LA DÉSHUMANISATION DU TRAVAIL EN MILIEU INDUSTRIEL

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

GRAND SEMINAIRE INTERDIOCESAIN DU KASAYI

PHILOSOPHICUM SAINT FRANÇOIS-XAVIER DE MBUJIMAYI

B.P. 187

xavierlukelenge1962@gmail.com

 

 

 

LA DÉSHUMANISATION DU TRAVAIL EN MILIEU INDUSTRIEL

Par

 

MUTOMBO KABANGU Mardochée

 

Travail présenté à la fin du premier cycle de philosophie

 

 

Directeur : Abbé Raphael DILA

Professeur Associé

 

 

 

ANNEE ACADEMIQUE 2021-2022

 

ÉPIGRAPHE

 

*Pour consommer, il faut d’abord produire, et pour produire il faut travailler.

Simone WEIL

 

DÉDICACE

 

C’est à vous mes plus aimables chers parents que je dédie ce présent travail. À vous Papa Oscar KABANGU MUKADI qui avez passé presque la moitié de votre vie dans ce travail pénible d’usine pour notre bonheur.  À vous Maman Rosalie MADILUABU NYANDYE pour vos peines,sacrifices et surtout vos prières dès notre conception jusqu’à ce jour.

 

 AVANT PROPOS

 Nous voici arrivés au terme de ce premier cycle de formation en philosophie. Le cycle au cours duquel nous avons reçu un consistant bagage académique qui nous a permis de rédiger cette monographie. Rédiger cette monographie fut une aventure extrêmement intense et profondément riche. Cette dernière n’aurait pas pu arriver à son accouchement sans les conseils, la direction, les soutiens, les encouragements d’un grand nombre de personnes. Qu’il nous soit permis de bien pouvoir leur adresser nos remerciements.

Nous sommes très reconnaissant envers le Seigneur, créateur de l’homme et du travail pour le souffle de vie que nous tenons de lui ; le don précieux de l’intelligence. Par sa grâce et sa miséricorde, nous sommes arrivés au terme de ce cycle.

Nous sommes de même reconnaissant envers le père de notre famille diocésaine de MBUJIMAYI son Excellence Monseigneur Emmanuel Bernard KASANDA MULENGA pour nous avoir admis dans le collège de ses séminaristes. Nos remerciements s’en vont de façon particulière à nos très chers parents Papa Oscar KABANGU et Maman Rosalie MADILUABU pour le grand amour qu’ils  ne cessent de nous prouver.  Sans  oublier tous frères et sœurs ainsi que tous les membres de la grande famille.

Nous sommes reconnaissant également à monsieur l’abbé Odon ILUNGA notre père recteur pour la formation intégrale reçue dans toute la rigueur et tout l’amour paternel. Avec lui nous remercions toute l’équipe des formateurs ainsi que tout le corps professoral.

Nous remercions monsieur l’abbé Raphaël DILA, pour la direction de cette monographie et surtout pour ses conseils académiques. Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à tous ceux que nous avons rencontrés sur notre chemin. Gratitude spécifiée à tous ceux, jeunes et adultes, hommes et femmes, dont le contact et la communication ont exercé une influence positive sur nous. Même à leur insu.

 

0. INTRODUCTION GÉNÉRALE

0.1. PROBLÉMATIQUE

La grande préoccupation de la période contemporaine était et continue à être le développement de la société. Par ce fait, beaucoup sont d’avis que le principal facteur ou le moteur du développement est et restera le travail. Ce qui n’est pas faux étant donné que le travail est l’activité la plus humaine, l’essence de l’homme, la manière la plus haute pour l’homme de s’opposer à la nature, de s’exprimer et de transformer le monde. Partant  de ce point de vue général, Simone Weil[1] constate que ce travail préconisé par tout le monde pour le développement de la société n’est pas exécuté par des bêtes mais plutôt par des hommes. De ce fait même, Weil tourne ses réflexions sur la condition des travailleurs. Le problème que pose Simone WEIL est de comprendre à quelles conditions le travail ouvrier peut cesser d’être servile. C’est ainsi que notre problématique se pose en ce sens : quelles sont les conditions des travailleurs ou des ouvriers ?  Puisque la société tend à être industrialisée, comment est le travail de l’homme avec la machine ou mieux comment est réalisé le travail en usine ? Qu’est-ce qui doit être fait pour rendre décent le travail dans les industries ou les usines ?  Avant que ne soit présentée l’hypothèse de ce travail, qu’il nous soit permis de signaler que nous nous sommes servi de la pensée de Simone WEIL qui nous montre comment fut réalisé le travail dans la France du vingtième siècle.

0.2. HYPOTHÈSE DE TRAVAIL

Puisqu’il nous faut présenter la condition des travailleurs, bien avant tout, nous reconnaissons que le travail est le facteur principal du développement, il est la source de toutes richesses et du maintien de l’homme dans la société. C’est par le travail que l’homme arrive à sa transformation ainsi que celle du monde. Cependant, le travail tel qu’il est exercé actuellement, n’est pas pleinement satisfaisant et ne correspond pas à l’idéal. Nous sommes aujourd’hui face à un travail défiguré, malade. Un travail dans lequel la dignité de l’homme n’est plus respectée.

Du point de vue général, il est bien certain que notre actuelle société est en voie d’industrialisation. Avec l’évolution de la technologie, l’homme moderne se sert de la technique pour alléger toutes ses tâches. Nous constatons que les usines aujourd’hui sont bien remplies des machines. Il est évident que la machine allège la tâche de l’homme au travail, elle permet une grande production dans les usines. Le mal est de voir qu’avec la présence des machines, le chef d’usine souciant d’une grande production, veut que le travail de l’homme soit pareil à celui de la machine. Oubliant que la machine est automatique et l’homme ne l’est pas. L’homme a des faiblesses, des maladies, il éprouve le besoin de se reposer.

Puisque c’est un être humain, il a avant tout droit à la dignité. L’homme n’est pas à comparer à une machine. Les travailleurs ne doivent pas être traités comme une simple masse salariale. Le nombre d’heures au travail doivent être bien mesurées pour assurer le repos et la détente à l’homme puisque ces deux éléments lui sont nécessaires pour son épanouissement biologique et psychologique. L’État veillera à ce que les hommes engagés dans les usines et industries, jouissent d’une condition digne. Assurer ses bonnes conditions pour que le travail réponde à son idéal qui est l’épanouissement et le bonheur de l’homme.

0.3 CHOIX ET INTÉRÊT DU SUJET

Comme nous l’avons dit ci-haut, notre société actuelle est en voie d’être entièrement industrialisée. Cette industrialisation n’est pas le propre de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie ; elle est aussi présente dans notre Afrique.  Le constant désagréable est que les hommes travaillant dans les industries sont de plus en plus considérés comme les simples moyens de production. L’usine ne forme pas des hommes libres, mais des esclaves, pris dans l’étau de la subordination. Les ouvriers sont en effet soumis à un ensemble de règles, règles brutales, arbitraires, qui leur sont imposées de l’extérieur.  Leur dignité n’est pas respectée puisque le patron a besoin d’un grand nombre des produits pour sa richesse. Il faut selon WEIL, transformer radicalement l’organisation du travail afin que les hommes retrouvent leur dignité et quittent leur condition d’esclave.  Ainsi nous avons choisi ce thème en vue de redonner au travail son vrai sens et sa valeur qui disparaît à petit feu.

0.4 MÉTHODE DU TRAVAIL

Pour faciliter la compréhension  de ce travail, nous avons opté pour la méthode analytique. Notre effort tout au long de ce travail sera d’analyser la condition de l’homme au travail plus particulièrement le travail en usine.

0.5 SUBDIVISION DU TRAVAIL

Notre présent travail sera subdivisé en trois chapitres :

– Le premier sera consacré à la présentation des différentes conceptions du travail.

– Le deuxième nous montrera les conditions de travail dans l’usine.

 

– Le troisième sera consacré à donner quelques directives et propositions pouvant rendre décent le travail des ouvriers.

