle de conscience que le monde est en mouvement. Sur ce, l’homme s’est cru, depuis longtemps, être dans un monde où tout était arrangé, c’est-à-dire l’homme se croyait dans un monde statique dans lequel tout était à sa portée pour sa survie sans ses efforts pour atteindre sa plénitude. Pourtant, rien n’était et ne lui est pas arrangé car le système (monde) est en train de se mettre en mouvement dans un sens d’organisation. Ainsi, « ce passage d’un monde conçu comme arrangé à un monde conçu comme en voie d’arrangement, c’est le passage d’une vision en cosmos à une vision en cosmogénèse»[6]. Il sied de dire que le sens cosmique naquit, chez Teilhard de Chardin, en 1891 pour s’étendre entre les années 1891-1908. C’est ici qu’« on assiste à un éveil et un épanouissement du sens du tout, à partir du sens de la consistance »[7]. Ce sens du tout est une totalité concrète et solidaire. Dans un monde en cosmogénèse tout reste lié et chacun de nous est un tout pour qui il n’est pas possible d’établir de limite. Cela parce qu’« en cosmogénèse, pour chacun de nous, il n’est pas moyen de trouver une limite en arrière, car nous sommes indéfiniment conditionnés. Et en avant, nous continuons aussi, car nos effets demeurent et se développent en solidarité avec le monde entier »[8].
Ainsi, la biosphère n’a pas encore atteint un autre stade que celui de sous intelligence qui qualifierait, en dehors de l’homme, les autres êtres dans la nature, mais « l’évolution, avons-nous reconnu et admis, est une montée vers la conscience.»[9]. Ceci signifie que l’homme n’est pas encore apparu dans la biosphère mais la vie continue avec les autres êtres dans la nature. C’est seulement avec l’apparition de l’homme que la biosphère, zone de la vie irréfléchie, atteint un nouveau stade : celui de la réflexion. Cette dernière, nous le savons sans difficultés, est une propriété exclusive de l’homme.
I.1.2. L’HUMAIN
Si avec le cosmique l’effort teilhardien a consisté à intégrer la biosphère (vie irréfléchie) dans le cosmos, mais avec l’humain, cet effort consistera à intégrer l’homme dans l’univers par le fait que la vie n’a pas commencé avec lui dans l’univers. L’humain devient alors une évidente capacité à percevoir l’unanime qu’est la socialisation composant les molécules humaines géantes que sont les collectivités. Cet aspect de l’humain ne se révèlera que plus tard, au moment de la première guerre mondiale. A cet effet, il est plausible de savoir qu’avant la guerre, le jeune Teilhard de Chardin n’était qu’apprenti. C’est un peu après cette guerre que nait en lui l’idée de l’évolution qui est ascensionnelle.
L’homme apparu dans l’univers, « est évidemment au centre de la science qu’il construit, car, sans lui, il n’y aurait pas de science »[10]. Cette science qui, se développant jusqu’à happer l’homme, reste superficielle à la connaissance de l’homme. Voilà pourquoi Cuénot note : « La science n’a pas encore atteint l’homme dans ce qu’il a de plus profond, de plus spécifique dans sa pensée »[11].
De fait, divers penseurs ont étudié l’homme et continuent de l’étudier aujourd’hui. Mais ils n’ont pas, jusque-là, réussi à l’atteindre dans sa pensée et dans ce qu’il comporte de spécifiquement humain. C’est ainsi qu’il n’y a pas, à proprement dire, actuellement de science de l’homme dans la nature même s’il existe de science de l’homme en science de la nature. Cela pour dire qu’il n’y a pas une science et une seule qui s’occupe ou étudie l’homme dans toutes ses dimensions, mais il y a des sciences de la nature qui s’occupent chacune d’une des dimensions de l’homme. C’est à ce titre que l’humanisme teilhardien a consisté à intégrer l’homme dans la nature, c’est-à-dire l’humanisme teilhardien apporterait, par conséquent, la valeur d’interprétation de l’homme et sa valeur de clé. Cette anticipation du physique qui s’étend et s’enrichit avec l’homme, Teilhard de Chardin la développe grâce à une simple méthode. Cette dernière est de considérer l’homme comme un phénomène. Ainsi, « La méthode très simple consiste à accepter le fait que l’homme est un phénomène: l’homme entier, avec sa pensée et ses liaisons, tout ce qui le constitue, est un phénomène naturel et entre donc dans la catégorie des faits scientifiques »[12]. La condition, pour tout phénomène naturel, est qu’il ait un commencement ou une naissance dans l’ensemble des choses.
De ce fait, la question de l’homme comme phénomène naturel est évidente et persuasive. Nul n’ignore que la vie a commencé sans l’homme, et que l’homme lui-même vient au terme d’une longue évolution de différents êtres dans l’univers systémique et il est plausible de rendre la vérité de l’homme comme phénomène naturel à notre esprit, « C’est d’observer que ce phénomène présenté par l’homme a commencé un jour, il est apparu ; il est né ; au sens le plus large du mot ; dans l’ensemble des choses de l’univers »[13]. L’homme occupe bien une place dans les gouffres cosmiques. Il est une exception parmi les êtres dans l’univers. En fait, la propriété voilée ailleurs apparaît chez lui beaucoup plus nette. Et particulièrement qu’« avec l’apparition du réfléchi, propriété essentiellement élémentaire (au moins pour commencer !), tout change… »[14]. Ce changement englobe tout l’univers. L’homme devient la clé de beaucoup de choses dans le cosmos. Ainsi, écrit Rideau : « l’homme est la clef, la tête ; la flèche de l’univers ; la forme suprêmement caractéristique du phénomène cosmique, le front avancé de la vie, l’évolution devenue réflexivement consciente d’elle-même »[15]. L’homme est centre de construction de l’univers. Par avantage, comme par nécessité, c’est donc à l’homme qu’il faut ramener finalement toute science. Voilà une raison, pour Teilhard de Chardin, de considérer « l’homme, non pas centre statique du monde,-comme il s’est cru longtemps, mais axe et flèche de l’évolution, -ce qui est bien et plus beau »[16].
Etant donné que l’homme est né dans l’ensemble des êtres, il est différent de ses prédécesseurs. Il est le couronnement de l’évolution biotique sans être la fin de la cosmogénèse. Ceci apparaît par son insatisfaction dans la recherche de sa plénitude. Tout compte fait, l’univers, l’homme et l’humanité tout entière convergent vers un centre d’unificabilité. Ce centre, nous le disions ci-haut, n’est autre chose que Dieu connu sous le nom du Point Oméga et qui évoque le sens christique.
I.1.3. LE CHRISTIQUE
Un homme marqué par la piété maternelle, Teilhard de Chardin est attiré vers six-sept ans par la matière où il voit quelque chose qui luisait. Ainsi, la consistance lui paraît comme l’attribut fondamental de la terre. Cette idée est née vers 1887-1888. Les premiers souvenirs de son enfance sont marqués par une note fondamentale qu’est le sens de la plénitude. L’éducation maternelle l’a conduit au déclanchement du sens christique, c’est-à-dire sens surnaturel du divin atteint dans le Christ. C’est ainsi qu’il prit le culte pour le petit Jésus et la dévotion au Sacré-Cœur.
Teilhard de Chardin opte pour le christianisme comme une explication de sa piété. A ce niveau, le cœur de Jésus deviendra magnifié par son rayonnement, le centre inaltérable du cosmos tout entier. Le Christ est l’unique et grande passion de Teilhard de Chardin. Il en découle que le point Oméga est d’un ordre divin. C’est un foyer transcendant de convergence ; il domine toute évolution cosmique; il en est le but, la fin ultime et le couronnement. Teilhard de Chardin montre que l’évolution est une montée vers la conscience et cette conscience doit culminer dans une autre conscience suprême (réflexion). Et elle ne s’arrête pas à l’atteinte de cette conscience ; elle va rechercher à aller vers une hyper-réflexion, c’est-à-dire vers une hypersonnalisation que Teilhard de Chardin appelle « point Oméga ». Dans le même sens, Mbiti définit ce point Oméga comme « une explication ultime de l’origine de la substance de l’homme et de toutes les choses »[17]. L’univers et tout ce qu’il contient ne s’expliquent ou ne se parachèvent qu’en Dieu, le seul centre de consistance spirituelle. Dieu et Jésus sont consubstantiels.
De ce fait, le point Oméga n’est rien d’autre que Jésus-Christ en tant qu’il est vrai Dieu. C’est donc vers lui que tout converge. La Bible(TOB) clarifie ce propos : « tout est créé par lui et pour lui, et il est, lui, par devant tout ; tout est maintenu en lui »(Col. 1, 17).Qu’on le veuille ou non, bon gré, mal gré, le Christ est le promoteur de tout ce qui est, en lui tout subsiste; l’homme et l’univers n’ont d’autres matrices que lui.
Etant chrétien, Teilhard de Chardin a donné à Dieu une image non puérile, mais plus conforme à ce que nous savons aujourd’hui. Pour lui, comme pour les vrais croyants, Dieu est un Dieu personnel. Il est « le centre éblouissant, la puissance implacable…Chaude comme la vie ! »[18].
Tout au long de cette démonstration thématique, nous avons montré que la pensée teilhardienne repose sur trois idées dont : le cosmique, l’humain et le christique. Le cosmique est un mouvement dévoilant la globalité, la solidarité des liaisons des présences allant de degrés en degrés, de plus en plus complexes : l’évolution est universelle ; l’humain indique la marche ascendante de la pré-conscience à la conscience, du simple au complexe. Ici, pas de dualité esprit et matière, mais l’unité esprit-matière, la vie devient réfléchie. Enfin, le christique : Oméga est le centre premier et suprême ; en Oméga se relient toutes les fibres, les fils, les générations de l’univers. C’est ainsi que nous regarderons, dans le deuxième chapitre, la matière et la vie.
I.2. L’EVOLUTIONNISME TEILHARDIEN
Comme nous le disions déjà dans la problématique de ce travail que l’évolution est une théorie opposée au fixisme qui lui a précédé. Cette opposition réside sur le fait que, pour Teilhard de Chardin, depuis qu’une première voix a retenti disant à tous ceux qui sommeillaient paisiblement sur le radeau de la terre que « Nous bougeons. (…) Nous avançons »[19], un spectacle à la fois plaisant et dramatique s’est produit. Ce spectacle consiste en la division de l’humanité jusqu’au fond d’elle-même en deux camps irrémédiablement ennemis en ce sens que « Les uns tendus vers l’horizon et disant de toute leur foi de néophytes : « oui nous avançons », les autres répétant obstinément, sans même quitter leur place : « Mais non, rien ne change, nous ne bougeons pas »[20]. S Les hommes de sciences nous offrent inlassablement de diverses positions : d’une part, ceux qui soutiennent le fixisme qui est une théorie soutenant la thèse selon laquelle le monde ne bouge pas ou n’évolue pas ; et d’autre part, ceux qui soutiennent l’évolution ou le progrès. Cette double contradiction entre les penseurs décèle le caractère saillant de la question en vie. Dans les sillages de Teilhard de Chardin nous chercherons, pour résoudre le problème et dissiper la perplexité qui semble gagner le champ scientifique, à comprendre ce qu’est l’évolution ou (le progrès) parce que, pour Teilhard de Chardin, « Le monde, dans son état actuel, est le résultat d’un mouvement »[21].
En effet, pour Teilhard de Chardin, l’évolution (ou le progrès) n’est pas ce que le vulgaire pense et ce qu’il s’irrite de ne jamais voir arriver. Le progrès n’est pas immédiatement la douceur, ni le bien-être ni la paix. Il n’est pas le repos. Nécessairement le progrès est une force, et la plus dangereuse des forces. Il est la conscience de tout ce qui est et de tout ce qui se peut. L’évolution est un mouvement, une énergie d’impulsion et de tension vers (…).C’est dans ce sens que Bergson notait déjà : « on n’entend par progrès une marche continue dans la direction générale que déterminera une impulsion première »[22]. Il en découle que dans l’être quelque chose bouge et nous avançons irréversiblement vers une fin. Appuyant Teilhard de Chardin, Cuénot s’écriera: « le monde est en mouvement »[23].
Par conséquent, sachons-le, l’évolutionnisme que Teilhard de Chardin soutient énergiquement et qu’il cherche à introduire dans le monde scientifique, est une doctrine qui offense le fixisme (théorie antiévolutionniste) et amène le bouleversement. Elle est donc violente parce qu’au milieu du XVIIIe siècle, on se reposait bonnement sur la doctrine fixiste à laquelle la théologie, la science, la philosophie et toute la vision du monde dépendaient. Il est vrai qu’à cette époque-là, le fixisme prônait sur l’évolutionnisme et s’était déjà enraciné dans tous les échelons de la vie. Voilà la cause d’impuissance de non renversement en vue d’une révolution paradigmatique.
