Place de la femme sur le marché du travail

RDC : La place de la Femme sur le marché du travail

Même si certains groupes sociaux continuent de considérer que la place de la femme serait « à la cuisine », n’empêche que cette façon de voir les choses devient surannée. De nos jours, la place de la femme dans la société a connu une grande évolution. Qu’il s’agisse des droits politiques, individuels et sociaux, économiques ou même au niveau de la famille, la place et le rôle de la femme ont fortement évolué. Si une certaine opinion en Afrique ou au Congo, pour des raisons idéologiques ou religieuses, ne jure que par l’exclusion de la femme de toute activité autre que les activités ménagères, les économistes ont un avis tout à fait contraire sur cette question et prônent l’égalité des deux sexes dans le marché du travail.

D’après le Rapport « les femmes, l’entreprise et le droit 2023 » de la banque mondiale, si on comblait l’écart entre les sexes dans le marché de l’emploi, le Produit Intérieur Brut par habitant (PIB/Hab) pourrait augmenter à long terme de près de 20 % en moyenne. En outre, toujours d’après le même Rapport de la banque mondiale, entre 5 000 et 6 000 milliards de dollars les gains économiques mondiaux qui pourraient être obtenus si les femmes créaient et développaient de nouvelles entreprises au même rythme que les hommes. Pourtant, à ce jour dans le marché du travail les femmes ne jouissent encore que de près de trois quarts des droits juridiques et près de 2,4 milliards de femmes en âge de travailler n’ont toujours pas les mêmes droits juridiques que les hommes alors que les évidences scientifiques attestent comme énoncé ci-haut que la réduction de certaines formes d’inégalité entre les sexes, surtout dans le domaine de l’éducation et de l’emploi peut favoriser la croissance économique.

En RDC, d’après l’étude de Hyland, Islam et Muzi 2020, le travail des femmes se concentre plus dans les secteurs informels et dans l’agriculture alors que dans des postes salariés ou rémunérés occupés par les femmes représentent 10,5 % des emplois en 2019. D’après les données les plus récentes à notre disposition portant sur les emplois formels en RDC, les postes occupés par les femmes représentent 14 % du total contre 86 % pour ceux occupés par les hommes.  D’après l’étude de Aletheia Amalia Donaldhelena Hwangverena Phipps, en RDC les femmes ont 8,2 % moins de chance de travailler que les hommes et les écarts en termes de rémunération sont de plus en plus prononcés entre hommes et femmes ; les salaires des femmes sont inférieurs de 77,3 % à ceux des hommes, et les bénéfices (profits) des entreprises dirigées par les femmes sont plus faibles de 66,5 % que ceux générés par les entreprises dirigées par les hommes.

En termes de causes, bien qu’il existe des facteurs sociologiques qui favorisent ces inégalités, plusieurs autres facteurs favorisent ces inégalités en RDC. Il peut s’agir de facteurs juridiques ou économiques. Au niveau juridique il faut relever que le Code de la famille de 1987 comportait plusieurs restrictions aux droits de la femme, ces restrictions constituaient une barrière au processus de réduction des inégalités entre les sexes. Il s’agit principalement des restrictions sur la mobilité (Art 454), sur le travail et l’entreprenariat (Art 448), sur le mariage (Art 444) et sur les actifs (Art 490). Les organisations de la société civile qui défendent l’égalité des sexes ; le gouvernement ainsi que les partenaires internationaux ont pendant près de 20 ans fait valoir les avantages économiques de la suppression des dispositions qui favorisaient les inégalités et ont obtenu du législateur en 2016 une réforme de ces dispositions du code de la famille, bien que cette réforme demeure à ce jour peu ou pas connue.

Au niveau économique, des facteurs tel que le nombre de personnes à charge exercent un effet considérable sur les inégalités dans le marché du travail. En RDC, d’après les données de l’enquête MICS, la taille moyenne des ménages est de 5,2 personnes, elle exerce une influence sur le volume de tâches ménagères. En effet, dans plusieurs pays africains comme en RDC, le poids des tâches ménagères repose principalement sur les femmes, avec pour effet la faible participation de celles-ci au marché du travail pourtant, d’après une étude de Ostry et al., 2018, « les hommes et les femmes sont complémentaires au travail, car ils ont des compétences et des points de vue différents, notamment une façon différente d’envisager le risque et la collaboration ». D’après la même étude, « la participation accrue des femmes profite aussi aux hommes » du fait que les compétences apportées par les femmes augmentent la productivité, et impliquent des répercussions positives sur l’ensemble des salaires. Toutes ces barrières impliquent la persistance des inégalités entre les sexes en RDC dans le marché du travail et entravent le chemin vers une croissance économique inclusive.

Ces évidences démontrent qu’en ce 21ème siècle, la meilleure place de la femme n’est pas la cuisine comme simple ménagère. En fait, plus il y aura des femmes à l’école, dans les activités professionnelles, plus la productivité augmentera et permettra d’assurer une croissance économique plus inclusive et contribuera au bien-être. Il s’avère important que les dispositions juridiques favorables à la réduction des inégalités entre les sexes soient davantage renforcées, vulgarisés et surtout appliquées et que les barrières économiques soient réduites, voire éliminées. De même, les considérations idéologiques défavorables à l’émancipation de la femme devraient être dénoncées et réprimées.

 

Références :

  1. Articles consultés

 

  1. Kalb, Guyonne. 2009. “Children, Labour Supply and Child Care: Challenges for Empirical Analysis.” Australian Economic Review 42 (3): 276–99.
  2. Hsieh, E. Hurst, C. Jones and P. Klenow, “ The Allocation of Talent and US Economic Growth”, National Bureau of Economic Research, janvier 2013.
  3. Xiaodong, R. Breunig, and Anthony King. 2010. “How Responsive Is Female Labour Supply to Child Care Costs? New Australian Estimates.” IZA Discussion Paper 5119, Institute for the Study of Labor;
  4. Baxter, D. Smart, “Fathering in Australia among couple families with young children “, Canberra, Department of Families, Housing, Community Services and Indigenous Affairs, Gouvernement australien, 2010.
  5. Michael, “Effects of Child Care Prices on Women’s Labor Force Participation in Russia.” Policy Research Report on Gender and Development Working Paper 10, World Bank, Washington, DC.
  6. Thévenon, A. Salvi del Pero “Gender Equality (F)or Economic Growth ? Effects of Reducing the Gender Gap in Education on Economic Growth in OECD Countries “, Annals of Economics and Statisticsn° 117-118, juin 2015.
  7. Adema, OThévenon, “L’égalité hommes-femmes comme facteur de croissance économique : que peuvent les politiques? “,  Géoéconomie2016/2 (N° 79), pages 141 à 163

 

  1. Sites webs Consultés
  2. https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/5a67469f-cf85-5ee9-a96b-cc4e93b5b0fc
  3. https://idl-bnc-idrc.dspacedirect.org/bitstream/handle/10625/57286/IDL-57286.pdf
  4. https://unstats.un.org/sdgs/gender-snapshot/2022/GenderSnapshot_2022_FR.pdf
  5. worldbank.org

 

Caleb Bonyi MUKADI MUKANDILA, économiste.