 

PREMIER CHAPITRE : APERÇU GÉNÉRAL DU TRAVAIL

1.1 INTRODUCTION

Le problème du travail est de toujours et de partout. Il n’est pas de civilisation, pas de groupe humain, pas de personne particulière qui y échappe. Il est donc universel et lié à la nature de l’homme. C’est ainsi que dans ce présent chapitre, nous présenterons les pensées de quelques auteurs sur cette thématique du travail ; plus particulièrement ceux de notre époque contemporaine. Nous donnerons tour à tour la conception de tout un chacun en vue d’avoir une idée générale sur la question du travail ; aussi voir si de toutes les conceptions quelques points communs seront à ressortir. Nous aurons également à passer en revue l’idée générale de la question du travail au cours de la période antique. Pour voir si le travail a pu garder, dès le temps ancien jusqu’à notre période, le même sens et la même valorisation.

En plus, il sied de signaler que notre approche philosophique sur la question du travail est essentiellement basée sur la période contemporaine. Il est certainement vrai que la période contemporaine est entièrement envahie par la technique. La technique a fait son entrée dans tous les domaines de la vie de l’homme. Actuellement, toute la vie de l’homme porte en elle les marques de la technique de l’une ou de l’autre manière. La technique a donné naissance aux sociétés industrielles. C’est ainsi que nous aurons à faire un autre aperçu général sur le travail  tel qu’il est réalisé dans les usines qui sont pleines des machines. Voilà qui nous amène à diviser ce premier chapitre en deux grandes parties : d’abord la présentation de quelques conceptions du travail et ensuite la présentation du travail tel que réalisé en milieu industriel.

1.2. QUELQUES CONCEPTIONS DU TRAVAIL

Cette question est abordée par un grand nombre d’auteurs, puisque nous ne pourrons tous les exposer, nous avons choisi quelques auteurs qui, avec leurs différentes approches, nous aideront à comprendre la conception générale du travail.

1.2.1. HANNAH ARENDT

La question du travail fait partie des différentes questions traitées dans la philosophie d’Hannah Arendt. Ainsi sur la question du travail, comme philosophe, Arendt a porté différents types d’analyses. Dans ses investigations philosophiques, le travail se conçoit comme étant la première et la plus indispensable de toutes les activités de la vie active. Selon Arendt, sans existence du travail, il n’y aurait aucune vie humaine proprement dite. C’est ainsi qu’elle dira « le travail est la condition sinequa non de l’existence humaine, l’activité qui maintient la vie»[2]. En effet, suivant la perspective d’Arendt, le travail constitue le maintien de la vie en raison qu’il assure non seulement la survie de l’individu mais aussi celle de toutes les espèces.

Étant donné que nos recherches et nos réflexions s’articulent autour de la question du travail, nul n’est besoin pour nous de cogiter sur les autres activités de la vie active que développe Hannah Arendt. Ainsi, nous retiendrons que selon Arendt, « la condition humaine du travail est la vie même»[3]. De ce fait, sans le travail, il est impossible de parler de la vie puisque cette dernière existe et est maintenue à l’existence par le travail.

1.2.2.SIMONE WEIL

Simone Weil, sur la question du travail, comme nous présente Dominique Carlier, elle trouve qu’ «une civilisation constituée par une spiritualité du travail, serait le plus haut degré d’enracinement de l’homme dans l’univers»[4].  L’attention de Simone Weil est beaucoup portée sur le travail manuel. Le travail tel qu’il est réalisé aujourd’hui dans les usines et industries sans toutefois marginaliser le travail intellectuel. De ce fait, pour elle, le travail constitue l’unique moyen et le plus privilégié possible pour la réalisation de l’être de l’homme dans le monde où il se trouve. Le travail est selon Simone Weil, l’instrument qui apporte à l’homme la possibilité non seulement de se découvrir entant qu’homme mais aussi de connaître l’univers dans lequel il vit ainsi que ses différents mécanismes. Sous la plume de Simone Weil, c’est le travail qui accorde à l’homme le moyen de répondre à sa vocation qui est celle de parvenir à la joie pure. De toutes les conditions de la vie, seule la soumission au travail paraît aux yeux de Simone Weil la condition la plus nécessaire. C’est ainsi qu’elle dira « l’homme se libère par le travail. Le travail qui est aussi rapport entre l’activité et le besoin»[5].

Plus loin, Simone Weil considère le travail comme étant la norme essentielle de la vie puisqu’il a pour mission d’assurer la transformation du monde au profit de l’homme. Nul homme ne pourra atteindre un épanouissement total sans passer par le travail. Weil considère l’homme moderne comme étant un animal «laborans». De ce fait, le travail occupe une place prépondérante dans la vie de l’homme, il demeure selon Simone Weil, l’unique source non seulement de la richesse matérielle mais aussi de prestige et de pouvoir. C’est l’exercice du travail qui octroie à l’homme les possibilités nécessaires lui permettant d’échapper à la servitude. Pour ce faire, les autorités politiques et économiques sont dans l’obligation d’assurer à leurs citoyens le plein emplois.

1.2.3. JACQUES LECLERCQ.

En ce qui est de la conception du travail selon J. LECLERCQ, il a une conception du travail qui est principale. Toutefois, à celle qui est principale, il  ajoute quelques autres dimensions supplémentaires. À en croire LECLERCQ «le travail est pour l’homme un devoir qui lui assure son développement ainsi que celui de la société dans laquelle il vit»[6].  Il s’ensuit que cet homme ne vit pas dans une solitude, il est plutôt lié à ses semblables. Sur ce, il est dans l’obligation d’exercer le travail avec les autres. À ce niveau, il paraît bien clair que le travail permet et facilite le lien social. Par le travail, les hommes arrivent à vivre en communion et à former une unité selon qu’ils partagent les mêmes conditions de vie qui leurs sont assurées par le travail.

De ce qui précède, Jacques LECLERCQ attribue à l’État le devoir de veiller à ce que ceux qui travaillent pour le bien et le développement commun, trouvent en même temps le moyen personnel de garantir leurs propres épanouissements. Partant toujours de cette approche conceptuelle du travail, LECLERCQ ajoutera que « le travail est une occupation humaine»[7]. Tout en signalant que chaque occupation humaine n’est toujours pas synonyme du travail. Une occupation est selon le dire de LECLERCQ un travail, au moment où celui qui l’accomplit y trouve un intérêt particulier ou un salaire lui permettant d’assurer sa survie et celle de sa famille. Par contre, cette même occupation demeure simple occupation humaine lorsqu’elle est exercée par un individu pour une certaine distraction ou une détente. Pour plus de lumières, LECLERCQ dira «le travail est une activité réglée en vue d’une fin utile»[8]

1.2.4. ANDRÉ GORZ

Contrairement à Hannah Arendt, à Simone Weil et à Jacques LECLERCQ qui, à leur niveau, nous ont présenté le travail comme une valeur, l’instrument du développement de l’homme et du monde, André Gorz met en face de nous un tableau sur lequel est peint le travail tel que conçu dans la société Antique. Il nous présente ainsi la valeur du travail et du travailleur dans la Grèce Antique.

À en croire André Gorz, le travail tel qu’il est conçu et présenté dans la société actuelle, est l’invention de la modernité. Cette nouvelle conception du travail est donc inventée et surtout généralisée avec l’apparition de l’industrialisation. Gorz présentant l’image des sociétés prémodernes, dira : « ce travail nécessaire à la substance, en effet, n’a jamais pu devenir un facteur d’intégration sociale. Il était plutôt un principe d’exclusion. Celles et ceux qui l’accomplissaient ont été tenus pour les inférieurs. Ils étaient asservis à la nécessité, donc incapables de l’élévation d’esprit, du désintéressement qui rendaient apte à s’occuper des affaires de la cité»[9].

Sous un autre clavier du langage, le travail, nous paraissant aujourd’hui comme le moyen et l’instrument efficace capable de donner solution à tous nos besoins humains, fut, dans l’Antiquité, une activité méprisable qui faisait perdre à celui qui le réalisait le statut de citoyen.  « Le travail était indigne du citoyen non pas parce qu’il était réservé aux femmes et aux esclaves ; tout au contraire, il était réservé aux femmes et aux esclaves parce que travailler, c’était s’asservir à la nécessité. Et seul pouvait accepter cet asservissement celui qui, à la manière des esclaves, avait préféré la vie à la liberté et donc fait la preuve de son esprit servile»[10]

Avec toute cette description de Gorz, il est bien certain que dans la Grèce antique, le travail fut assimilé à des tâches dégradantes et déshonorables et ne fut nullement pas estimé. Dans la Grèce antique, seules les activités politiques et éthiques avaient reçu de la valorisation. La place du travail fut donc moins importante au cours de la période antique.