Cependant, actuellement toutes les conceptions fixistes n’ont plus de valeur en science. Il y a changement de paradigme, c’est l’évolutionnisme qui, aujourd’hui, bat record et emporte sur le fixisme. Le fait de l’évolution est aujourd’hui d’une grande vulgarisation. Le progrès est non seulement indéniable, mais aussi et surtout inéluctable parce qu’il nous accompagne dans tout ce que nous entreprenons. Voilà ce qui pousse Teilhard de Chardin à déclarer : « Nous croyons au progrès et nous le reconnaissons autour de nous dans l’extension des découvertes scientifiques, dans l’ébauche des organismes collectifs, dans l’éveil de sentiment humanitaire et de sympathie pour l’universel »[24]. Cela parce que nous qui acceptons le progrès nous ne reconnaissons pas d’autre fil conducteur dans le dédale des évolutions organiques que la concentration graduelle des facultés psychiques. En plus nous mettons le plus être dans la domination croissante du monde par la pensée et nous ne pensons pas qu’il vaille la peine de travailler si rien ne doit rester pour toujours. Voilà pour Teilhard de Chardin de préciser en ces termes : « Nous qui ne croyons pas qu’il vaille la peine de travailler si rien ne doit rester pour toujours de l’œuvre de nos mains, nous croyons au progrès »[25]. Le progrès ne peut pas être vrai que si on arrive à affirmer que l’inconscience est très parfaite que la conscience.
Battant record dans le monde scientifique aujourd’hui, l’évolution n’est pas conçue de la même manière chez tous les penseurs évolutionnistes, c’est-à-dire elle est divergente pour certains et convergente pour d’autres.
I.3. Henri BERGSON
Bergson est un évolutionniste de tendance divergente que notre auteur et fut d’ailleurs reproché par un auteur de tendance convergente qu’est Teilhard de Chardin. Dans la perspective bergsonienne l’évolution ne s’explique pas par la matière. L’apparition de l’évolution ne peut s’expliquer que par « Elan vital » de nature psychique qui pénètre la matière en l’organisant. Cet élan vital prolonge l’histoire naturelle par l’histoire culturelle, celle des hommes capables d’initiatives créatrices. L’univers bergsonien est divergent alors que l’univers teilhardien est convergent. Cette divergence de l’univers crée une dissociation entre Bergson et Teilhard de Chardin. Tous évolutionnistes, Teilhard de Chardin « reprochera au cosmos bergsonien de se révéler comme une irradiation divergente,(…) alors que le sien est essentiellement convergent, d’où le rejet de la conception bergsonienne d’une pensée vitale sans finalité »[26].
I.4. LES EMPREINTES EXOGENES
Parler des empreintes exogènes signifie l’énorme influence subie par Teilhard de Chardin. Comme tout être humain, Teilhard de Chardin est né dans une société qui commence par la famille, l’école, l’église et le cercle amical. C’est ainsi qu’il eut une influence environnementale et temporelle. Teilhard de Chardin a été, comme tout penseur, influencé précisément par la famille, le collège de Notre-Dame de Mongré, la compagnie de Jésus, la science, les lectures et les amitiés. A cet effet, l’unité de base se veut la famille.
I.4.1. HEREDITE FAMILIALE ET COLLEGIALE
Teilhard de Chardin est né d’une famille de conditions paisibles et chaudes, sans discordes ni rivalité, famille hébergeant une mère chrétienne et un père observateur de la nature. Marqué d’une part, sur le plan spirituel, religieux, de l’influence maternelle, Teilhard de Chardin a eu son éveil de la dévotion au Cœur sacré de Jésus. Il attribue tout à Dieu. Amoureux de sa mère, il écrira : « ce m’est une grande force en tous cas de reconnaître que tout l’effort de « l’évolution » est réductible à la justification et au développement d’un amour de(Dieu). C’est déjà ce que me disait ma mère »[27]. Il est vrai que cette affirmation de Teilhard de Chardin, lors de la mort de sa mère, éclaire cette influence. C’est de sa mère, qu’il a appris à confier tout à Dieu. Même son évolution dans l’univers se justifie en et par Dieu. Ainsi, « Au point de départ de sa vie mystique…, il y a donc sa mère- une âme essentiellement pieuse et dévouée »[28].
Et d’autre part, surgit l’influence paternelle qui, à son tour, favorisera l’éclosion de sa vocation scientifique qui lui donne le goût de choses de la nature. C’est ainsi que Marguerite Teilhard-Chambon témoignait au sujet de son oncle Emmanuel, père à Teilhard de Chardin: « humaniste soucieux d’entretenir la culture, mon oncle lisait beaucoup, surtout l’histoire, bien entendu, et il choisissait avec goût les lectures de ses enfants (…). Une autre contribution à la formation de leur esprit consista à leur donner le gout des choses de la nature »[29]. Au collège, Teilhard de Chardin a reçu une formation classique solide, surtout littéraire, suivant l’idéal de raison, d’ordre et de rigueur, de discipline mentale et morale. Voilà l’explication de la cohérence logique qui caractérise l’ensemble de ses écrits.
I.4.2. TRACES DE JESUITES
Grâce à la piété maternelle, et par souci de la perfection de l’intuition personnelle du divin, Teilhard de Chardin pratiquait constamment les exercices spirituels, surtout ceux d’Ignace de Loyola. Malgré qu’il était contraint de nuancer les choses sur le plan scientifique, par cette formation jésuite, Cuénot affirme : « il pratiquera toujours les exercices spirituels de « notre père Ignace », même lorsque, dans les cadres imposés par de plus grands génies religieux du XVIème siècle, il développera la spiritualité d’un homme du XXème siècle »[30].
Teilhard de Chardin est frappé de repenser ces exercices spirituels ignaciens. C’est pourquoi Teilhard affirme : « je suis de plus en plus frappé par la nécessité grandissante où nous trouvons de repenser (dans leurs sens !)Les exercices, en les transposant du « cosmos » (statique) où se croyait saint Ignace à la « cosmogénèse » (« nogenèse ») qu’est devenu l’univers pour notre conscience moderne »[31]. Repenser les exercices spirituels c’est rejeter la vieille vision du monde, c’est-à-dire on ne doit pas croire en un monde statique mais plutôt on doit se voir dans un monde en évolution. Cette formation aidera Teilhard de Chardin au-delà de difficultés rencontrées avec le Saint siège à demeurer jésuite toute sa vie.
I.4.3. LA GUERRE DE 1914
La guerre de 1914 est, pour Teilhard de Chardin, une occasion d’une large connaissance et d’un large contact avec les hommes de toutes tendances, d’une réflexion personnelle et d’une illumination mystique. La première guerre mondiale a aidé Teilhard de Chardin de se découvrir surtout spirituellement et se formuler ses propres thèmes dans sa manière de penser. Clarifiant cette situation, Cuénot note : « la première guerre mondiale, si paradoxal que cela puisse apparaître, fut une lune de miel intellectuelle où se profile, à partir du 1916, le génie de Teilhard-étrange puberté spirituelle où l’homme parvient à la découverte de soi et formule en des multiples essais les thèmes majeurs de sa pensée »[32].
C’est alors que naît en lui l’idée d’un monde en genèse, d’une matière pénétrée, animée et unifiée par le christ. De ce fait, il sied de dire que « Pendant la première guerre mondiale, précise Cuénot, Teilhard avait accédé à la notion de planétarité humaine… »[33]. C’est-à-dire que sa pensée du Christ dans la matière (christique) poursuit son épanouissement sans l’influence du nouveau choc existentiel. Au lieu de brandir l’aspect dramatique de la guerre, le père Teilhard de Chardin s’est mis à l’exaltation de l’énergie humaine et a élaboré une vision unitive du progrès global de l’humanité. Pendant cette guerre, Teilhard de Chardin était brancardier de deuxième classe dans le huitième régiment de marche de tirailleurs marocains.
I.4.4. EMPREINTES SOCIO-SCIENTIFIQUES
Particulièrement frappé dans sa sensibilité par tout phénomène de transformation du monde dans le sens de l’unité, Teilhard de Chardin pose son attention sur le mouvement collectivisant, notamment sur les conditions de recherches en équipe et en extrême collaboration, témoignage éloquent de son contact avec les masses d’Extrême Orient, surtout les religions orientales, et la guerre qui suscite le sentiment du collectif. Ce sentiment du collectif est un caractère qui colle Teilhard et le pousse à être toujours au milieu des autres car il était convaincu qu’en étant ensemble avec les autres, à cause des problèmes sociaux, il aura un savoir pour en faire face. Ainsi, Teilhard de Chardin note : « découvrant en face d’eux les problèmes plus vastes, plus urgents et mieux posés, les hommes se réuniront pour la recherche comme Ils sont convaincus qu’il faut savoir plus pour être plus»[34].
De ce fait, Teilhard de Chardin est et restera, durant sa vie entière, toujours au milieu des autres, une preuve de ses qualités morales du savant qui sont développées par la science. Ces qualités sont entre autres le respect des faits, la rigueur et la cohérence. Cela apparaît au moment où Cuénot affirme que « Lorsqu’il s’agissait de la recherche, rien ne comptait plus, ni les satisfactions légitimes, ni les commodités les plus élémentaires de l’existence »[35], affirme Cuénot. Voilà pourquoi Teilhard de Chardin multipliait de temps en temps excursions et promenades scientifiques.
1.4.5. EMPREINTES AMICO-LECTORALES
Dans ses excursions et promenades, Teilhard de Chardin tisse des amitiés avec des grandes figures qu’il rencontre. Voulant nous éclaircir, Cuénot écrit : « Teilhard a déjà tissé un réseau d’amitiés scientifiques depuis les Etats-Unis jusqu’à la Chine, en passant par L’Angleterre, la Belgique et la Suisse »[36]. Teilhard de Chardin a connu beaucoup de gens dans plusieurs pays au-delà de ceux cités ci-haut jusqu’en Afrique. Nous ne donnerons pas exhaustivement la liste d’amitiés. Mais sachons qu’après ses études, Teilhard de Chardin a connu, en premier lieu, son initiateur paléontologiste Marcelin Boule. En plus, Teilhard de Chardin fait connaissance d’autres grandes figures dont le Père Auguste Valensin, Père Léonce de grand-maison et l’Abbé Godefroy. C’est ce dernier qui l’a mis en relation avec Edouard le Roy. Clarifiant cette relation, Cuénot écrit: « l’Abbé Godefroy servit également d’intermédiaire entre Edouard le Roy et le P. Teilhard. Il est donc aussi à l’origine de la collaboration entre le savant jésuite et le grand professeur au collège de France »[37].
Faisant preuve de cette maturité intellectuelle, Teilhard de Chardin ouvrait bon nombre d’écrits sans tenir compte de tendances. Il a lu avec intérêt l’Evolution créatrice et Les deux sources de la morale et de la religion de Bergson. Cette lecture confirme son élan intellectuel. Cependant, elle ne l’engendra pas. Il est plausible que « la lecture de l’évolution créatrice confirma l’élan intellectuel, mais ne l’engendra pas, et Pierre Teilhard de Chardin, très tôt, sentit s’affirmer l’originalité de ses conceptions en face de Bergson »[38]. C’est dire que Teilhard de Chardin ne partageait pas le même goût avec Bergson. Pour ce dernier, le cosmos se révèle comme une irradiation divergente dans laquelle la poussée vitale n’a pas de finalité. En ce sens, Morin écrit: « L’univers semble naître en catastrophe et il semble aller vers une dispersion généralisée »[39]. C’est une conception d’un cosmos divergent à laquelle Teilhard de Chardin tourne le dos. Teilhard de Chardin, lui, reste convaincu de la convergence de l’univers. Ainsi, il a reproché sans cesse à Bergson et s’est dissocié de lui. Bergson conçoit un cosmos divergent dans lequel la vie n’a pas de finalité alors que le cosmos teilhardien converge vers le point Oméga. En plus, la théorie teilhardienne de l’union créatrice exclut le dualisme entre le corps et l’âme, matière et esprit, etc. Ainsi: « le dualisme matière-esprit, corps-âme se dissipe à ses yeux « comme Brouillard au soleil levant ». Matière et esprit ne sont plus deux choses (…), mais deux états, deux faces d’une même «étoffe »»[40].
Epris de lecture, Teilhard de Chardin a lu aussi Maurice. Blondel. C’est de lui qu’il a fondé sa notion de « panchristisme » qui est une vision du Christ en tout. Il a retenu, en plus, l’idée de l’action orientée vers le dépassement essentiel de la personne par une communauté des relations interpersonnelles qui est, selon Teilhard de Chardin, la totalisation (collectivisation). C’est pourquoi, dans sa lettre du 15 février 1955, Teilhard de Chardin n’a cessé d’affirmer qu’« avec Blondel j’ai été en relation à travers Auguste valensin pendant un an juste après la première guerre mondiale, vers 1920. Certains points de sa pensée ont certainement beaucoup agi sur moi »[41]. Malgré tout, Teilhard n’avait jamais, à cette période de son contact avec Blondel, osé nommer les notions de panchristisme et action. Quant à ce, l’auteur du Phénomène humain écrit : « La valeur de l’action qui est devenue chez moi une énergétique quasi-expérimentale de puissances biologiques d’évolution, et la notion de « panchristisme » à laquelle j’étais arrivé indépendamment, mais sans oser, à l’époque, la nommer aussi bien »[42].
Outre ces influences, Teilhard de Chardin a été profondément et pratiquement influencé par beaucoup d’autres personnes que, dans ce travail, nous n’avons pas pu citer. C’est ainsi qu’« on peut voir en Teilhard le Malebranche de l’évolutionnisme, mais sa parenté avec Leibniz est sensible, ses racines scolastiques demeurent évidentes et, par-delà celles-ci, l’influence de saint Paul et de Pères grecs, surtout saint Irénée, l’est également »[43]. Que cela suffise laconiquement pour ce qui est des traces qui peuvent avoir marqué Teilhard de Chardin, dans l’un ou l’autre domaine.
CONCLUSION
Nombre de gens se demandent comment lire et comprendre Teilhard de Chardin. A notre tour, nous avons questionné la cause de production de son œuvre. C’est ce souci de connaître la cause de production et faciliter la lecture bénéfique ou compréhensive de l’œuvre teilhardienne qui nous a permis de produire ces pages. C’est pourquoi, nous avons jugé digne d’expliquer le teilhardisme et son évolutionnisme en disséquant ses thèmes majeurs, en jetant un coup d’œil sur la pensée bergsonienne et d’autres influences que Teilhard de Chardin a pu subir. Toutefois, pour éclairer les choses, nous tournerons la page pour regarder, dans le deuxième chapitre, le mécanisme de l’avènement de la vie et comment s’est-elle répandue à travers l’univers jusqu’à l’apparition de l’homme.
CHAPITRE DEUXIEME : DE LA GENESE PREBIOTIQUE A L’HUMAIN
II.0. INTRODUCTION
Comme nous le disions déjà dans la problématique, la vie est abondante et multiple sur la terre. Mais une question se pose : comment a-t-elle commencé pour aboutir à l’homme ? C’est au souci de répondre à cette question fondamentale, après avoir passé en revue quelques généralités sur l’œuvre teilhardienne, que nous nous évertuerons dans ce présent chapitre à analyser la marche de la vitalisation jusqu’à l’apparition de l’homme. Cela nous permet, hic et nunc, de dévoiler le mécanisme d’avènement de la vie, c’est-à-dire mettre au clair le processus évolutif aboutissant au surgissement de la vie et de la vie à l’homme dans l’univers.
II.1. LA VITALISATION
II.1.1. LA MATIERE
Depuis l’enfance, Teilhard de Chardin avait déjà senti l’appel de la matière. Cet appel précède et favorise celui de l’évolution. La matière, telle que présentée par Teilhard de Chardin, présente trois faces dont la multiplicité, l’unité et l’énergie. Elle est une agrégation innombrable de centres qui se captent et se dominent de façon à former, par leur combinaison, des centres de plus en plus compliqués ou supérieurs. Cette matière est devant l’homme une matière vivante.
Après avoir distingué la matière vague ou inchoative Teilhard de Chardin met l’accent sur la matière élémentaire et celle totale. La matière totale est celle structurée par les rapports des éléments alors que la matière relative est celle qui représente, à chaque niveau d’union d’un multiple inférieur, un multiple à unir pour un niveau supérieur de synthèse.
Cependant, la matière morte, considérée comme l’unique à exister, reste un déchet qui retombe d’un processus d’union de la matière unifiable. A en croire Madeleine Barthélémy-Madaule : « … une matière inversée ou morte retombe comme un déchet du processus d’union »[44]. L’unification n’est possible qu’avec l’idée de la complexité de la matière qui soutient que la matière primordiale contient une puissance qui la porte vers les états les plus en plus concentrés. Cette puissance c’est l’élan vital dans la matière. Pour Teilhard de Chardin, « la matière en évolution devait dès le départ porter en ses fibres intimes l’étincelle ardente de l’Energie motrice et constructrice de toute la cosmogénèse. Ainsi, l’univers n’est que le continu d’une même Energie »[45].
La notion de complexité demande d’être comprise parce qu’elle est le socle de la pensée teilhardienne. La complexité est une prédisposition qu’a la matière à évoluer pour mieux se compliquer.
II.1.1.1. LA MATIERE ELEMENTAIRE
Avec la matière élémentaire, Teilhard de Chardin introduit l’idée de l’Espace-temps. L’introduction de la dimension temporelle dans l’explication de la nature inclut une des conséquences : c’est la vision du monde en cosmogénèse chez Teilhard de Chardin. Comme nous le savons avec les physiciens, le monde a quatre dimensions dont trois spatiales et une temporelle. C’est ainsi qu’analysant la pensée d’Einstein, Hilaire Cuny note : « Tout nous prouve (ou alors la relativité de simultanéité n’aurait pas raison d’être) que l’univers a bien une étendue, longueur, largeur, et une épaisseur : voilà les trois coordonnées d’espace. Tout nous prouve également les mouvements des corps, relativement les uns les autres, d’où la coordonnée de temps »[46].
Selon Teilhard de Chardin, l’univers se présente comme un tout organique où tous les éléments se tiennent et sont en liaison avec le développement de l’ensemble. Partout dans le cosmos se trouve la même nature, la même matière. De l’atome aux plus lointains corps de l’univers, ce sont les mêmes éléments qui le composent.
En effet, la matière présente devant nous quelques faces sous lesquelles l’étoffe de l’univers se manifeste à notre égard avec une croissante insistance. C’est pourquoi la matière est une et plurielle, et a en elle une énergie qu’est la puissance qui la porte vers l’avant et constitue sa troisième face. En fait, dans la pluralité de la matière, l’univers s’exprime en granulation. Cette granulation renvoi à l’atomicité. C’est dans le domaine de l’expérience vulgaire que cela se voit à travers les gouttes des pluies et le vent des grèves, dans la multiplicité des astres. Cela se lit aussi sur la cendre des morts.
Quant à ce, il n’y a plus nécessité d’un microscope pour qu’on s’en rende compte. C’est pourquoi Teilhard de Chardin écrit : « L’homme n’a pas besoin de microscope, ni de l’analyse électronique, pour se douter qu’il vivait entouré et supporté de poussière »[47]. C’est ainsi que sous l’analyse des physiciens chaque unité plus petite de la matière tend à se réduire en quelque chose de plus finement granulé qu’elle-même. Ainsi, à chaque nouvelle marche la figuration maximale du monde se renouvelle et s’estompe. Les substrations de l’univers tangible vont se désagrégeant sans arrêt vers le bas.
Cette pulvérisation de la matière laisse paraître à nous sa fondamentale unité. Cette dernière se traduit par l’étonnante similitude des éléments rencontrés qui manifestent une identité parfaite de masse et de comportement. C’est pourquoi : « Molécules, atomes, électrons, ces minuscules entités, quels que soient leur ordre de grandeur et leur nom, manifestent (au moins à la distance où nous les observons) une parfaite identité de masse et de comportement »[48]. En fonction de son influence sur tout ce qui l’entoure, chacun des corpuscules se définit. Cela traduit une unité d’homogénéité. Mais, comme les foyers innombrables qui se partagent en commun en volume donné de matière, les corpuscules ne sont pas pour autant indépendants entre eux. Cela signifie que les corpuscules se lient les uns les autres.
Par liaisons collectives de corpuscules cosmiques, Teilhard de Chardin souligne que la matière renferme une capacité d’action et d’interaction. C’est l’énergie qui est le principe ou la mesure de ce qui se passe d’un atome à un autre au cours de leur transformation. L’atome s’enrichit ou s’appauvrit au cours de ces échanges. D’où, « …les corpuscules matériels peuvent maintenant se traiter comme les réservoirs passagers d’une puissance concentrée. Jamais saisie, en fait, à l’état pur,… »[49]. Dans cette optique, Cuny atteste de sa part que : « la synthèse de noyaux lourds s’accompagne d’une émission d’énergie de même qu’une réaction chimique, c’est-à-dire une synthèse des atomes en molécules s’accompagne d’une émission d’énergie »[50].
Par l’unité de la Weltstoff ou l’être concret dont est formé l’univers, et ayant la conscience et la matière, Cuénot affirme : « Toute complexité (ou matière arrangée) présente un dehors (l’aspect matériel) et un dedans (l’aspect physique)».[51] Ainsi donc, la matière et l’esprit sont indissolubles car considérés comme deux faces de la même feuille. C’est pourquoi l’être concret (Weltstoff) ne se confond pas avec la matière physique. Puisqu’il a un dehors et un dedans.
II.1.1.2. LA MATIERE TOTALE
Après avoir regardé, jusqu’ici, la matière sous un volume quelconque, c’est-à-dire selon l’unification de la multiplicité, il nous est maintenant favorable de l’observer en bloc ou selon la solidarité de ses éléments. Cela parce que l’étoffe de l’univers, loin de ressembler à quelque organe disponible, elle se donne à voir comme un tout, un système. A ce titre, Madeleine Barthélémy-Madaule affirme : « Le cosmos est une étoffe unique »[52]. En effet, l’univers est à prendre comme un seul bloc où chaque élément est lié à d’autres. Voilà ce que Teilhard de Chardin soutient quand il écrit : « Tissé d’une seule pièce, suivant un seul et même procédé, mais qui de point en point ne se répète jamais, l’étoffe de l’univers correspond à une seule figure : elle forme structurellement un tout »[53]. Le procédé dont il est question c’est la loi de conscience et de complexité.
De ce fait, il devient impossible de détacher et d’étudier un fragment de cette étoffe en guise d’échantillon. L’univers étant un système, il est Totum et Quantum, c’est-à-dire l’univers est Un et Multiple. Cet univers a l’énergie à l’intérieur. Ainsi, il est « impossible de trancher dans ce réseau, d’en isoler une pièce, sans que celle-ci s’effiloche et se défasse par tous ses bords »[54]. Le systémique de l’univers reste perceptible à tout observateur. Dans cette systémicité du monde, l’homme a été toujours émerveillé par l’arrangement des éléments. Cet arrangement nous impose une et une seule manière de voir l’univers. C’est pourquoi Teilhard de Chardin note qu’ « A perte de vue, autour de nous, l’univers tient par son ensemble. Et il n’y a qu’une manière réellement possible de le considérer. C’est de le prendre comme un bloc, tout entier »[55].
Sur ce, il sied de noter que l’univers est comparable à un macro-organisme capable de croissance. Cela veut dire que l’univers est capable d’évoluer, grâce à la loi de la complexité-conscience, des états les moins concentrés vers les états les plus complexes.
II.1.2. CONVERGENCE DE LA MATIERE
Par convergence de la matière, nous entendons seulement l’évolution de la matière. Cette vision évolutive du monde, nous le disions, est une conséquence de l’introduction de la notion ou du facteur temporel dans la compréhension du monde ou du réel. Cela signifie que Teilhard de Chardin a la foi en un mouvement convergent qui anime ce réel. Voilà pour lui une raison de déclarer: « Essentiellement, le changement apporté dans notre expérience par l’apparition de ce que nous appellerons bientôt L’espace-temps consiste en ceci que tout ce que nous regardions et traitions jusqu’alors comme des points, dans nos constructions cosmologiques, devient la section instantanée de fibres temporelles indéfinies »[56]. Ainsi, l’introduction du temps dans ses analyses prend la forme d’une foi au progrès, un progrès universel qui ouvre à l’humanité des perspectives d’avenir.
Cette nouvelle mentalité de convergence de la matière découverte par le temps comme moyen efficace pour comprendre le monde, entraine dans un courant de fond, l’un après l’autre, les domaines de la connaissance vers une étude de quelque développement. Ainsi, « l’un après l’autre, tous les domaines de la connaissance humaine s’ébranlent, entrainés ensemble, par un même courant de fond vers l’étude de quelque développement »[57]. Pour le confirmer, il a fallu à Teilhard de Chardin de définir l’évolution comme étant « …une condition générale à laquelle doivent se plier et satisfaire désormais, pour être pensable et vrai, toutes les théories, toutes les hypothèses, tous les systèmes »[58].
Ceci se conforme au principe physique de la thermodynamique. Sans commenter ce qu’est la thermodynamique, nous signalons qu’elle est un principe qui exprime la tendance qu’a tout système à évoluer vers des états de grande probabilité. Remarquons le, la matière dès le débuta connu un gisement du simple au complexe ou, ce qui revient au même, de l’inrangé à l’arrangé. Ceci fait dire à Teilhard de Chardin que « …la matière obéit, dès l’origine, à la grande loi biologique de complexification »[59]. Eu égard à ceci, il est possible d’attester que les corps immobiles sont mis en mouvement par l’énergie et ceux mobiles sont accélérés aussi par la même énergie. C’est pourquoi, selon Hilaire Cuny, « Il faut de l’énergie aussi bien pour mettre en mouvement un corps immobile que pour accélérer un mobile »[60]. Cela peut se comprendre facilement dans ce sens qu’on accroît la vitesse d’un mobile, pour aller plus vite, par l’énergie. Ainsi, « pour accroître la vitesse d’un mobile allant de plus en plus vite, il faut de plus en plus d’énergie »[61] affirme Cuny.
En analysant ces deux théories explicatives du début de l’univers, nous nous rendons vite compte qu’elles convergent toutes. En effet, elles nous placent toutes dans une multitude corpusculaire où tout ce que nous observons plonge ses racines. Ainsi, tout ce qui nous apparait est un tronc dont les racines plongent dans un passé et dont les branches montent dans un avenir. Pour ce faire, « l’évolution de la matière se ramène actuellement à l’édification graduelle, par complication croissante, des divers éléments reconnus par la physico-chimie »[62].