 

1.3. PRÉSENTATION DU TRAVAIL D’USINE

Puisque nombreux sont les auteurs qui se sont mis à traiter la question du travail, ce qui insinue qu’il existe plusieurs conceptions du travail et nous ne saurons pas toutes les présenter dans ce travail. Nous nous sommes limités à celles citées ci-dessus. Dans le présent point, et comme l’indique son titre, nous donnerons une vue d’ensemble sur le travail en usine.

En ce qui est de la présentation du travail d’usine dans la perspective de Simone Weil qui, reçu les témoignages de la réalité palpée par elle-même, nous aurons à cet effet, de faire une description intégrale d’un des témoignages de la vie d’usine tel que donné par Simone Weil.

C’est ainsi qu’elle nous présentera une ouvrière qui, tout au long de sa journée de travail est « devant un grand four, qui crache au-dehors des flammes et des souffles que je reçois en plein visage. Le feu sort de cinq ou six trous qui sont dans le bas du four. Je me mets en plein devant pour enfourner une trentaine de grosses bobines de cuivre qu’une ouvrière fabrique à côté de moi. Je dois faire bien attention qu’aucune des bobines ne tombe dans un trous, car elle y fondrait ; et pour ça, il faut que je me mette en plein en face du four, et que jamais la douleur des souffles enflammés sur mon visage et du feu sur mes bras ne me fasse faire un faux mouvement»[11]. Partant de cette description du travail en usine, il nous paraît bien clair que le travail d’usine porte en lui quelques caractères qui conduisent au traitement moins bon de ceux qui l’accomplissent.

1.4. CONCLUSION

Tout compte fait, il nous revient de signaler que tout au long de ce chapitre, nous nous sommes évertué à la présentation des quelques différentes conceptions du travail. Ce thème du travail est abordé par un nombre infini d’auteurs et chacun  le développe selon ses tendances et penchants. Cependant, des toutes les conceptions qui puisent exister, certains points arrivent à mettre en commun les différentes approches. Il est bien clair que, le travail occupe une place très importante dans la vie de l’homme selon qu’il lui permet d’assurer sa survie, combler ses besoins humains et atteindre non seulement le développement de l’homme dans sa singularité mais aussi et surtout celui du genre humain. Conçu et présenté aujourd’hui comme instrument efficace du développement de l’homme et du monde, le travail fut, dans la Grèce antique, une activité méprisable qui faisait perdre à celui qui l’effectuait le statut de citoyen. Il n’avait jamais eu de la valorisation tel que nous le concevons à cette époque qui est la nôtre. Quoiqu’il soit aussi très important pour les hommes de cette période, le travail tel que réalisé en milieu industriel, perd des plus en plus sa valeur suite aux conditions de travail. Les conditions ne sont pas équivalentes à la capacité et aux exigences du corps humain. Cependant, l’ouvrier se voit obligé de le réaliser étant donné que sa motivation première est le gain du salaire. Dans le chapitre qui suit, nous présenterons les conditions dégradantes ou d’exploitation du travail réalisé en usine.

 

CHAPITRE DEUXIÈME : LE TRAVAIL DÉSHUMANISÉ EN USINE

 

2.1 INTRODUCTION

Tout au long du précédent chapitre, nous avons présenté différentes conceptions du travail selon quelques auteurs choisis. Il a été clair que le travail occupe une place prépondérante dans la vie de l’homme ainsi que celle de la société. Toutefois, dans cette société beaucoup plus industrialisée, le travail n’est plus défini en fonction de l’homme, mais plutôt en fonction de la production ; il est vidé de son contenu humain, il est déshumanisé. C’est sur ce fait que portera ce présent chapitre en exposant les difficultés et les conditions non humaines que connaissent les travailleurs dans les industries.

Dans la société actuelle, avec les nouvelles méthodes d’organisation scientifique du travail, les hommes qui y travaillent de plus en plus perdent leur statut d’homme pour être attachés ou considérés comme des machines faites seulement pour la production. La production demeure la principale préoccupation des chefs d’entreprise, la santé physique et morale des ouvriers ne compte pour rien. Non seulement leur santé n’est pas prise en considération mais il arrive qu’on leur fait comprendre qu’ils ne comptent pour rien. Ils sont faits pour se taire et obéir aux différents ordres leur donnés par les chefs.

Dans les usines est vécue une nouvelle forme d’esclavage avec l’exploitation dans et par le travail. Aux ouvriers est imposée une cadence de travail qui ne correspond nullement pas aux exigences de l’organisme humain. Ils sont contraints à une cadence de la machine laquelle comporte des conséquences très néfastes sur le corps de l’homme.

Les conditions de travail en usine rendent inhumain le travail. Les hommes sont dans l’usine considérés comme des objets que le chef peut déplacer à temps et à contretemps selon ses désirs. Non seulement les ouvriers souffrent d’un travail monotone mais aussi de la façon dont les ordres sont donnés. Ces pénibles conditions de travail sont supportées pour un misérable salaire ne correspondant pas à la peine endurée au moment de la réalisation du travail. En tout cela, les ouvriers se taisent et sont ainsi incapables de revendiquer leurs propres droits. Voilà qui constituent l’ossature de ce chapitre qui sera subdivisé en trois grands points.

 

2.2 LA RATIONALISATION

Sous la plume de Weil, ce mot rationalisation désigne certaines méthodes d’organisation industrielle plus au moins rationnelle qui règnent actuellement dans les usines[12]. Il est mieux de signaler bien au départ qu’il existe toute une litanie des méthodes de rationalisation qui sont appliquées dans telle ou telle autre usine selon le vouloir du chef. Il est bien certain que ces méthodes sont diversifiées. Cependant, malgré toute leur diversité, elles possèdent en commun quelques points de ressemblance et elles prétendent toutes tirer leur source de la science dans ce sens qu’elles sont présentées comme étant des méthodes d’organisation scientifique.

Selon Weill, la science n’a été au début que l’étude des lois de la nature. À ce niveau, l’auteur fait bien référence à la physique.  La science est ensuite intervenue dans la production par l’invention et la mise au point des machines et par la découverte de procédés permettant d’utiliser les forces matérielles. Encore plus, Weil trouve qu’à notre époque, on a songé à appliquer la science,non plus seulement à l’utilisation des forces de la nature, mais à l’utilisation de la force humaine de travail. C’est bien ce dernier usage de la science qui est à la base des conditions beaucoup inhumaines vécues par les ouvriers dans les différentes usines. Pour Weil, c’est par l’application de la science à la production qu’il y a eu naissance de la grosse industrie. C’est cette apparition de la grosse industrie que Weil appele «la deuxième révolution industrielle qui se définit par l’utilisation scientifique de la matière vivante, c’est à dire des hommes»[13].  Ces nouvelles méthodes de travail ne sont pas introduites en usines par les ouvriers mais plutôt par les ingénieurs. C’est ainsi que nous allons dans les prochaines lignes présenter ce qu’ont pensé les ingénieurs en introduisant ces méthodes de travail.

2.2.1 L’APERÇU DE LA RATIONALISATION

Aux yeux de beaucoup d’ingénieurs, de techniciens et surtout aux yeux de chefs d’usine, la rationalisation apparaît comme étant un perfectionnement de la production. Cependant, se mettant aux côtés des ouvriers, Weil trouve que l’étude de la rationalisation pose un très grand problème qui est celui du régime acceptable dans les entreprises industrielles.  Contrairement aux ingénieurs,techniciens et chefs d’entreprises qui ont trouvé efficace la rationalisation, Weil s’y oppose surtout à cause des conséquences qui tombent sur les épaules des ouvriers. L’un des obstacles que pose cette rationalisation est d’abord la société dans laquelle elle est établie.