On ne le dira jamais assez, loin d’être un système déjà arrangé, le monde est un système en cours de mouvement ou d’organisation. Ce passage, nous l’annoncions, d’un monde en voie d’organisation au monde arrangé, est un passage d’une vision en cosmos à une vision en cosmogénèse. Il est utile de signaler que cette idée d’un univers statique ou fini a influencé nombre de penseurs dont Albert Einstein qui n’a pas su demeurer dans cette conception. Cela se voit clairement dans les propos de Cuny quand il affirme : « Einstein, qui considérait au début de ses travaux une espèce d’univers statique, envisage, après la mise en évidence par Hubble et Humason de la fuite radiale des galaxies lointaines accessible à notre observation, un univers dynamique »[63]. L’étoffe de l’univers présente un dehors et un dedans, c’est-à-dire l’aspect extérieur et l’aspect intérieur ou, de même la conscience ou le psychisme et la matière. L’intériorité ou la conscience varie selon le degré de complexification de la matière qui la constitue. Pour Teilhard de Chardin, cela veut dire que « le psychisme, le dedans des divers éléments formant le monde peut-être petit ou aussi grand que l’on en voudra, selon le degré où l’on se place dans l’échelle astronomiquement étendue des complexités actuellement connues »[64].
De ce qui précède, il sied de reconnaitre que la conscience n’est pas une propriété seulement humaine. Il est arbitraire de considérer que les autres êtres, en dehors de l’homme, sont privés de tout dedans. Cela parce que l’étoffe de l’univers est biface en toute région de l’espace et du temps.
De fait, tous les corpuscules comme l’homme possèdent un petit dedans. Cependant, cette conscience chez chacun des êtres, entre l’homme et le règne animal par exemple, est à un degré différent, c’est-à-dire chez l’homme elle est mature et chez l’animal elle n’est pas mature. Sur ce, les points de vue divergent entre penseurs. Cela signifie que d’un côté les matérialistes s’attèlent à la reconnaissance et la considération d’une seule face des choses qu’est la face externe. Ainsi, pour eux les objets ne consistent qu’en actions extérieures.
D’un autre côté, le point de vue des spiritualistes centralise le regard des objets dans leurs opérations immanentes. Quant à ce, Teilhard de Chardin reste convaincu que ces deux points de vue (matérialistes et spiritualistes) devront se rejoindre pour concilier, dans l’expérience humaine, certaines apparences contradictoires de mécanisme et de liberté, de mort et d’immortalité dans la nature. Voilà pourquoi il note : « Ma conviction est que les deux points de vue demandent de se rejoindre, et qu’ils se rejoindront bientôt dans une sorte de phénoménologie ou physique généralisée, où la face interne des choses sera considérée aussi bien que la face externe du monde »[65].
Cependant, évitant de tomber dans la vieille doctrine animant le monde de manière simpliste, Teilhard de Chardin se trouve dans une obligation de parler sur la notion de la vie anticipée quelque peu par la prévie, c’est-à-dire il traite un peu de l’avant vie et s’étend ensuite sur la vie. Il montre que toute complexification traverse des seuils évolutifs où apparaissent des propriétés nouvelles. Ainsi, « toute synthèse est créatrice, novatrice »[66]. La transformation est à la fois la continuité et discontinuité. Cela évoque, pour Teilhard de Chardin, la sainte évolution où il affirme : « le monde se crée encore »[67].
A l’heure actuelle, les conceptions divergent sur la question de l’origine de la vie. Beaucoup d’hommes de science se demandent si la vie serait apparue hasardement ou par nécessité. Ceci nous stimule à chercher la probabilité de l’apparition de la vie sur la terre. C’est pourquoi, après avoir jeté un regard sur la période précédente, certaine est notre conviction de constater que notre univers plurivers (Mégasystème) est traversé par un phénomène double qui nécessite d’être relevé.
D’une part il y a irruption de la vie comme phénomène central ou primordial de l’univers et l’assemblage des matières inanimées d’autre part. Mais une question se pose, celle de savoir s’il y a un sens dans et après la production d’un évènement unique ? Voilà pourquoi, après avoir répondu à la question du comment la vie est-elle venue dans le cosmos, nous nous engageons à répondre à une autre, celle de savoir ce qu’est le sens de ladite vie. Cela nous pousse à chercher le sens de la vie en tant que processus évolutif, c’est-à-dire nous tenterons de démontrer non de façon trop affirmative et catégorique, le sens et la place de la vie dans ce mégasystème où elle se répand sans freins et sans interruption. Le sens est à comprendre ici comme la direction que prend la vie dans sa progression et quel sera son point d’émergence. Cet effort de chercher comment la vie a surgi dans le cosmos a, à sa base, l’affirmation teilhardienne selon laquelle : « Nulle part les choses ne sont moins compréhensibles qu’à leur début »[68].
Nonobstant les efforts que nous déployons pour répondre à cette question, il nous faut, selon Teilhard de Chardin, savoir que : « Scientifiquement parlant, nous ne saisissons le commencement total de rien ; mais toute chose se prolonge, en arrière d’elle-même, par quelqu’autre chose »[69]. Voilà pourquoi dans sa thèse de doctorat, le grand admirateur de Teilhard de Chardin, l’Abbé Joseph Kalamba d’affirmer : « L’esprit humain ne peut saisir que le phénoménal. Le zéro naturel absolu échappe à son observation, et encore plus l’état avant les premières secondes à la naissance du cosmos »[70]. Partageant cette opinion, Jean-Hilaire atteste qu’ « Il est vraisemblable que la représentation réelle du macrocosme nous échappe encore »[71]. Cette position est soutenue par les chercheurs de l’université de Lubumbashi.
Réfléchissant sur l’origine de la vie selon Christian de Duve, Jean-Hilaire Ilunga et son ami Alphonse Kabadile nous rassurent qu’il n’y a pas de modèle qui soit standard dans la description de l’origine de la vie. C’est ainsi qu’ils s’exclament : « Pour être pétillant d’intelligence, nous devons dire ouvertement qu’il n’existe pas de modèle standard pour décrire l’origine de la vie »[72]. Cette exclamation révèle la diversité de points de vue au sujet de l’origine. Selon ces penseurs, Darwin explique, dans l’origine des espèces où il ne parle pas délibérément de l’origine de la vie, que tous les êtres organiques ayant vécu sur terre pourraient être les descendants d’une forme primordiale. Son imagination soutient un étang chaud où serait passée la matière pour favoriser l’apparition de la génération spontanée.
Pour ces chercheurs de l’UNILU, la théorie de Darwin est remise en cause de nos jours par la théorie du dessein intelligent qui suppose l’intervention d’un être supérieur dans l’explication de phénomènes. A son tour, Christian de Duve rejette le dessein intelligent qui est une théorie vitaliste et qualifie l’évolutionnisme comme un fait et non une théorie. Cela apparait clairement quand ces chercheurs écrivent : « … Le dessein intelligent soutient une théorie vitaliste. L’immense majorité de scientifiques rejettent le vitalisme. C’est aussi le cas de Christian de Duve qui soutient que l’évolutionnisme n’est plus une théorie mais un fait »[73].
Sous ce créneau de discussion, nous affirmons que nous ne faisons que des approches du réel, lesquelles restent soumises, scientifiquement parlant, à la loi de la révisabilité. Pour Teilhard de Chardin, la vie est née de l’évolution. Est-ce un savoir ou une croyance? La réponse à cette question sera donnée un peu plus bas. Ainsi pour passer à la vie, il a fallu selon la science, que les éléments corpusculaires s’arrangent naturellement et s’entrecroisent en se combinant les uns les autres. C’est cela que nous appelons la complexité de la matière.
II.2. LA COMPLEXITE DE LA MATIERE
Convaincu de la vastitude et la complexité de la question des origines, nous attestons que le problème des origines est très compliqué. Complication à comprendre dans ce sens que ce problème suppose d’ores et déjà la foi à l’origine de toute question philosophique ou scientifique car croire c’est développer un acte de synthèse dont l’origine première est insaisissable.
Par complexité d’une chose, nous entendons la qualité qu’a cette chose d’être formée, c’est-à-dire par attraction des corps les uns vers les autres, par leur combinaison et leur inter-combinaison ou leur entremêlement que surgit la vie dans le cosmos. La complexité devient une énergie naturelle que possède la matière. C’est par cette énergie que la matière s’auto-organise et reste à l’origine de toute vie. C’est ainsi que Teilhard de Chardin ne s’est pas contenu quand il s’écrie : « sans pression des corpuscules entre eux…, la vie ne serait probablement jamais apparue dans le monde »[74].
De ce qui précède, il est remarquable que la matière n’est pas une entité fermement inerte, c’est-à-dire sans pré-conscience. Mais elle renferme en elle une énergie, un dynamisme rudimentaire qui engendre un mouvement nécessaire. Ce mouvement reste la tension vers(…). Elle a en son sein une intériorité ou une sorte de vitalité virtuelle qui, par mouvement de combinaison, évolue peu à peu jusqu’à s’éclater pour faire rougeoyer la vie. Ceci exclut, dans la pensée teilhardienne, l’existence d’une matière brute ou une matière purement inerte car tout élément de l’univers contient à un degré au moins infinitésimal, quelque genre d’intériorité, de spontanéité et donc, la conscience.
Contrairement à Teilhard de Cardin, certains évolutionnistes comme Dawkins expliquent l’origine de la vie dans la spontanéité et l’inanimé. Cela signifie qu’au commencement l’atmosphère de la terre se composait de bioxyde de carbone, de méthane, d’ammoniac et d’eau. Grâce à l’énergie solaire, et peut-être aussi sous l’action des éclairs et explosions volcaniques, ces éléments se seraient alors décomposés puis recomposés pour former des acides aminés. Ces acides se seraient accumulés pour constituer les protéines dans l’océan, toujours inanimées, où se formera par accident une molécule capable de se reproduire. Avec cette molécule, la première cellule vivante est née spontanément.
En fait, cette conception élargit le gouffre qui sépare l’inanimé avec l’animé. Ceci souligne l’éloignement de solution du problème par le passé car, en biologie, il faut arriver à un commencement simple qui se trouve dans une obscurité indescriptible. Mais on s’est rendu compte que même les organismes unicellulaires connus depuis très longtemps sont d’une infinie complexité.
De ce qui vient d’être dit, Teilhard de Chardin, proposant de comprendre toute chose à son début et donc dans son passé, affirme que dans le langage scientifique nous ne saisissons le commencement de rien. C’est ainsi que, à cause de cette incapacité de ne saisir le commencement de rien, il nous est proposé la croyance à la l’origine de tout. Cette croyance est un développement d’un acte de synthèse selon lequel l’origine première de tout est insaisissable. Ainsi, dire que la vie est née du hasard ou d’une autre cause que l’on ne sait pas bien expliquer même par ses tenants est une preuve pure et simple qui nous dévoile cette incapacité de ne saisir certainement le commencement de rien. C’est pourquoi, toutes les affirmations prônant le hasard ou une autre cause et excluant l’évolution à l’origine de la vie ne sont qu’une utopie.
Si Teilhard de Chardin parle de la conscience rudimentaire ou virtuelle de la matière, c’est qu’il soutient le fait que la matière est dotée d’un pouvoir dynamique par lequel elle entre en combinaison avec d’autres éléments de l’univers. Néanmoins, nous devons reconnaitre que la vie nous vient de la complexification de la matière et non d’une autre cause.
Désormais, par ce fait, la vie a apparu dans le cosmos et elle nous envahit, c’est-à-dire que la vie a surgi par complexité de la matière et nombre des penseurs, là-dessus, sont d’accord avec Teilhard de Chardin. La vie est là, elle a surgi par complexification de la matière. Ainsi, « Il n’y avait de protoplasme, il y en a, donc la vie a apparu »[75]. Après cette longue explication de la complexification de la matière, cherchons maintenant à voir ce qu’elle a de plus vital en son sein tout en commençant par les atomes.
II.2.1. LA GRANULATION DE LA MATIERE
L’atome est la partie indivisible de la matière dans laquelle les éléments chimiques gardent leur individualité. La notion d’atome a été formulée pour la première fois par les philosophes antiques de la Grèce comme Démocrite et les autres. Dans cette optique, la représentation du cosmos physique était fondée sur l’hypothèse selon laquelle les corps sont constitués des particules invisibles et indivisibles.
Par atomisation nous entendons seulement la tendance générale de granulation que présente l’univers. Cela veut dire que l’univers a la tendance à nous apparaître à l’analyse comme une multitude de grains. Ces grains seraient des atomes. Ainsi, selon les analyses teilhardiennes, l’atome est un élément don le manque nous priverait la vie. Cette vie est celle considérée comme processus évolutif qui part de la prévie à la vie ou de la spontanéité à la réflexion, et donc de la sous intelligence à l’intelligence proprement dite. C’est pourquoi par atomes, nous pouvons retenir avec Teilhard de Chardin que ce sont: « les premiers éléments de la matière échangeant leur condition de quasi absolu mathématique pour celle de la réalité contingente et concrète »
[76]. C’est avec l’atome que s’effectue un pas vers la vie car, en fait, dans le processus d’avènement de la vie la plus consciente, nous partons de la prévie, caractéristique de l’inanimé, vers la vie.
L’atomisation, comme la complexité, recourt à la loi de la combinaison. Ceci est un mouvement interne. C’est par ce mouvement que les atomes s’assemblent pour former des groupements vitalisés, des groupements de plus en plus complexes. Les atomes sont des éléments de la nature qui manifestent l’absence des liens des lignées verticales. Clarifiant ce propos Teilhard de Chardin atteste qu’ « Ils présentent un caractère différentiel qui est l’absence des lignées verticales. Chacun d’eux ne naît que pour soi seul, sans rien transmettre : comme une maison qui se bâtit »[77]. Cependant, l’atome, sans transmettre ni recevoir rien de l’extérieur, reste un élément toujours dynamique et reste en relation intime de combinaison avec les autres. A ce propos, l’influence leibnizienne laisse apparaître ses traces.
En fait, l’atomisation trouve et atteint son plafond qu’elle ne saurait pas dépasser. Cependant elle ne s’arrête pas. Mais elle change de direction. C’est avec le souci d’affirmer en termes clairs que Teilhard de Chardin écrit : « De ce côté, la marche de la corpusculisation semble s’arrêter. Mais ceci ne l’empêche pas, toutefois de continuer dans une autre direction, celle des molécules »[78]. Sans se fatiguer, Teilhard de Chardin éclaire cette idée quand il note : « L’atome a le pouvoir de rebondir de plus belle dans une autre direction, plus riche de liberté : celle des molécules »[79].
II.2.2.LA MOLECULE : UN TOUT D’ATOMES
La moléculisation est, ici, comprise comme le passage des atomes aux grosses molécules qui permettent l’apparition de la vie. Ces molécules diffèrent des atomes dans ce sens qu’elles présentent un lien d’échange entre elles alors que les atomes, nous le notions ci-haut, sont des éléments qui ne transmettent ni ne reçoivent rien de l’extérieur en étant en relation intime entre eux. Pour prouver que les molécules sont en lien d’échange, Teilhard de Chardin signale que les molécules laissent un large espace de transmission et d’échange ; elles présentent une mobilité allant à l’infini dans la ramification des espèces vivantes. C’est ainsi qu’il écrit : « Le monde des molécules … laisse apparaître une véritable plasticité interne lui permettant de s’écouler et de pousser des sortes de pseudopodes en toute direction favorable »[80].
De ce fait, Teilhard de Chardin souligne que la molécule renferme plusieurs éléments qui sont des pSSrotéines. Dans la moléculisation, les protéines sont de nouvelles formes par lesquelles la vie prendra l’élan nouveau. Ces protéines forment de nouvelles formes dans ce sens qu’elles vont, à leur tour, former la cellule, entité pleinement vivante. Les protéines sont souvent des éléments chimiquement binaires. C’est ce que Teilhard de Chardin explique en ces termes : « Ces protéines sont les pullulements des substances ou des groupements binaires, tels que CO, CH, NH, s’associent avec divers radicaux en chaînes simples ou multiples, allongées ou pelotonnées sur elles-mêmes, jusqu’à atteindre des poids moléculaires fantastiques, s’élevant jusqu’à plusieurs millions. Ceci leur conférant une extraordinaire mobilité de forme »[81].
Eu égard à ce qui précède, il sied de constater que la corpusculisation combinatoire atteint son point le plus culminant dans la moléculisation. Cette moléculisation est le sommet de l’atomisation, car : « L’atomisation de la matière semble bien avoir atteint un plafond qu’elle ne saurait beaucoup passer désormais »[82]. Il n’est obscur de constater que c’est à partir de la moléculisation que nous assistons à un nouveau mécanisme de la vitalisation. Ceci parce qu’il y a ici apparition et distinction de plusieurs ramifications qui donnent accès à la multiplicité des espèces au sein de la vie. Cette vie fera irruption dans le cosmos par et avec l’avènement des protéines. Ainsi, écrit Teilhard de Chardin : « C’est au sein de ces protéines primordiales qu’a dû se produire… le grand phénomène de la vitalisation »[83]. Ces protéines constituent la cellule qui marque l’apparition de la vie. Voilà pour Bonnet une raison d’écrire : « La vie apparaît avec la cellule »[84]. Cette vie se présente comme un simple processus de complexification croissante, processus au cours duquel la matière réussit à s’organiser en corpuscules de plus en plus volumineux et de plus en plus hautement organisés. Et par la cellule, affirme Teilhard de Chardin: « D’âge en âge la teinte monte. Quelque chose va éclater sur la terre juvénile. La vie! Voici la vie »[85].
II.3. LA VISION EPIPHENOMENIQUE DE LA VIE
La vision épiphénoménique de la vie est une considération de la vie comme phénomène accessoire dans le cosmos. Voir la vie comme un épiphénomène est une vision qui rejette la sacralité de cette vie, c’est-à-dire une vision qui ne reconnait jamais la place primordiale de la vie dans le cosmos. Mais nous venons, dans les points précédents et surtout avec la moléculisation, de soutenir que très vite la vie nous découvre une tendance à se ramifier en avançant. Ceci est notre conviction qui nous pousse dans ce point, à répondre à la question de la place de la vie dans cet univers plurivers.
Au sujet de l’origine de la vie, nombre de penseurs ont soutenu que la vie venait du hasard d’une part, et de la détonation d’autre part. Mais avec Teilhard de Chardin, nous avons affirmé que la vie repose sur l’évolution, laquelle postule la matière à l’origine de la vie. C’est ce que nous avons appelé plus haut « la dynamique génératrice de la cosmo-bio-socio-anthropogénèse ». En fait, cette vision n’est pas acceptée de tous. C’est pourquoi, chercher à replacer la « vie » à sa place centrale dans l’ordre cosmique ne va pas sans peine. Cette vision est celle qui est proposée par certains auteurs comme Michel Serres. Ces désaccords, interminables tiraillements au sein de la communauté divergente des chercheurs autour de cette question de grande envergure font la richesse et la valeur inoubliables de la science.
En effet, pour Teilhard de Chardin, la vie, malgré la divergence des points de vue au sujet de sa position centrale, ne peut en aucun cas être considérée comme épiphénomène étant donné qu’elle n’est pas un fait du hasard. Comme la vie n’est pas le fruit du hasard, aussi l’homme ne l’est non plus. Pour Teilhard de Chardin, « Nous ne sommes pas, en tout cas, un objet du hasard ».[86] Cela parce que, pour tant de penseurs, le hasard pur ou le hasard absolu est une pseudo-notion. Comme l’homme est une partie la plus vivante et la plus centrale de la vie, cette dernière est, elle aussi, un phénomène central par excellence. C’est pourquoi il est difficile et impossible, hic et nunc, d’apprécier convenablement sa position dans le monde pendant que l’on n’a pas fixé sa place dans cet univers systémique. A en croire notre auteur : « L’homme est une partie de la vie, … il est la partie la plus caractéristique, la plus polaire, la plus vivante de la vie. Impossible, dès lors, d’apprécier convenablement sa position dans le monde sans fixer au préalable la place de la vie dans l’univers »[87].
Suite à la place que la vie tient dans le cosmos, nous attestons que les êtres vivants sont les formes supérieures et spécifiques du phénomène universel. C’est ainsi que Teilhard de Chardin écrit : « La meilleure façon d’expliquer scientifiquement le monde est certainement de se décider à y regarder les êtres animés, non pas comme un sous-phénomène évolutif universel ».[88] Par ce raisonnement, Teilhard de Chardin tire la vie de griffes de l’inutile pour lui donner une valeur en l’établissant reine de l’univers.
Ainsi, nous avons vu, par ce fait, la place qu’occupe la vie dans l’univers. Cette place n’est ni inutile, ni non plus accessoire ou secondaire, mais plutôt une place centrale, une place de choix dans l’univers. Ayant une place centrale dans le cosmos, la vie a une partie la plus vivante qui la représente ou qui la caractérise. De ce fait, les hommes politiques ainsi que ceux de science ne doivent pas, de l’une ou de l’autre manière, ôter la vie par le fait qu’elle est, selon Teilhard de Chardin, reine de l’univers ayant différents êtres vivants comme parties qui la caractérisent dans la nature.
Certes, la nature peut, en terme politique, se comprendre comme l’espace public dans lequel certains auteurs comme Hannah Arendt préconisent la pluralité, l’égalité et la liberté, la parole, l’action et la non-violence. A titre illustratif, nous pouvons estimer que dans le cosmos les politiques doivent comprendre que les hommes sont égaux. Pour ce fait, Arendt est convaincue que si « les hommes n’étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux »[89]. La prévision de besoins de générations futures n’est possible que si les hommes de science usent du cosmos selon la vision d’Hans Jonas qui dit : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur la terre »[90].
Cette position jonassienne nous encourage pour interpeler les hommes de science qu’ils doivent inventer non pour nuire mais pour promouvoir l’humanité. C’est pourquoi Hans Jonas écrit : « Ne compromet pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre » et « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie »[91]. Les politiques et les scientifiques doivent tenir compte de cette dimension en sachant qu’ils peuvent vouloir le bien actuel en sanctifiant le bien futur.
Après cela, nous pouvons alors regarder la vie dans un sens bien déterminé. Comme nous avons soutenu plus haut, nous reconnaissons la variété et la multiplicité de la vie dans le cosmos. Quant à ce, nous devons, après avoir vu la place de la vie dans l’univers, l’examiner dans les sens ou les directions bien déterminées sans prétention d’exhaustivité sur les dimensions de la vie. Pour cela, il ressort que nous examinerons la vie dans l’une des directions ou l’un des sens bien déterminé parce que l’histoire de la vie fait apparaître une transformation des organismes dans un sens bien déterminé. Et cela parce qu’il est vrai que « présentement, on peut affirmer que l’unanimité est presque faite, parmi les vivants, en ce qui touche la position centrale de la vie dans l’univers »[92].
II.4. LE SENS DE LA VIE
Par sens de la vie, nous voulons, d’une manière simple et non catégorique, dévoiler la direction prise par la vie en vue de son expansion après son surgissement dans l’univers. Cela nous oblige de relever quelques êtres premiers ayant joui de la vie encore toute fraîche. Ces premiers jouisseurs sont, en d’autres termes, des pré-vivants. Si la vie est, dès ses origines, en évolution ascensionnelle vers le plus conscient, aussi l’être réfléchi qui, lui aussi, dans sa totalisation humaine avec le cosmos converge vers le plus être, c’est-à-dire l’apparition de l’être plus réfléchi est précédée par l’apparition des êtres moins réfléchis. Cependant, nous nous posons la question de savoir qui sont ces êtres premiers à jouir de la vie dans toute sa fraîcheur lors de son apparition première dans l’univers ? Pour répondre à cette question, nous nous proposons de traiter des êtres unicellulaires et de ceux pluricellulaires.
II.4.1. LES ETRES UNICELLULAIRES
La question des êtres unicellulaires signifie que nous parlons des êtres formés d’une cellule. Jusqu’aujourd’hui, nombre de scientifiques s’accordent et admettent que les unicellulaires sont les premiers à recevoir la vie tout encore fraiche dans son processus d’apparition évolutive. C’est cela qui apparait sous la plume teilhardienne en ces mots : « Le monde des unicellulaires a ceci de captivant qu’il (…) exprime, d’une manière presque tangible, les origines et la nature corpusculaire de la vie »[93]. Ces unicellulaires que nous appelons premiers jouisseurs de la vie sont des pré-vivants. De ce fait, comment expliquer que ces pré-vivants ne soient pas autres que les unicellulaires?
Teilhard de Chardin tente d’expliquer et de justifier ce fait en soutenant que : « La vie, quand elle émerge de la matière, est encore ruisselante d’un état moléculaire qu’elle ne fait qu’entretenir par le jeu prodigieux de son pouvoir de multiplication »[94].
En fait, reconnaissons-le, le monde évolue en se révoluant ; il y a régénérescence et dégénérescence dans le processus évolutif de l’univers. Sur ce cheminement progressif de la vie dans le cosmos se manifestent plusieurs ségrégations. Par-là, chaque être vivant s’engage dans l’une des directions tendant vers la spécification de son espèce. Ainsi, « … à l’époque probablement très proche des origines des unicellulaires, constate l’auteur du phénomène humain, un clivage important a dû se produire dans leur masse d’abord confusément homogène : clivage séparant les proto-plantes des proto-vivants »[95]. En plus de cette constatation de Teilhard de Chardin, il sied de reconnaître la ramification de la vie. Cette ramification est une phase qui nous déplace des unicellulaires vers les pluricellulaires pour qui la possibilité des ségrégations est grandement définie.
II.4.2. LES ETRES POLYCELLULAIRES
Contrairement aux unicellulaires, les polycellulaires communément appelés pluricellulaires sont des êtres formés de plusieurs cellules. Pour certains, les pluricellulaires sont des êtres qui se seraient détachés ou séparés du tronc des végétaux où ils s’enroulaient. Mais avec Teilhard de Chardin nous constatons que le monde animal de métazoaires (pluricellulaires) s’est tout lentement dégagé de l’énorme tronc des végétaux sur lequel il s’enroulait. S’étant autonomisé, « Le monde animal de métazoaires se ramifie en deux grandes familles : il y a d’une part la famille des arthropodes (arachides, crustacés, insectes,…) à carapace ou squelette externe et d’autre part, celles des chordates ou vertébrés à carapace externe. Cette famille dernière a progressivement évolué jusqu’à donner ces trois sous familles inséparablement liées et s’influençant l’une l’autre : ce sont les amphibiens, les reptiles et les mammifères »[96].