Pour Weil, la société bourgeoise est atteinte d’une monomanie. Dans une pareille société, Weil nous assure que rien n’a de valeur que ce qui est chiffré en franc ou en centime. À cause de cette monomanie, la société est prête à sacrifier des vies humaines au profit des chiffres. À ce sujet Weil dira « il est plus facile de réclamer au sujet du chiffre marqué sur une feuille de paie que d’analyser les souffrances subies au cours d’une journée de travail»[14].   Partant de cette monomanie qui caractérise la société  Weil pourra alors présenter en quoi consiste la souffrance des ouvriers causée par la rationalisation.

2.2.2 LES SOUFFRANCES CAUSÉES

Au sujet des souffrances que connaissent les ouvriers dans les usines, Weil commence par nous faire savoir que l’ouvrier ne souffre pas seulement de l’insuffisance de la paie. Il souffre parce qu’il est relégué par la société à un rang inférieur. Parce qu’il est réduit à une espèce de servitude. Pour Weil, cette insuffisance des salaires n’est rien d’autre que la conséquence de l’infériorité et de la servitude qui sont imposées à l’ouvrier.

En effet, la classe ouvrière souffre d’être soumise à la volonté arbitraire des cadres dirigeants de la société, qui lui imposent, hors de l’usine son niveau d’existence, et dans l’usine, ses conditions de travail. L’auteur insiste sur cette question de la souffrance pour dire que les souffrances que subissent les ouvriers dans l’usine, pèsent énormément sur toute la vie de ces derniers. À ce niveau, Weil arrive à distinguer deux principales causes de la souffrance des ouvriers « l’exploitation de la classe ouvrière qui se définit par le profit capitaliste et l’oppression de la classe ouvrière sur le lieu du travail qui se traduit par des souffrances prolongées»[15]. En d’autres termes Peroux dira « La rationalisation, la standardisation imposent au travailleur l’aliénation absence ( la somnolence de l’esprit et la discipline machinale du corps) et l’aliénation dépendance (l’homme entier subissant la loi de la machine dont il devient le prolongement)»[16]

En effet, il est bien évident que l’objectif pour lequel est implantée une usine est celui de la production . Les hommes y sont pour que, grâce à leur travail, les machines parviennent à sortir tous les jours le plus grand nombre possible de produits bien faits. Il n’est pas à oublier que ces hommes sont humains et par ce fait, ils ont des besoins, des aspirations à satisfaire qui ne coïncident pas avec les nécessités de la production. De ce fait,« il est inadmissible que la vie des hommes soit sacrifiée au profit de la fabrication des produits»[17]. Il est alors clair que les souffrances des ouvriers sont causées par le régime de la grande production qui caractérise la société de Weil. Il nous faut à présent faire une rétrograde sur la rationalisation cette fois-ci avec son initiateur.

2.2.3 TAYLOR ET LA RATIONALISATION

Il faut tout au début signaler que ce mot de rationalisation est reçu avec beaucoup plus de prestige auprès du public parce qu’il semble indiquer  que l’organisation du travail sera à même de satisfaire toutes les exigences de la raison, une organisation rationnelle devant en toute situation « répondre à l’intérêt de l’ouvrier, du patron et du consommateur»[18]. En voyant la rationalisation sous cet angle, les gens la reçoivent à bras ouverts et personne n’arrive à s’y opposer.

De ce fait, Simone Weill nous amène à comprendre que la rationalisation est synonyme de l’organisation scientifique du travail et elle est également désignée par le nom de la taylorisation puisque c’est Frédéric Winslow Taylor qui est arrivé à donner l’impulsion et a marqué l’orientation de cette méthode de travail. En introduisant les nouvelles méthodes de travail, le besoin de Taylor était celui de beaucoup pousser la cadence du travail au risque même de renvoyer certains ouvriers qui ne lui obéissent pas.  Toutes les méthodes de Taylor étaient inspirées par son désir d’augmenter la cadence des ouvriers ; son grand souci était d’éviter toute perte de temps dans le travail.

Sa méthode de travail consiste essentiellement en ceci « d’abord on étudie scientifiquement les meilleurs procédés à employer pour n’importe quel travail ; ensuite on étudie les temps par décomposition de chaque travail en mouvements élémentaires ; une fois mesuré le temps nécessaire à chaque mouvement élémentaire, on obtient facilement le temps nécessaire à des opérations variées et la méthode de mesure de temps est le chronométrage»[19]. L’auteur explique autrement cette méthode pour dire qu’elle est un procédé pour éliminer tous ceux qui ne sont pas des ouvriers du premier ordre capable d’atteindre un maximum de production.

En effet, Simone Weil estime que l’idée de Taylor était que chaque ouvrier soit bien capable de produire un maximum de travail dans un temps bien déterminé par ceux qui chapeautent l’usine. C’est ainsi qu’elle dira « dès son origine, la rationalisation a été essentiellement une méthode pour faire travailler plus plutôt qu’une méthode pour faire travailler mieux»[20] . La rationalisation est pour Weil, une méthode perfectionnée pour extraire des travailleurs le maximum de travail dans un délai bien déterminé et pour ce faire, Weil trouve qu’au système de Taylor, le mot rationalisation lui a été appliqué à tort.  Taylor a bien mis en place la rationalisation, comment cette dernière est-elle reçue par les patrons ou les chefs d’entreprises ?

2.2.4 PATRONS D’USINE ET LA RATIONALISATION

Pour les chefs et patrons d’usine, la rationalisation a été un véritable motif de réjouissance. La rationalisation a été à la base d’une grande joie pour les chefs puisque grâce à elle, « le patron a fait cette découverte qu’il y a une meilleure manière d’exploiter la force ouvrière que d’allonger la journée du travail»[21]. Selon Weil, la rationalisation est vraiment une méthode d’exploitation dans la mesure où la production qui est exigée par le chef demande beaucoup plus d’énergie même si les heures de travail sont minimes. À ce niveau, l’auteur illustre en disant qu’un ouvrier ne produit pas plus en 17h qu’en 15h, parce que son organisme est plus fatigué et automatiquement il va moins vite. Il faut donc préciser qu’il y a donc une limite de la production qu’on atteint assez facilement par l’augmentation de la journée de travail tandis qu’on ne l’atteint pas en augmentant son intensité.

L’intensité du travail causée par la rationalisation n’est pas mesurable comme la durée. Par coutume, les patrons mesurent le travail par la quantité d’heures et cela se chiffre tandis que le reste ne se chiffre pas. Selon Weil, les patrons ne savent pas s’apercevoir de l’intensité du travail imposée aux ouvriers, parce qu’il n’existe aucun moyen scientifique de mesurer l’usure de l’organisme humain par le travail. Taylor s’est vanté d’avoir doublé la production dans les usines à l’aide de sa méthode tout en oubliant que cette dernière est à la base de l’usure des ouvriers ; la durée de travail est selon Weil, un peu supportable que l’intensité ou la cadence du travail. Simone Weil signale qu’après l’instauration du système de Taylor dans les usines, « beaucoup des syndicats et ouvriers ont réagi en traitant la rationalisation d’une certaine forme de l’esclavage»[22].  Dans l’usine, la rationalisation a permis le doublement de la production. Simone nous présente quels effets cette méthode a eu à produire sur la vie morale des ouvriers.

2.2.5 LA RATIONALISATION SUR LE PLAN MORAL.

Du point de vue de l’effet moral sur les ouvriers, Simone Weil n’hésite pas à affirmer que la rationalisation a sans aucun doute provoqué la disqualification des ouvriers. Avec la rationalisation il est arrivé une distinction en usine. D’une part, les ouvriers qualifiés dans la production, ceux qui sont résistants dans son système et d’autre part, les ouvriers non qualifiés qui sont gardés dans l’usine surtout pour les travaux de finissage.

Toujours sous cet aspect de la vie morale, Simone Weil renchérit pour dire que le système de Taylor est à la base de la monotonie du travail.  La rationalisation crée un travail pénible qui oblige à passer toute une journée à un seul travail sans aucun moment de variation mais toujours dans la répétition des mêmes gestes ou mouvements. C’est ainsi que Weil, au sujet de la monotonie, dira « il est bien certain que la monotonie du travail commence toujours par être une souffrance, si on arrive à s’y accoutumer, c’est au prix d’une diminution morale»[23].