Toutes ces ramifications dénotent, dans la vie, l’étonnante fécondité créatrice et l’incroyable pouvoir de prolifération de la biosphère. Sur ce, la diversification des lignées se manifeste. Cependant, malgré cette diversité, « la vie obéit à une loi fondamentale qui est, pour Teilhard de Chardin, la loi de relais »[97]. Cette loi fait qu’ « à tous les degrés et dans tous les cas, les formes vivantes, suivies dans la durée, s’imbriquent entre elles plus qu’elles ne se prolongent directement l’une l’autre »[98]. Voilà d’où il ressort que, selon Teilhard de Chardin, la vie est entrée dans l’univers par trois axes : « Végétaux, arthropodes, vertébrés »[99].
Certainement, l’auteur du phénomène humain voit dans la masse vivante une structure objective ou une loi secrète qui ordonne et stabilise l’expansion foisonnante des nappes zoologiques. Il voit dans le dynamisme intime des êtres polycellulaires une montée ascendante et une direction constante qui porte le mouvement fondamental de l’évolution. Le front de cette évolution est conduit par des êtres vivants qui présentent plus de complexité-conscience. Teilhard de Chardin situe du côté de ces êtres, les grandes lignes structurelles de la biosphère. Ces grandes lignes sont situées à partir de l’ordre chronologique et de l’arrangement morphologique des formes vivantes dans leur apparition, ramification et expansion dans le monde animal des êtres unicellulaires jusqu’aux métazoaires.
C’est à partir des êtres pluricellulaires que le déploiement phylétique des lignées va de pair avec une croissance de degré d’intériorisation graduelle. Ainsi, l’arbre de la vie grandit de façon ascensionnelle et orientée. Le degré d’intériorisation est le développement psychique. Ce dernier a suivi le développement du système nerveux allant chez les animaux supérieurs, avec le degré de la céphalisation élevé avec l’agrandissement de leur boîte crânienne. Justement, c’est la branche de mammifères qui, dans ce cas, canalise et s’approprie en les concentrant dans sa tige, les fonctions essentielles de la cérébralisation sans oublier la direction et la tête de son développement organique.
Teilhard de Chardin ramène, spatialement et bio-géographiquement, l’histoire des primates à partir de l’Eocène inférieur dans le Nord-atlantique où ils apparaissent. A ce niveau, nous, nous évitons de suivre pas à pas l’histoire de l’évolution de l’homme qui va de Sinanthrope à l’homo-sapiens sapiens pour nous tourner vers l’hominisation. Cela nous permet de soutenir que l’entrée de l’homme dans l’histoire de l’évolution de la vie dans le cosmos a changé l’état de la biosphère. Ainsi, Nicole Bonnet soutenait qu’ « avec l’arrivée de l’homme le cosmos est doté d’une nouvelle dimension, dimension de l’esprit »[100]. C’est-à-dire avec l’homme la noosphère existe.
CONCLUSION
Au terme de ce deuxième chapitre de notre travail, nous nous sommes retrouvés dans l’obligation de présenter une petite conclusion qui se veut une recension récapitulative de l’essentiel. En somme, dans ce chapitre nous avons essayé avec Teilhard de Chardin, de répondre à la question de savoir comment la vie a surgi dans l’univers sans oublier de montrer sa place et son sens dans cet univers.
En réponse, nous avons montré que c’est par la complexité de la matière que cela est possible. Cette matière est à la fois élémentaire et totale. Par la complexité, la matière conduit aux atomes qui donnent place aux molécules. Ces dernières conduisent, à leur tour, à la cellule, grain naturel de la vie. En sus, nous avons relevé le problème de la place et du sens de la vie dans la nature en y répondant que la vie a une place centrale et, elle ne peut pas être vue comme épiphénomène. Quant au sens, nous avons montré que la vie commence avec les unicellulaires vers les pluricellulaires au sein desquels apparaissent les primates. C’est maintenant au milieu des primates qu’apparaît aussi l’homme qui fait entrer la biosphère dans une nouvelle dimension, celle de l’esprit ou la noosphère. Cela veut dire qu’avec l’homme, la conscience immature chez les autres êtres d’avant lui, devient mature.
CHAPITRE TROISIEME : L’HOMINISATION
III.0. INTRODUCTION
Après s’être évertué avec Teilhard de Chardin en montrant le mécanisme de l’avènement de la vie, la place et le sens de la vie dans l’univers, nous attestons cette fois-ci que l’avènement de l’homme, marque le début d’une nouvelle marche du mécanisme évolutif de l’univers. En fait, nous nous assignons, dans le présent chapitre, d’analyser la conscience comme une propriété évolutive qui diffère d’un être à l’autre. Nous fixerons la vocation de l’homme après son replacement dans la hiérarchie naturelle. Enfin, nous tenterons d’examiner l’Oméga comme point culminant de toute évolution.
III.1. LA CONSCIENCE
Le point de départ de notre travail nous a révélé que la marche suivie dans l’univers est ascensionnelle ou progressive. Cela pour dire, l’univers évolue. Comme nous le disions précédemment, la conscience est une intériorité de la matière. Ainsi, elle évolue vers la plus grande conscience. Pour cela, elle se manifeste comme une propriété cosmique de grandeur variable d’un être à l’autre. C’est pourquoi l’homme est le symbole de la conscience réfléchie. C’est dans cette optique qu’introduit Teilhard de Chardin la troisième partie du Phénomène humain en affirmant : « L’homme est le plus mystérieux et le plus déroutant des objets rencontrés par la science. C’est ainsi que la science ne lui a pas encore trouvé une place dans ses représentations de l’univers »[101]. En ce sens, certains mécanismes biologiques, physiques et anthropologiques estiment que la structure du corps humain et le portrait de tous ces mécanismes ne correspondent pas à la réalité.
Ainsi, récusant Descartes pour qui, seule la pensée est l’homme et l’animal est un automate, Teilhard de Chardin considère autrement l’homme, c’est-à-dire l’homme est matière et conscience. Cela étant, l’homme est une conscience consciente voilée de matière. Comme pour dire, la conscience se présente comme une sous intelligence chez les autres êtres en dehors de l’homme. La conscience animale par exemple est une conscience close dans ce sens où ce dernier reste fixé à la nature sans se soucier de transformer les impératifs de la vie cosmique. Le manque de souci pour la transformation des impératifs de la vie cosmique dévoile sans nul doute que la conscience animale apparaît une sous intelligence. A cet effet, examinons l’homme et l’animal.
III.2. L’HOMME ET L’ANIMAL
L’homme est, nous le savons, le dernier venu dans le monde. Selon Teilhard de Chardin, il est entré sans bruit : donc comme phénomène naturel, l’homme a un commencement et une fin, c’est-à-dire il naît, se développe, vieillit et meurt. Cela étant, André Bernard ne cessera de s’exclamer : « Le fait le plus patent c‘est que l’homme naît, se développe psychiquement et meurt, comme n’importe lequel des animaux »[102]. Ainsi, l’homme trouve son origine dans le règne animal. Il l’est non pas comme tout autre animal, mais autre que celui-ci.
L’homme est un animal dans ce sens qu’il éprouve les mêmes besoins que ce dernier. L’homme mange, vit et se reproduit. La capacité de reproduction insinue une différence, pour Morin, entre les vivants et les inertes. Pour cela, cette capacité de reproduction n’est autre, selon Morin, que l’autopoiese. A cette conviction de convergence entre l’homme et l’animal, il sied d’y recadrer André Bernard. Voilà pourquoi il note : « Au niveau supérieur se retrouve en nous les grands instincts qui régissent la vie et le comportement de l’animal : instinct de conservation et goût de vivre, instinct de nutrition, instinct sexuel »[103]. Sur cette lancée, d’aucuns n’ignorent que l’homme, comme l’animal, subit les influences cosmiques. Ici, les perturbations climatiques menacent l’homme au même titre que l’animal. Sans se lasser, André Bernard notera : « Comme tous les animaux, il (l’homme) est soumis aux influences cosmiques, …, il reste largement plongé dans les grands rythmes naturels du temps et de saisons »[104].
Nonobstant cette ressemblance naturelle entre l’homme et l’animal, il va sans noter que les deux diffèrent. Sur ce, l’homme n’est pas seulement différent de nature, mais autre que l’animal. Entre les deux, il y a un hiatus différentiel qui constitue un seuil infranchissable pour l’un d’eux, donc pour l’animal. Ce dernier se trouve intégré parfaitement dans la nature ou dans le milieu au risque de s’absorber en lui. C’est pourquoi son psychisme est défini par certains mécanismes vitaux tels que : l’instinct de vie, de défense, de reproduction et de sécurité. Ces mécanismes soulèvent son psychisme et entraînent son apparition comme fonction de la nature. L’animal est mû par la nature de sorte qu’aucune conscience, au sens strict du terme, ne se révèle capable de transformer les impératifs de la vie cosmique. Un tel psychisme est clos par le fait qu’il est déterminé par les finalités immanentes de la vie.
Quant à l’homme, bien que vivant dans le même monde et prolongeant ses racines d’origine dans le règne animal, il manifeste sa capacité de s’élever au-delà du psychisme clos. L’arrivée de l’homme entraine, comme nous l’avons montré au chapitre précédent, le changement d’état du monde. Voilà qui nous amène à penser qu’avec l’homme s’inaugure la noosphère.
III.3. LA REFLEXION, SINGULARITE DE LHOMME
Teilhard de Chardin a, dans ses efforts, consacré un œuvre particulière à la question de singularité de l’espèce humaine. Cette œuvre de grande envergure est intitulée « Apparition de l’homme ». Cela ne veut pas dire que dans le reste d’ouvrages de Teilhard de Chardin cette dimension n’apparaît pas. Dans l’Apparition de l’homme, Teilhard de Chardin se donne à situer spatialement et biogéogrphiquement l’apparition de l’homme à l’Eocène inférieur. Il démontre, pour ce faire, le mécanisme évolutif des primates à des diverses périodes et dans de différents sites de découvertes. Dans sa démonstration, Teilhard de Chardin opte pour l’Afrique entant qu’elle est le berceau de l’humanité. Cela implique son hébergement de plus vieux vestiges du premier Homme grâce à son climat et sa biogéographie favorables à la vie.
Pour Teilhard de Chardin, jusqu’à la fin de Pliocène la terre était encore très sauvage. Elle était sans moindre trace de ce que nous appelons civilisation et culture. Ces dernières sont produits particuliers de l’homme. Avec l’homme tout change. Ce changement apparaît parce que « l’homme non seulement « un être qui sait », mais « un être qui sait qu’il sait » »[105]. Soutenir que l’homme est un être qui sait qu’il sait n’exclut pas que l’animal ne sait pas, mais seulement il demeure dans l’ignorance d’être un sujet connaissant. C’est cela qui apparaît sous la plume teilhardienne en ces termes : « L’animal sait bien entendu. Mais certainement il ne sait pas qu’il sait : Autrement il aurait depuis longtemps multiplié des inventions et développé un système de constructions internes qui ne sauraient échapper à notre observation »[106].
Dans cette optique, il nous semble d’un grand devoir d’attester que l’affirmation de nombreux penseurs à la supériorité de l’homme sur l’animal tient lieu, pour André Bernard, par le fait que « L’espèce humaine a été la seule, entre toutes, non seulement à domestiquer les autres espèces, mais encore à se « domestiquer » elle-même »[107]. Comme chaque phylum se chargeait de psychisme, il tendait à se granuler. Ainsi, cela devient une valorisation croissante de l’animal. Mais quant à l’homme, le phénomène se précipite et prend définitivement figure, la cellule devient quelqu’un.
Pour André Bernard, l’homme, en toutes ses dimensions, se détache de l’animalité. Cela apparaît par son effort qu’il déploie pour dominer le monde et former un ensemble de relation. Voilà pourquoi, en préfaçant l’œuvre d’André Bernard, Mgr Tshibangu écrit : « L’homme est un être qui se détache de l’animalité pour devenir une « personne », faite d’une part pour dominer et maîtriser le cosmos, et d’autre part pour réaliser un tout « relationnel » ».[108] Avec cette affirmation, l’homme apparaît non seulement celui qui cherche à dominer le monde, mais aussi celui qui doit être en relation avec ses pairs pour bien dominer le monde. Quant à ce, voyons quelle est la vocation de l’homme.
III.4. LA VOCATION DE L’HOMME
L’hominisation constitue le caractère majeur par lequel l’Homo Sapiens a franchi le rubicon ou le seuil historique de l’évolution. Le dernier venu des êtres dans l’univers, l’homme diffère des autres espèces par sa vocation . L’Homo Sapiens se démontre une espèce différente des autres dans ce sens où il évolue en changeant l’image de l’univers. Il est différent des autres du fait qu’il ne quitte pas la scène comme ses prédécesseurs qui se sont relayés selon les périodes pour disparaître à tout jamais. Pour ce faire, toutes les espèces apparues avant lui sont restées en deçà du rubicon humain.
L’arrivée de l’Homo Sapiens inaugure une ère nouvelle pour toute l’évolution. Cela parce qu’il cherche toujours à maîtriser le monde. C’est pour cela qu’il se refuse à toute évolution identique à celle de toute autre espèce zoologique. Voilà qui constitue le pivot de la réflexion de Joseph Kalamba : « Le genre Homo refusa d’évoluer comme toute autre espèce zoologique qui doit croître et s’éteindre tôt ou tard pour disparaître du centre de la scène biosphérique et laisser place aux autres lignées éventuellement plus puissantes »[109].
Au besoin d’éclaircir cette vocation de l’homme, il nous semble utile de ventiler la recherche et l’organisation économico-technique qui sont les éléments de base pour la socialisation humaine.
III.4.1. L’HOMME ET LA RECHERCHE
La poursuite de l’évolution se manifeste par la recherche dans le pas de la réflexion alors que le pas d’invention collective, qui envahit le monde contemporain découvre la recherche dans l’hominisation. Si dans le temps jadis, les personnes étaient dépourvues de goût de recherche, dans la société actuelle, la recherche, surtout scientifique, devient une préoccupation ou activité essentielle pour l’humanité. C’est cela la réalité que Teilhard de Chardin nous présente quand il affirme : « La recherche intellectuelle aura cessé d’être une distraction dilettante, un goût d’amateur. Elle aura pris la dignité de fonction primordiale et collective. Pour l’humanité devenue consciente de son isolement dans le cosmos »[110].
De ce qui précède, il semble plausible que l’humanité, par souci de recherche, ne peut réussir dans l’hominisation en étant isolée. Pour cela, elle doit être unie, c’est-à-dire les hommes doivent se mettre ensemble en vue d’une efficace recherche intellectuelle. C’est à ce sujet que Teilhard de Chardin déclare : « Eprouvant plus distinctement en eux le besoin essentiel de savoir pour être plus, et découvrant en face d’eux des problèmes plus vastes, plus urgents, et mieux posés, les hommes se regrouperont enfin pour la recherche »[111].
Quant à ce, la socialisation est un mouvement essentiel dans l’œuvre teilhardienne. Les hommes ne peuvent jamais réussir en étant séparés. Ils doivent être toujours ensemble. La recherche se révèle une pierre précieuse selon que l’humanité en développe, pour comprendre et se comprendre, pour avoir et savoir afin de domestiquer ses conditions de vie, comme son cheval de combat. C’est ainsi que l’impact de cette recherche sur nos sociétés actuelles nous pousse à soutenir que nous sommes en train de passer de l’âge industriel à l’ère de la recherche sous toutes ses formes. Corroborant Teilhard de Chardin, Joseph Kalamba affirme : « Teilhard de Chardin voit ainsi dans l’activité scientifique de la recherche un véhicule culturel privilégié emprunté par ‘’l’évolution réfléchie’’ dans son bond vers une autre étape de sa croissance »[112].
Actuellement, la recherche est à la fois une solution et un problème pour l’homme. D’une part, elle est une solution parce qu’elle a permis à l’homme d’alléger certaines tâches qui étaient plus lourdes pour lui. Il s’agit par exemple des créations des robots, ordinateurs, et autres instruments exerçant rapidement divers travaux dans les différents domaines de la vie. D’autre part, la recherche devient un problème grave qui nécessite une résolution immédiate et adéquate dans le sens où toutes les inventions de l’homme le mettent en difficulté et le menacent à mort. Le cas échéant reste le réchauffement climatique, les perturbations de saisons, et certaines maladies comme le cancer, le coronavirus, et autres qui sont une conséquence de la recherche. Ces dégâts de la recherche deviennent inhérents à l’existence de l’homme dans l’univers. De ce fait, la question des inventions nous permet d’examiner de plus près l’organisation économico-technique.
III.4.2. L’ECONOMIE ET LA TECHNIQUE
L’organisation économico-technique est la manière par laquelle l’espèce humaine se reproduit de nouveau. L’organisation intelligente de son espace de vie, l’économie de ses ressources de vie, la disposition d’un arrangement social et animal des grains de pensée entre eux dans la multiplication et la comprimation de la masse humaine étoffent cette reproduction nouvelle de l’humanité.
Pour Teilhard de Chardin, la technique apparaît sous deux aspects. Elle est d’une part, un moyen ou phase instrumentale dans la marche de la cosmogénèse vers un rebondissement nouveau. D’autre part, elle est le moteur de l’Evolution noosphérique vers sa totalisation. C’est pourquoi dans la considération du rapport ontologique de la technique au cœur de la noosphère, l’auteur du Phénomène humain regarde la technique comme une suite naturelle de l’Evolution générale de la matière vivante dans sa quête d’unification avec elle-même. Cela lui permet de ne pas regarder la technique comme une simple juxtaposition de la biogénèse.
Nonobstant les multiples inventions qui décrivent bel et bien sa vocation, l’homme reste, dans la plupart de temps, insatisfait. Son insatisfaction contribue non seulement à l’évolution de la recherche, mais aussi à l’harmonisation de cette dernière. Cependant, l’évolution et l’harmonisation de la recherche ne parviennent pas à dissiper cette insatisfaction. Ainsi, nous pouvons, avec Teilhard de Chardin, accepter que « l’anthropogénèse n’est pas close »[113]. En fait, nous voudrions soutenir par-là que l’humanité progresse ou avance toujours. Admettre que l’anthropogenèse n’est pas close, c’est admettre qu’elle débouche quelque part. Voilà pourquoi l’homme est un être qui converge. En ce sens, l’homme veut trouver satisfaction dans sa convergence.
C’est à ce niveau que nous avons essayé de balbutier dans la problématique en soutenant que l’évolution trouve son point culminant dans l’homme mais ne s’arrête pas en lui. Etant le but poursuivi par l’univers dans son évolution, l’homme atteint, converge avec cet univers vers un point où tout culmine et trouve satisfaction. C’est pourquoi Teilhard de Chardin a raison quand il déclare : « L’homme, non pas centre statique du monde comme il s’est cru longtemps ; mais axe et flèche de l’évolution, ce qui est plus beau »[114]. Si l’homme est axe et flèche de l’évolution, il nous est obligatoire d’examiner où il va.
III.5. LE POINT OMEGA
Le Point-Oméga est un concept dynamique créé par Pierre Teilhard de Chardin. Pour lui, Oméga représente le point culminant du développement de la complexité et de la conscience vers lequel se dirige l’univers. Comme l’univers est en constante évolution vers les plus hauts degrés de complexité et de conscience, l’Oméga devient la cause et l’aboutissement de l’évolution, donc l’Oméga est transcendant. Pour cela, il doit être personnel et doit toujours exister, il doit être indépendant et irréversible.
Par le regroupement des hommes en vue de la recherche, l’ère scientifique s’ouvre dans le monde. Cette ère est d’ores et déjà imprégnée de mystique pour en animer sans la diriger. Elle devient alors chassée par la logique de l’effort et le secret dynamique de la matière vers les espérances universelles. L’Oméga est extra-phénoménal, c’est-à-dire il est au-delà du temps et de l’espace et représente le Christ ressuscité. De ce fait, il perçoit l’absurdité qu’il y a dans la considération de l’œuvre humaine sans lendemain. Voilà pourquoi Teilhard de Chardin note : « Percevant, avec une clarté impitoyable, l’absurdité qu’il y aurait à poursuivre une œuvre humaine sans lendemain, la fraction montante de l’humanité s’absorbera toujours davantage dans la poursuite et l’attente d’un Dieu »[115]. Ainsi, dans le complexe Dieu et Monde, « Le rêve de toute mystique, l’éternel songe panthéiste, auront trouvé leur pleine et légitime satisfaction. « Erit in Omnibus Omnia Deus » »[116].
III.6. OBSERVATIONS CRITIQUES
En suivant de plus près la pensée de Teilhard de Chardin, nous nous réalisons qu’elle contient une couche volumineuse dans la science contemporaine. Cela n’exclut pas qu’elle puisse présenter certaines faiblesses aux yeux des penseurs contemporains.
III.6.1. OBSERVATIONS POSITIVES
La pensée de Teilhard de Chardin est traversée de part en part par les mots cosmogénèse, convergence, hominisation, christogénèse, etc. Cette pensée se présente comme un édifice à étages. Pour cela, elle comporte une physique axée autour du phénomène et de la loi de la complexité-conscience ; elle est à la fois une énergétique et une métaphysique. Au sujet de l’action, l’auteur du Phénomène humain veut montrer le passage de l’humain au point Oméga, c’est-à-dire l’émersion hors le cercle phénoménal. Enfin, la notion du Christ humanisateur ou évoluteur, donc la mystique. C’est pourquoi les thèmes majeurs de sa pensée restent : le cosmique, l’humain et le christique.
La cosmologie teilhardienne est une vision qui pose le principe de la consistance du monde. L’évolution produit des merveilles. Les gâchis et les monstruosités sont les déchets du mouvement évolutif. Voilà pourquoi Teilhard de Chardin distingue la matière élémentaire et la matière totale. Quant à la matière morte, elle retombe du mouvement synthétique de la matière total. Cela révèle que la matière regorge en elle une énergie qui l’organise. C’est pourquoi l’étoffe de l’univers est indivisible. A cet effet, Teilhard de Chardin note: « Dieu laisse les choses se faire. Dieu ne fait pas les choses. S’il les fait, mais il les fait se faire »[117]. Teilhard de Chardin a réconcilié la science évolutionniste avec le christianisme en substituant l’optimisme progressif au pessimisme statique. Il a aussi réconcilié l’homme moderne avec lui-même et avec le christianisme.
Dans la cosmologie teilhardienne, la nature n’est pas vagabonde, c’est-à-dire sans pairs ni père comme chez Morin, mais elle dérive de la complexité-conscience. Dans cette cosmogénèse la conscience non consciente évolue vers la conscience consciente, c’est-à-dire la biosphère tend à atteindre son but qu’est la noosphère. L‘humanité monte vers son point d’unification. L’avènement de la vie ne peut jamais se répéter dans les mêmes conditions chimico-physiques. Cela est une singularité de la vie. Ici, Teilhard de Chardin est convaincu que l’univers ne peut pas échouer, mais il devait de gré ou de force atteindre son but qu’est l’homme. Voilà pourquoi il affirme : « Je ne puis admettre que l’univers échoue »[118].
Pour Teilhard de Chardin, l’homme n’est pas un élément indésiré de l’Evolution, mais il est l’élément mystérieux et déroutant que la science a dû rencontrer. L’homme devient axe et flèche de l’évolution.
Il est maintenant utile de savoir que Teilhard de Chardin était profondément Jésuite. Dans ses écrits, il a prouvé sa fidélité à l’Eglise. Cependant, il a été mal compris. C’est ainsi qu’il a eu des problèmes avec le Saint Office qui le mit dans l’interdiction de ne pas publier. Malgré toutes ces épreuves, Teilhard de Chardin est resté fidèle envers l’Eglise car il avait l’amour profond du Christ-Evoluteur. Teilhard de Chardin est à la fois fils de la terre et du ciel. Il a unifié l’Amour du monde et l’Amour divin qui demande de traverser le cosmos pour l’atteindre. Heureusement l’interdiction du Saint Office portait sur la publication et non sur l’écriture. C’est pourquoi Teilhard de Chardin, pendant l’interdiction du Saint Office, écrivait toujours car il était convaincu qu’il serait compris même sans lui. Ainsi, il écrit : « Je ne serai vraiment compris que lorsque je serai dépassé »[119].
III.6.2. OBSERVATIONS NEGATIVES
Admettre l’évolution et surtout dans la série phénoménale, c’est admettre l’apparition des nouvelles formes et propriétés vivantes. Cependant, dans son langage, Teilhard de Chardin soutient la thèse du déjà là des propriétés, c’est-à-dire l’émergence semble être l’éclosion de ce qui était déjà présent dans la matière ou dans la graine primitive. C’est pourquoi Joseph Kalamba, son grand admirateur, ne cesse de lui reprocher quand il écrit : « Il nous semble que Teilhard est resté prisonnier du principe philosophique élaboré autrefois par l’éléatisme pour expliquer la nature de toute nouveauté dans le devenir du monde « ce qui était déjà là » »[120].
Quand il y a évolution, il y a toujours quelque chose du nouveau qui entre en jeu ou apparaît. La nouveauté est l’apparition de ce qui n’a pas existé précédemment ou dans le moment antérieur. Cependant, la croyance que Teilhard de Chardin affiche en pensant que ce qui apparaît était déjà caché, efface l’évolution parce qu’il n’y a pas possibilité à croire que ce qui était déjà là soit nouveau. De ce fait, Teilhard de Chardin apparaît réductionniste du point de vue méthode.
En plus, Teilhard de Chardin essaie d’examiner le transformisme de Darwin. Il tente d’expliquer comment une espèce se transforme en une autre. Mais il n’en donne pas des explications claires et fiables. Cela le caractérise lorsqu’il aborde la question des atomes sans en donner un éclaircissement profond car il n’était pas chimiste.
CONCLUSION
Au terme de ce troisième chapitre, il nous est d’un grand devoir de donner une synthèse avant de nous atteler à résumer toute la monographie.
Tout au long de notre marche dans cette partie, nous avons essayé d’éplucher la conscience en tant qu’elle est une intériorité de la matière et une propriété évolutive qui diffère d’un être à l’autre. Cela nous a amené à la ressemblance entre l’homme et l’animal. Cependant, l’homme, en dépit de cette ressemblance, s’est montré différent de l’animal par son souci de dominer le monde et de se socialiser. De ce fait, la recherche et l’organisation économico-technique ont été éclaircies pour confirmer la vocation de l’homme. Se révélant insatisfait dans sa vocation, l’homme espère en un être supérieur à lui pour trouver satisfaction. C’est cela qui nous a permis d’esquisser le Point Oméga qui, étant extra-phénoménal, représente le Christ ressuscité qui attire tout.