À en croire l’auteur, demeurer au bout d’un certain temps de travail monotone, les ouvriers courent le risque de se retrouver incapables de faire autre chose ou mieux incapables d’exécuter un autre travail. Cette incapacité à faire un autre travail est due au fait que l’organisme du travailleur est resté habitué à l’exercice d’un seul type de travail ; l’homme attaché à une seule activité, il lui est difficile d’accomplir une autre.

Avec la rationalisation, le chef d’usine, en dehors de tout le pouvoir lui revenant, la propriété de l’usine, il prétend encore au monopole du travail et des temps de travail. C’est au chef, de décider ou imposer aux ouvriers tels ou tels mouvements en tant de secondes, ou tels autres en tant de minutes. C’est à ce niveau que Weil s’oppose à l’utilisation des ouvriers comme s’il était question de l’utilisation de l’électricité. «En usine, le chef dresse l’ouvrier comme on dresse un chien»[24].

Dans les usines où est appliquée la rationalisation, tout ce qui est bien est porté au bénéfice du patron, au moment où tous les coups durs de l’usine sont à la charge de l’ouvrier. Ce système de Taylor, selon Weil, procure assez d’avantages aux chefs et d’inconvénients aux ouvriers. La rationalisation n’est pas le seul et unique fait qui déshumanise le travail ouvrier. C’est ainsi que dans le prochain point, nous tâcherons à présenter quelques autres aspects de la déshumanisation du travail.

2.3. LA DÉGRADATION DES OUVRIERS

Un autre fait soulevé par Weil, qui n’est pas anodin est la dégradation de la vie des ouvriers. Cette dégradation n’est pas seulement subie dans l’usine mais aussi en dehors de l’usine. L’une des causes de la dégradation ouvrière est la servitude. Simone Weil certifie que les ouvriers d’usine sont en quelque sorte déracinés, exilés dans de leur propre pays.  Étant donné que les conditions qu’ils vivent en usine sont pareilles à celles des étrangers.

2.3.1 LES ORDRES EN USINE

Comme nous l’avons bien souligné quand nous parlions de la rationalisation, les ouvriers souffrent excessivement de la monotonie. Simone Weil insiste sur ce fait en insinuant que l’âme de l’ouvrier est pleinement envahie par un dégoût au cours d’une longue période de travail monotone.  Et pour ce faire, il faut, selon Weil, un certain moment de changement capable de procurer un soulagement. Le mal est de voir qu’en usine, le changement d’activité n’apporte aucun soulagement aux ouvriers. Ce changement apporte au contraire une contrariété. Cette contrariété est causée par la manière dont le changement est ordonné. « le travail nouveau est imposé tout d’un coup, sans préparation, sous la forme d’un ordre auquel il faut obéir immédiatement et sans réplique»[25].

À ce niveau, Simone Weill déplore le fait que au moment où l’ordre est donné pour mettre fin à une certaine activité, l’ouvrier est dans cette obligation d’être prêt pour se livrer à une autre machine, il doit immédiatement aller à la machine qui lui est désignée. Dans ces conditions de travail, l’ouvrier n’a qu’à se taire, obéir immédiatement, exécuter docilement les gestes qui lui sont indiqués. Il ne peut nullement s’opposer ou demander à finir l’activité qu’il avait.

Dans la journée du travail en usine, chaque geste de l’ouvrier n’est rien d’autre que l’exécution d’un ordre lui donné. En étant sur une machine, toute la série des mouvements à accomplir lui est déjà au départ indiquée par le chef. L’ouvrier n’est présent que pour répéter à toute allure les gestes jusqu’à ce qu’il reçoive l’ordre de faire une autre série. L’ouvrier est fixé sur une machine jusqu’à ce que le chef donne l’ordre d’aller sur une autre. C’est ainsi que les ouvriers eux-mêmes diront « on est à tout instant dans le cas de recevoir un ordre. On est une chose livrée à la volonté d’autrui»[26]. En d’autres termes elle dira « l’usine est partagée actuellement en deux camps nettement délimitée, ceux qui exécutent le travail sans y prendre à proprement parler aucune part active, et ceux qui dirigent le travail sans rien exécuter»[27] Les chefs ne sont là que pour donner les ordres sans toutefois savoir à quoi correspond le travail qu’ils exigent.

Toujours dans la même perspective, Simone Weil dira que dans l’usine, l’ouvrier ne dispose nullement pas de son temps, il n’arrive jamais à déterminer d’avance l’emploi de ses heures et de ses journées pas même de ses activités durant la journée. Depuis le moment où il pointe son entrée en usine, jusqu’à celui où il pointe pour sortir, l’ouvrier est à chaque moment de la journée de travail, dans le cas de subir des ordres. L’auteur arrive à comparer l’ouvrier à un objet inerte qui est à tout moment déplacé par n’importe qui. En travaillant sur une pièce, l’ouvrier n’est pas en mesure de penser à la prochaine sur laquelle il aura à travailler. C’est à quoi il peut penser, ce n’est que les différents ordres qui lui viendront de la part du chef.  Weil estime qu’une vie toujours soumise aux ordres, crée chez les ouvriers un sentiment de la dépendance, de l’impuissance et de compter pour rien aux yeux de qui ils dépendent. Ce sentiment devient de plus en plus douloureux au point qu’il arrache des larmes aux hommes connaissant cette vie.

2.3.2 LE DÉSIR DE LA SURPRODUCTION

C’est bien vrai que, l’usine ou toute autre entreprise, est implantée avec comme premier objectif la production. Dans certains cas, il y a des chefs tellement avides de la production à telle enseigne que pour eux, tout ralentissement dans la production est sans doute une faute de la part des ouvriers. Ce désir de la production va au détriment des ouvriers. Puisqu’en voulant répondre à la production déterminée par le chef, le corps de l’ouvrier est toujours épuisé, le soir, au sortir de l’usine et sa pensée l’est toujours aussi et elle l’est davantage.

Sur cette question de la production, Weil nous dira que les chefs ne songent qu’à la production en mettant de côté les efforts fournis, les obstacles et les difficultés vaincus par les ouvriers.  Du côté des chefs, il se constate une certaine indifférence qui prive aux ouvriers de la chaleur humaine dont tout homme a besoin.  Tout homme a besoin qu’on s’intéresse à lui, ce qui n’est pas le cas dans l’usine. L’attention des chefs est accordée non pas aux producteurs mais plutôt à la production. De ce fait, l’ouvrier ne trouve pas de la joie dans le travail qu’il réalise. Les joies du travail se trouvent ainsi fugitives et disparues. À la vue des ouvriers, les chefs n’apparaissent pas comme étant des hommes qui guident et  surveillent les autres hommes, mais plutôt comme étant des organes d’une subordination impersonnelle et brutale. « les chefs ne considèrent que les produits du travail et non les travaux qui les on suscités»[28]. Vu la grande importance accordée aux choses en usine, Weil trouve que les choses jouent le rôle des hommes et les hommes jouent celui de choses. Voilà selon Weil, qui constitue la racine du mal dans l’usine.

2.3.3 LE RYTHME OU LA CADENCE DU TRAVAIL

A cette question du rythme ou de la cadence du travail, l’auteur nous fait savoir que dans les grandes ou petites usines, les ouvriers sont soumis à exécuter à toute allure, par ordre des nombreux gestes. Ces gestes sont exécutés de façon indéfiniment répétée. Le chef arrive pour les déplacer comme on déplacerait des objets pour les placés devant les autres machines ; ils doivent restés à ces machines jusqu’à ce qu’on les mette ailleurs.  C’est sur cette vue de choses que Weil dira « la succession de leurs gestes n’est pas désignée dans le langage de l’usine par le mot rythme, mais par celui de cadence. Et c’est juste, car cette succession est le contraire d’un rythme»[29]. Le spectacle de l’ouvrier devant la machine est toujours celui d’une précipitation misérable d’où toute grâce et toute dignité sont absentes.