CONCLUSION GENERALE
La condition, pour tout phénomène naturel, est qu’il ait un commencement dans l’ensemble des choses, c’est-à-dire le phénomène naturel a un commencement et une fin dans l’ensemble des choses, affirme Teilhard de Chardin. Ainsi, notre travail s’inscrit dans cette logique dans ce sens où il a eu un début et maintenant une pose s’impose. C’est pourquoi nous nous attelons à conclure ce travail dans son ensemble.
Au premier étage, notre travail a consisté à faciliter la lecture bénéfique de l’œuvre teilhardienne. Voilà pourquoi nous avons pris l’autorité d’expliquer le teilhardisme qui se centralise sur la cosmogénèse au lieu d’une vision du cosmos statique. Cette cosmogénèse est d’ores et déjà convergente. Pour cela, le teilhardisme rejette toute vision divergente telle que soutenue par certains penseurs comme Bergson. En sa qualité d’un bon lecteur, Teilhard de Chardin a subi une énorme influence qui lui a permis d’élaborer les thèmes majeurs de sa propre pensée. Il faut, ici, admettre l’influence de Maurice Blondel et Henri Bergson
Quant au deuxième étage, notre effort s’est voulu utile dans ce sens qu’il s’est donné à répondre à la question du comment la vie a surgi dans l’univers. Sur ce, nous avons montré que c’est par la complexité de la matière que se rend possible l’apparition du phénomène biologique qui ne saurait se répéter dans les mêmes conditions chimico-physiques. La complexité conduit la matière à l’atomisation que nous avons appelé la granulation de la matière et à la moléculisation qui est un tout d’atomes. Au-delà de cette moléculisation, la complexité nous amène aux êtres unicellulaires qui laissent place aux pluricellulaires au sommet desquels se trouve l’homme pensant. Ce dernier trouve son origine dans la brique primatique, laquelle se situe spatialement et biogéograhiquement, selon Teilhard de Chardin, à l’Eocène inférieur.
De ce fait, le troisième étage nous a facilité de voir comment la conscience est une propriété évolutive qui change de grandeur d’un être à l’autre. Par la différence des consciences entre les êtres, l’homme s’est découvert supérieur aux autres espèces par la réflexion. C’est pourquoi il a manifesté le souci de changer le monde par la recherche et la technique en se socialisant. Malgré cela, l’homme éprouve toujours une inlassable insatisfaction. C’est ainsi qu’il espère en un être transcendant pour pallier à son insatisfaction. Cet être transcendant constitue le terme unificatif de l’humanité tout entière. Ce terme n’est rien d’autre que le Christ ressuscité que Teilhard de Chardin appelle : « Point Oméga ».
BIBLIOGRAPHIE
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TABLE DE MATIERES
EPIGRAPHE..………………………………………………………………………………… I
DEDICACE ……………..…………………………………………………………………… II
IN MEMORIAM ………………….………………………………………………………… III
AVANT-PROPOS ………………………………………………………………………….. IV
0.3. CHOIX ET INTERET DU TRAVAIL. 2
0.4. METHODE ET DIVISION DU TRAVAIL. 3
CHAPITRE I : DOCTRINE TEILHARDIENNE. 4
I.2. L’EVOLUTIONNISME TEILHARDIEN.. 9
I.4. LES EMPREINTES EXOGENES. 12
I.4.1. HEREDITE FAMILIALE ET COLLEGIALE.. 12
I.4.4. EMPREINTES SOCIO-SCIENTIFIQUES. 14
1.4.5. EMPREINTES AMICO-LECTORALES. 14
CHAPITRE II. DE LA GENESE PREBIOTIQUE A L’HUMAIN.. 18
II.1.1.1. LA MATIERE ELEMENTAIRE………………………………………….……19
II.1.1.2. LA MATIERE TOTALE…………………………………………….…….……21
II.1.2. CONVERGENCE DE LA MATIERE.. 22
II.2. LA COMPLEXITE DE LA MATIERE. 26
II.2.1. LA GRANULATION DE LA MATIERE.. 28
II.2.2. LA MOLECULE : UN TOUT D’ATOMES. 29
II.3. LA VISION EPIPHENOMENIQUE DE LA VIE. 30
II.4.1. LES ETRES UNICELLULAIRES. 33
II.4.2. LES ETRES POLYCELLULAIRES. 34
CHAPITRE III. L’HOMINISATION.. 37
III.2. L’HOMME ET L’ANIMAL. 38
III.3. LA REFLEXION, SINGULARITE DE LHOMME. 39
III.4. LA VOCATION DE L’HOMME. 40
III.4.1. L’HOMME ET LA RECHERCHE.. 41
III.4.2. L’ECONOMIE ET LA TECHNIQUE.. 42
III.6. OBSERVATIONS CRITIQUES. 43
III.6.1. OBSERVATIONS POSITIVES. 44
III.6.2. OBSERVATIONS NEGATIVES. 45
1 P. TEILHARD DE CHARDIN est un philosophe, paléontologiste français né le 1er mai 1881 à Sarcenat près d’Orcines, localité située à 7km à l’Ouest de Clermont-Ferrand. Quatrième parmi onze enfants, il devint prêtre à 30 ans d’âge en 1911 et mourut un certain 10 Avril 1955 à New York, un jour pascal. Il est auteur d’une œuvre abondante dont : – Le phénomène humain (1955), Place de l’homme dans la nature (1956) ; L’avenir de l’homme (1959) ; Mon univers (1965) ; Sur le bonheur (1966); Hymne de l’univers (1967) ; Apparition de l’homme (1956) ; …
[2]N. BONNET, Immanence et Transcendance chez Teilhard De Chardin, dans Archives de philosophie 47 (1984), p.598.
[3] D. HUISMAN, Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F., 1984,1774.
[4]Encyclopaedia Universalis, vol.15, Paris, P.U.F., 1974, p.884.
[5]C. CUENOT, Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1962, p.87.
[6]Ibidem, p.71.
[7] C. CUENOT, O.C., p.16.
[8]Ibidem, p.76.
[9] P. TEILHARD DE CHARDIN, Phénomène humain, Paris, Seuil, 1955, p. 259.
[10]C. CUENOT, O.C., p.87.
[11]Ibidem, p.88.
[12]C. CUENOT, O.C., p.88.
[13]Ibidem, p.89.
[14]P. TEILHARD DE CHARDIN, O.C., p.169.
[15]E. RIDEAU, La pensée du père Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1965, p.111.
[16]P. TEILHARD DE CHARDIN, O.C., p.24.
[17]J. MBITI, Religions et philosophies africaines, Yaoundé, Clé, 1972, p.25.
[18] P. TEILHARD DE CHARDIN, L’hymne de l’univers, Paris, Seuil, 1961, p.33.
[19]Id., L’avenir de l’homme, Paris, Seuil, 1959, p. 23.
[20]Ibidem, p.23.
[21]Ibidem
[22]H. BERGSON, L’évolution créatrice, Paris, P.U.F., 1958, p.105.
[23] C.CUENOT, Teilhard de Chardin, p.71.
[24] P. TEILHARD DE CHARDIN, Mon univers, Paris, Seuil, 1965, p.116.
[25]Ibidem
[26]C. CUENOT, Pierre Teilhard de Chardin. Les grandes étapes de son évolution, Paris, Seuil, 1958, p.51.
[27]TEILHARD DE CHARDIN cité par CUENOT, Pierre Teilhard de Chardin. Les grandes étapes de son évolution, Paris, Plon, 1958, p.11.
[28]C. CUENOT, O.C, p.14.
[29]Ibidem., p.11.
[30]Id., Pierre Teilhard de Chardin. Les grandes étapes de son évolution, Paris, Plon, p.26.
[31]Ibidem., p.27.
[32]C.CUENOT, Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1962, p.21.
[33]Ibidem., p.40.
[34]P. TEILHARD DE CHARDIN, Mon univers, Paris, Seuil, 1965, p.117.
[35]C. CUENOT, O.C., 1958, p.21.
[36]Id., Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1962, p.12.
[37]Id., Pierre Teilhard de Chardin. Les grandes étapes de son évolution, Paris, Plon, 1958, p. 50.
[38]Id., O.C., 1958, p.51.
[39]E. MORIN, La méthode 5. L’humanité de l’humanité, Paris, seuil, 2001, p.22.
[40]C.CUENOT, O.C., p.52.
[41] P. TEILHARD DE CHARDIN cité par CUENOT, O.C., p.55-56.
[42] Ibidem.
[43]Encyclopaedia Universalis, Paris, P.U.F, 1974, p.844. Col.1.
[44] M. BARTELEMY-MADAULE, Fonction et vocation de la matière dans la phénoménologie teilhardienne, dans Archives de philosophie 45(1982), p.359.
[45] P. TEILHARD DE CHARDIN, L’hymne de l’univers, Paris, Seuil, 1961, pp. 93-115.
[46] H. CUNY, Albert Einstein et la relativité, Paris, Senghers, 1961, p. 117.
[47] P. TEILHARD DE CHARDIN, Phénomène humain, Paris, Seuil, 1955, p.28.
[48]Ibidem, p.29.
[49] Ibidem, p.30.
[50] H. CUNY, O.C., p.69.
[51] C. CUENOT, Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, 1962, p.79.
[52] M. BARTELEMY-MADAULE, O.C., p.358.
[53] P. TEILHARD DE CHARDIN, O.C., p.33.
[54]Ibidem, p.32.
[55]Ibidem
[56] Ibidem, p.35.
[57] Ibidem, p.218.
[58] Ibidem, p.219.
[59] Ibidem,p.36.
[60] H. CUNY, O.C., p.71.
[61] H. CUNY, O.C., p.71.
[62]P. TEILHARD DE CHARDIN, O.C.,p.35.
[63] H. CUNY, O.C., p.119.
[64] Id., l’avenir de l’homme, Paris, Seuil, 1959, p.165.
[65]Id., O.C., p.41.
[66]C. CUENOT, O.C., p.82.
[67] M. BARTHELEMY-MADAULE, O.C, p.360.
[68]P.TEIHARD DE CHARDIN, L’apparition de l’homme, Paris, Seuil, 1956, p.80.
[69]Ibidem, p.54.
[70] J. KALAMBA MUTANGA, Emergence et nature du phénomène humain dans le paradigme scientifique de l’évolution d’après Edgar MORIN et TEILHARD DE CHARDIN. Essai critique d’anthropologie fondamentale, Kinshasa-Munich, P.U.A., 1993, p.84.
[71] H. CUNY, O.C., p.119.
[72] J-H. ILUNGA et A. KABADILE, Réflexion sur l’origine de la vie selon Christian de Duve, dans Revue des cultures africaines. Linguistique africaine, philosophie et droit : quelques questions pendantes Vol.1(2018), CREDILLAF, p173.
[73] Ibidem, p.173.
[74] P.TEILHARD DE CHARDIN, O. C., p.141.
[75] DANTEC cité par J. ROSTAND, L’homme, Paris, Gallimard, 1964, p.121.
[76]P. TEILHARD DE CHARDIN, O. C., p.38.
[77]Ibidem, p.39-40.
[78]Ibidem
[79] Id., Laplace de l’homme dans la nature, Paris, Seuil, 1956, p.40.
[80]Ibidem,p.41.
[81]Ibidem
[82]Ibidem,p.40.
[83]Ibidem, p.42.
[84] N. BONNET, O.C., p.602.
[85]Id., Phénomène humain, Paris, Seuil, 1955,p.64.
[86] P. TEILHARD DE CHARDIN, Mon univers, Paris, Seuil, 19 , p.114.
[87]Id., La place de l’homme dans la nature, Paris, Seuil, 1956, p.25.
[88]Id., L’avenir de l’homme, Paris, Seuil, 1959, p.277.
[89] H. ARENDT, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p.70.
[90] H. JONAS, Le principe responsabilité, Paris, Cerf, 1990, p.40.
[91]Ibidem.
[92] P. TEILHARD DE CHARDIN, O.C., p.283.
[93]Id., La place de l’homme dans la nature, Paris, Seuil, 1956, p.61.
[94] Ibidem
[95]Ibidem, p.62.
[96]Ibidem, p.63.
[97]Ibidem, p.65.
[98]Id., O.C., p.65.
[99]Ibidem, p.66.
[100] N. BONNET, O.C., p. 604.
[101] P. TEILHARD DE CHARDIN, O. C., p. 159.
[102] A. BERNARD, O. C., p. 25.
[103]Ibidem.
[104]Ibidem.
[105] P. TEILHARD, Apparition de l’homme, Paris, Seuil, 1956, p. 314.
[106] Id., O. C., p. 161.
[107] A. BERNARD, O. C., p. 26.
[108]Ibidem.
[109] J. KALAMBA MUTANGA, O. C., p. 121.
[110] P. TEILHARD DE CHARDIN, Mon Univers, Paris, Seuil, 1965, p. 119.
[111]Ibidem.
[112] J. KALAMBA MUTANGA, O.C., p. 116.
[113] P. TEILHARD, O. C., p. 173.
[114] P. TEILHARD, Phénomène humain, Paris, Seuil, p. 24.
[115]Id., Mon Univers, Paris, Seuil, 1965, p. 120.
[116]Ibidem, p.125.
[117] P. TEILHAERD Cité par J. KALAMBA MUTANGA, O. C., p.164-165.
[118] P. TEILHARD, O. C., p. 17.
[119] P. TEILHARD DE CHARDIN Cité par J. KALAMBA MUTANGA, O. C., p. 180.
[120]Ibidem, p. 181.