Il sied d’ajouter le fait que, pour le maintien ou la conservation de leur propre dignité, les ouvriers ont besoin d’être en tout temps en lutte. Le rythme auquel ils sont soumis est un rythme des machines qui n’est pas humain et ne correspond ni à la respiration, ni aux battements du cœur ni non plus aux mouvements naturels de l’organisme humain. Avec les nouvelles formes du machinisme, les ingénieurs conçoivent des séries, de ce moment, les ouvriers n’ont plus qu’à se mettre à l’exécution de ces séries conçues pour eux par les autres. Ce qui donne sous la plume de Weil, naissance au travail à la chaîne. C’est à ce niveau qu’il faut comprendre Jean LALOUP et Jean NELIS qui disent que « la machine a vulgarisé et imposé la méthode du travail parcellaire qui condamne l’ouvrier à reproduire les mêmes gestes élémentaires tout au long du jour. Le geste est réduit à un schème très simple, qui n’est plus un mouvement humain , mais simple tic»[30]. De ce travail parcellaire continuent-ils, résultent le déséquilibre profond de l’organisme, la fatigue des centres nerveux supérieurs, les névroses. À  Schumacher de renchérit en disant, « la technologie moderne a donc privé l’homme du type de travail qu’il apprécie le plus, un travail créateur, utile, qui fait appel à la fois aux mains et au cerveau, pour le confier beaucoup de tâches fragmentaires, qu’il n’apprécie pas du tout pour la plupart»[31].

En usine, l’ouvrier ne dispose vraiment pas d’aucun temps. Il lui manque même le petit temps de contempler la chose qu’il vient de produire.  Dans la description du travail en usine, Weil certifie que les ouvriers sur machine n’atteignent la cadence exigée que si les gestes d’une seconde succèdent d’une manière interrompue « sans rien qui marque jamais que quelque chose est fini et qu’autre chose commence»[32]. Les ouvriers sont ainsi soumis à la reproduction du tic-tac de l’horloge avec leurs corps ; « Le rythme de l’être vivant est nécessairement irrégulier, inconstant. Demander à un homme d’agir comme une horloge, c’est lui imposer une fatigue qui peut devenir funeste. En plus, dans cette lutte entre le rythme mécanique et le rythme biologique, celui-ci est toujours victime»[33]. Cet enchaînement interrompu des gestes tend à plonger les ouvriers dans une espèce de sommeil. Mais ils sont dans l’obligation de le supporter sans dormir. Les rythmes et la cadence du travail, empêchent qu’interviennent tout autre mobile si ce n’est la présence régulière de la crainte des réprimandes ou encore la peur du renvoi.

2.3.4 LES CONDITIONS DE LA JOURNÉE DU TRAVAIL

À en croire l’auteur, le lieu où l’ouvrier a passé sa journée est un lieu étranger, ce n’était pas chez lui, il n’y est admis que pour approcher les machines. Les ouvriers souffrent du manque d’attention. Comme nous l’avons précédemment dit, le chef accorde son attention non pas aux ouvriers mais plutôt aux machines. Il ne s’intéresse aux ouvriers qu’au moment de les harceler ou de les réprimander. Face à ces réprimandes parfois injustes, l’ouvrier n’a aucun droit de soulever la tête.« dans l’usine donc, l’ouvrier ne se sent pas chez lui, il y vit en exil»[34].  À cette même question, elle renchérit en disant « Ils ne sont chez eux ni dans l’usine, ni dans leurs logements, ni dans les lieux de plaisir ni dans la culture intellectuelle»[35]

En effet, Simone Weil considère que rien n’est si puissant chez l’homme que le besoin de s’approprier non pas juridiquement, mais par la pensée, les lieux et les objets parmi lesquels il passe sa vie et dépense la vie qu’il a en lui.  « Une cuisinière dit ma cuisine, un jardinier dit ma pelouse, tandis qu’un ouvrier ne peut rien s’approprier par la pensée dans l’usine. Les machines ne sont pas à lui; il sert l’une ou l’autre selon qu’il en reçoit l’ordre»[36].  À ce niveau, il est alors clairement compréhensible que l’ouvrier sert les machines sans toutefois fois s’en servir vu les conditions auxquelles il est soumis.

Dans ces conditions, l’ouvrier se retrouve donc au service des machines, il est pour elles un moyen de leur amener telle ou telle pièce en vue de telle ou telle autre opération dont lui-même ignore le rapport entre celles qui précèdent et celles qui doivent suivre. Dans le travail en usine, l’ouvrier y dépense tout ce qu’il a de meilleur en lui. Il y dépense sa faculté de penser, de sentir, de se mouvoir ; il les dépenses ainsi puisqu’il en est vidé quand il sort de l’usine. L’ouvrier n’a rien mis de lui-même dans son travail, ni pensée, ni sentiment, ni des mouvements déterminés et ordonnés par lui en vue d’une fin.

Toujours dans cette même perspective, Simone Weil juge que dans ces pénibles conditions de travail, chaque souffrance physique inutilement imposée, chaque manque d’égard, chaque humiliation même légère semble un rappel que l’ouvrier ne compte pour rien et qu’il n’est pas chez soi. Sous la plume de Weil, il n’existe dans l’usine aucune intimité liant les ouvriers aux lieux et aux objets parmi lesquels leur vie s’épuise, « l’usine fait d’eux, dans leur propre pays des étrangers, des exilés, des déracinés»[37]. Les ouvriers vivent d’un travail pour lequel, étant donné la succession machinale des mouvements et la rapidité de la cadence, il ne peut y avoir selon Weil, aucun autre stimulant que la peur et l’appât des sous.

2.3.5 L’OPPRESSION OUVRIÈRE

En observant toutes les conditions que connaissent les ouvriers d’usine, selon Weil, il n’existe aucun terme que celui de l’oppression pour les indiquer. Puisqu’après l’expérience personnelle de Weil, les ouvriers ne sont pas seulement exploités mais aussi opprimés surtout qu’ils vivent une forme d’esclavage en usine. Les ouvriers sont opprimés durant la journée de travail étant donné qu’on leur fait comprendre qu’ils ne sont rien et ne comptent pour rien, dans l’usine tout comme en-dehors, ils sont là pour se soumettre et obéir aux ordres des autres.

L’oppression des ouvriers est à comprendre dans ce sens que les conditions dures de travail n’ont pas d’impact seulement sur la santé physique mais aussi celle mentale. Les ouvriers en usine nous décrit Weil, « jamais ils n’ont droit à une récompense morale de la part de qui que ce soit ; pas de remerciement, pas d’éloges, pas même une simple satisfaction de soi. Tout ceci constitue un facteur pire de dépression morale dans l’industrie moderne»[38].

Au moment où l’ouvrier se rend à son lieu de travail, il est animé par l’angoisse de la journée qu’il aura à passer dans l’usine. Il est bien rempli de la peur des engueulades, des réprimandes et des humiliations. Toutes sortes de réprimande est déjà une humiliation ou mieux une oppression dans la mesure où l’ouvrier est dans l’obligation de se taire et l’endurer. À des moments, il faut que l’ouvrier s’expose à bien des souffrances rien que pour éviter quelques engueulades. Sur cette question des humiliations ou de l’oppression, ce qui fait le plus mal est que parfois les choses qui engendrent les engueulades ne sont toujours pas la faute des ouvriers ; la machine à laquelle l’ouvrier travaille a été parfois mal réglée non pas par lui mais par le régleur, un outil peut être en mauvais état ou encore beaucoup des pièces qui ne sont pas bien placées. Dans tous les cas d’accident ou de désagréments, c’est l’ouvrier qui a tort. Le chef ne peut nullement penser à la faiblesse des machines.

En effet, après avoir passé la journée du travail dans des conditions humiliantes, au sortir de l’usine, l’ouvrier est énormément épuisé. Son corps est vidé de toute énergie vitale, son esprit est vidé de la pensée et son cœur est submergé de dégoût, de rage mais une rage muette, et par-dessus tout cela, d’un sentiment d’impuissance et de soumission. Tellement l’ouvrier sort épuisé de l’usine, ses heures de détente sont alors vaines. Il ne sait pas détendre son esprit à cause d’énormes fatigues qu’il a accumulé durant la journée de travail ; « Le temps productif a eu pour effet, inévitablement, d’abolir tout plaisir, toute satisfaction que l’homme éprouve normalement dans le cadre de son travail. Presque toute production véritable s’est muée en une corvée inhumaine qui, loin d’enrichir l’homme, le dépouille. Dans les ateliers les hommes se dégradent»[39].

Toutes ces souffrances et difficultés sont subies pour un salaire de misère. Le salaire accordé aux ouvriers n’équivaut pas au travail dur et intense qu’ils ont réalisé. C’est ainsi que Jacques LECLERCQ ajoute pour dire « L’industrie est prise dans une sorte d’engrange où les salaires baissent et le travail s’allonge. La science industrielle consiste à obtenir par un être humain la plus grande somme possible de travail, tout en le recomposant par le salaire le plus bas»[40].

Sur ce fait, Leclercq insiste pour insinuer que le complexe d’infériorité se compose essentiellement d’un sentiment d’exploitation et d’oppression. D’exploitation parce-que l’ouvrier ne reçoit pas pour son travail ce que son travail vaut. Quoique ce salaire soit minime, les ouvriers n’arrivent toujours pas à réclamer « impossible de se défendre que ce peu d’argent qu’on vous passe à travers le guichet est une aumône»[41]. L’auteur ne cesse d’insister pour dire que le pire dans toute cette oppression faite sur les ouvriers, ils n’arrivent pas à faire connaître cette situation aux chefs « se plaindre à la direction ? Personne n’y songe un seul instant. On ne veut pas se faire rembarrer. Plutôt souffrir tout cela en silence»[42]. Après son expérience personnelle de la vie d’usine, Simone Weil trouve que le sentiment de dignité est retrouvé seulement au prix d’efforts quotidiens et de souffrances morales épuisantes.

2.4 CONCLUSION

Pour clore, nous avons tout au long de ce chapitre, présenter dans quelle manière est réalisé le travail en usine. Il a été question des conditions pénibles de travail que connaissent et supportent les ouvriers. Dans l’usine, les ouvriers sont placés sous la surveillance d’une hiérarchie complète. Ils ne sont pas seulement esclaves du chef de l’usine mais encore à chaque heure, les esclaves de la machine. Le développement de la technique a fait perdre au travail de l’ouvrier tout caractère d’autonomie. Les ouvriers sont soumis dès l’entrée jusqu’à la sortie de l’usine à l’exécution des ordres leur donnés par le chef. Étant des êtres humains, les ouvriers sont soumis dans l’usine à un rythme de travail complètement machinal. La cadence leur est imposée par le chef en vue d’augmenter la production qui est la principale préoccupation des chefs. Ils sont obligés à beaucoup produire peu importe les conséquences que porte cette surproduction sur la santé physique des ouvriers. Les ouvriers en usine, ne connaissent non seulement la souffrance physique mais aussi celle morale. Les conditions humiliantes de l’usine dégradent de plus en plus les ouvriers surtout qu’on leur fait comprendre qu’ils ne comptent pour rien. Ils sont dans l’usine pour se taire et obéir. La rationalisation de Taylor est pour Weil une révolution industrielle dont la fin est l’utilisation de la matière vivante c’est à dire de l’homme.

CHAPITRE TROISIÈME : LES MODALITÉS D’UN TRAVAIL NON SERVILE

 

3.1. INTRODUCTION

Dans ce chapitre, nous aurons à présenter quelques modalités pouvant être mises en jeu dans le but de rendre non servile le travail réalisé en usine par les ouvriers. En effet, nous partirons des conditions inhumaines exposées dans le chapitre précédent pour arriver à proposer quelques autres estimées dignes pouvant tant soit peu humaniser le travail d’usine. Le but est de promouvoir le bien être des travailleurs au premier plan en modifiant les conditions du travail. Dans cette perspective Simone Weil souhaite que les chefs et patrons d’usine arrivent d’abord à comprendre quel est le sort que subissent ces hommes qu’ils utilisent comme main-d’œuvre. De ce fait, il faudrait que les chefs ne soient toujours pas animés du grand désir d’augmenter sans cesse le rendement au maximum, mais d’organiser les conditions de travail les plus humaines compatibles avec le rendement indispensable à l’existence de l’usine.

 

3.2. CONTRE LES HUMILIATIONS

Comme nous l’avons plus d’une fois mentionné au long du précédent chapitre, les conditions du travail en usine sont généralement humiliantes et obligent soumission même où est bafouée la dignité des ouvriers. Simone Weil s’est faite ouvrière non parce qu’elle n’avait aucun emploi pour la survie mais plutôt pour présenter les conditions des ouvriers pour qu’elles soient connues.  Pour Weil, il est beaucoup mieux « d’alléger un peu le poids des humiliations que la vie impose jour après jour aux ouvriers des usines modernes»[43]. Elle estime que dans la vie, rien ne paralyse plus la pensée humaine que le sentiment d’infériorité qui est nécessairement imposé par les atteintes quotidiennes de la pauvreté, de la subordination ou encore de la dépendance.  L’être humain a toujours en lui, malgré les conditions de vie ou le statut social, le souci d’être respecté et estimé. De ce fait, Weil proposant les solutions pouvant palier les humiliations d’usine juge que « la première et la principale chose à faire aux ouvriers est celle de les aider à retrouver ou à conserver, selon le cas, le sentiment de leur dignité»[44].  Ce manque de dignité dans le travail est porteur des conséquences néfastes sur la santé morale de l’ouvrier qui sera dérangée par les humiliations, les souffrances, les pressions quotidiennes inexorables. C’est à ce niveau qu’on arrive à comprendre Leclercq qui dit « à cause de l’humiliation et l’oppression, l’ouvrier ne trouve pas le bonheur dans son travail. Le travail doit rendre les travailleurs heureux»[45]. Il est préférable de toujours songer à la valeur morale du travail.  Comme le but du travail est de rendre heureux celui qui l’exécute, il est très nécessaire comme le souligne Michel Narcy « faire de l’individu la suprême valeur. Donner au travail manuel la dignité à laquelle il a droit»[46].  À cause des régulières humiliations subies et endurées en usine par les ouvriers, ils arrivent à accepter qu’ils ne comptent absolument pour rien et face à cette situation, Simone Weil dira qu’il est préférable dans le cadre de nos sociétés actuelles « arriver dans le cadre d’une usine où les ouvriers comptent et aient conscience de compter pour quelque chose»[47].

3.2. FACE À LA CADENCE OU AU RYTHME DU TRAVAIL

En dépit des humiliations qui torturent l’esprit des ouvriers, nous l’avons vu au chapitre précédent, le problème de la cadence du travail exigée par les chefs, constitue un de grands points qui hantent la vie des ouvriers. La cadence et le rythme du travail sont porteurs d’énormes conséquences sur la santé physique des travailleurs. Les conséquences ne se limitent seulement pas à la santé physique, mais elles vont jusqu’à toucher le psychique des ouvriers.  Le rythme avec lequel fonctionnent les machines n’est pas à imposer à l’organisme de l’homme. Dans cette perspective  les auteurs jean LALOUP et Jean NELIS stipulent que les chefs d’entreprises doivent avoir à l’esprit que la machine est automatique ce qui n’est pas le cas avec l’homme. Ce dernier a des faiblesses, des maladies ; l’être humain éprouve incessamment le besoin de se reposer et la fatigue de l’homme se manifeste dans l’imperfection de son travail.

La machine se trouvant en usine est sans doute anonyme tandis que l’homme est personnel. De ce fait,  «  le patron doit tenir compte de ses capacités professionnelles, prêter l’oreille à ses doléances, à ses nécessités, car l’homme est une âme vivante qui réagit à un travail donné ; il est aussi un être biologique qui se plaint d’une température trop élevée ou trop basse, des conditions insalubres de son travail ; il est aussi un être social qui a des charges, des soucis, des responsabilités familiales, professionnelles, communales, nationales»[48].

De ce qui précède, il est bien inconcevable d’imposer à un être humain un rythme de travail pareil à celui d’une machine.  Le rythme du travail auquel l’homme doit être soumis devra nécessairement correspondre à la force humaine, aux capacités de l’être humain et non pas lui faire faire un travail au-dessus de ses forces, un travail qui ruine sa santé physique et psychique. Un rythme exagéré crée des impacts négatifs sur le psychique de l’ouvrier dans la mesure où à force d’exercer un travail dur, il est très difficile que le moment de détente ou de plaisir soit pleinement réalisé. De lors, il n’est pas admissible de laisser l’homme contraint à un travail à mesure de la machine. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre les auteurs qui disent « il ne suffit pas de se défendre contre une certaine technique, il faut la modérer selon l’homme»[49].

Il est très nécessaire de promouvoir l’homme et surtout pour sa santé. Il ne faut pas tuer son être en le poussant à l’exécution des travaux nuisant à sa santé.  Il faut pour ce faire,  « Arrêter ou négliger, toute l’invention technique dans la mesure où elle paralyse, déséquilibre, détruit la personne humaine ou la société»[50].  Cette cadence qui dégrade de plus en plus la santé physique des ouvriers est une des conséquences de la technologie moderne. Cette nouvelle technologie, vu la façon dont elle s’est développée, se développe et promet de se développer, ne peut qu’offrir un visage de plus en plus inhumain. Pour ce faire il est impérieux de songer au fonctionnement de cette nouvelle technologie. Il faut «  une technologie d’un genre différent, une technologie à visage humain qui, au lieu de rendre superflus les mains et le cerveau de l’homme, les aide à devenir bien plus féconds qu’ils ne l’ont jamais été auparavant»[51].  Ainsi il est mieux et préférable de songer à la valeur du travail et à sa valeur thérapeutique.

C’est toujours dans cette perspective que Simone Weil s’insurge contre toute organisation du travail qui reposerait sur une science de l’utilisation de la force humaine de travail. Elle propose plutôt « une nouvelle science des machines, contre l’utilisation scientifique de la matière vivante c’est à dire des hommes»[52]. Elle trouve en plus que le temps et le rythme sont un facteur important du problème ouvrier. Pour elle, le fait que le temps requis pour l’exécution d’une tâche est entre les mains de la direction, ceci constitue un mobile qui pousse l’ouvrier par le biais du salaire aux pièces, à augmenter la cadence ou le rythme du travail tout en dégradant sa santé physique. Pour la bonne vie des ouvriers, il leur faut selon le vouloir de Weil, « une cadence de travail moins rapide. Pourvue que les ouvriers puissent enfin respirer, jouir du soleil, se mouvoir au rythme de la respiration, faire d’autres gestes que ceux imposés par des ordres»[53]. Il faut également que l’on songe à ce que percevra l’ouvrier après son travail. D’où la question du salaire.

3.3.  LE TRAVAIL RÉALISÉ ET LE SALAIRE À PERCEVOIR

Le travail comme nous l’avons dit ci-haut, doit rendre heureux celui qui le réalise.  Au bout de chaque effort, l’homme doit se retrouver en possession d’un bien pouvant récompenser les efforts fournis.  Le malheur est de constater que dans les conditions de travail en usine « le salaire perçu par l’ouvrier semble plutôt une aumône que le prix d’un effort»[54]. Pourtant il dépense à l’usine ce qu’il a de meilleur en lui, sa faculté de penser, de sentir, de se mouvoir. Sur cette question du salaire minime et misérable perçu par les ouvriers Simone Weil dira que « la grande douleur de travail manuel, c’est qu’on est contraint à faire l’effort de si longues heures, simplement pour exister. L’esclave est celui à qui il n’est proposé aucun bien comme but de ses fatigues, sinon la simple existence»[55]

 

Pour toutes les peines endurées durant le moment du travail, le salaire de l’ouvrier doit lui permettre d’accomplir sa vocation. Il doit donc normalement permettre de nourrir sa famille et subvenir aux autres besoins capitaux de la vie en l’occurrence l’éducation des enfants et le droit à l’hospitalisation en cas de maladie.

 

3.4 CE QUE DOIVENT ÊTRE L’USINE ET LE TRAVAIL

À ce niveau, les ouvriers qui subissent ces conditions doivent être les premiers à pouvoir réclamer des nouvelles conditions de travail qui facilitent le bien être non seulement physique mais aussi moral. Les ouvriers doivent quitter le monde du silence pour arriver à la recherche de nouveaux moyens pouvant faciliter les bonnes conditions de travail. C’est ainsi qu’intervient Garaudy qui dit « la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. Les intéressés doivent être les principaux agents de leur propre promotion»[56]. Simone Weil parlera elle d’un syndicalisme apolitique « tout homme qui occupe une place dans la production a droit de ce fait même à dire son mot dans tout conflit intéressant la production même s’il n’adhère à aucune idéologie»[57].

À la situation des ouvriers qui vivent comme des exilés dans leur propre pays, selon Weil, les ouvriers ne se sentiront chez eux dans leur pays, membres responsables du pays que lorsqu’ils se sentiront chez eux dans l’usine pendant qu’ils y travaillent. L’usine devrait être un lieu de joie, un lieu où, même s’il est inévitable que le corps et l’âme souffrent, l’âme puisse aussi goûter des joies, se nourrir des joies. Cette question nous renvoie au régime industriel.

 

3.4.1 LE RÉGIME INDUSTRIEL

Le grand problème du régime industriel, est celui du grand souci de la production. L’une des choses à faire pour résoudre cette difficulté est proposée par Leclercq en disant « le chef ou l’employeur a le devoir de s’intéresser à l’employé, de désirer son bien, de faire participer à la prospérité de l’entreprise. Il est honteux et inhumain d’user de l’homme comme un simple instrument de lucre et de ne l’estimer qu’en fonction de la vigueur de ses bras»[58]. Selon Weil, la solution au problème du régime industriel serait une organisation du travail telle qu’il sortent chaque soir des usines à la fois le plus grand nombre possible de produits bien faits et des travailleurs heureux.  Aussi longtemps que le travail est beaucoup productif, il doit être en même temps agréable. Il faut donc trouver une méthode qui pourra rendre le travail joyeux. À en croire Weil, « la méthode sera celle capable de concilier les intérêts de l’entreprise et les droits des travailleurs, sans nuire ni à l’un ni à l’autre»[59]. En effet, le régime industriel est à modifier en vue de remettre au travail son visage humain. Les conditions d’usine sont nécessairement à modifier parce que comme le dit Narcy, « c’est d’abord dans la condition ouvrière que se dévoile la réalité de l’existence, parce qu’elle là elle est donnée non plus à deviner ou à déduire, mais à toucher, à vivre»[60].

Aux ouvriers il faut dans la perspective de Leclercq « un travail normal, c’est à dire un travail suffisamment modéré pour ne pas porter atteinte à la santé et laisser les loisirs nécessaires à la formation intellectuelle et morale ainsi qu’à la famille»[61]. Les heures du travail doivent permettre à l’ouvrier de jouir pleinement de son temps de repos dans la mesure où ce repos est nécessaire à la santé physique et morale de l’homme. Le manque de repos nuit complétement la personne humaine comme le dit Friedmann « Quinze à seize heures de travail quotidien dans des ateliers malsains excluent non seulement le loisir, mais la simple récupération physiologique»[62].  Comme le voient Jean Laloup et Jean Nelis, il faut bien accommoder les loisirs, améliorer les conditions extérieures du travail. En humanisant le travail, le but est d’atteindre une certaine union entre l’ouvrier et la machine. L’essentiel, c’est que l’ouvrier perçoive sa place dans une fabrication et la place de son travail.

Étant donné que le temps et le rythme sont le facteur le plus important du problème ouvrier, Simone Weil soulève une autre dimension non moins importante qui est la diminution des heures de travail. Toutefois, il ne faut pas seulement se limiter à cette réduction des heures de travail, mais il est aussi beaucoup préférable de réduire également l’intensité du travail. « Parce-que aussi longtemps que le travail demeurera intense, même si le temps est réduit à deux heures, nul n’accepterait d’être esclave deux heures»[63]. Il faut changer la nature des stimulants du travail. Transformer le rapport de chaque ouvrier avec le fonctionnement de l’ensemble de l’usine, le rapport de l’ouvrier avec la machine et la manière dont le temps s’écoule dans le travail. Et face aux ordres qui sont donnés de façon très brusque par les chefs, il est nécessaire comme le disent Jean Laloup et Jean Nelis « Annoncer à l’ouvrier le travail qui l’attend dans les huit ou quinze jours suivants ; ainsi, pourrait être créée en lui une liaison interne entre les gestes qu’il accomplit et ceux qu’il devra accomplir dans la suite, ainsi, il se sentira responsable d’une tâche»[64].  La peur du renvoi et la convoitise des sous doivent cesser d’être les stimulants essentiels.

 

3.5 CONCLUSION

Tout au long de ce présent chapitre, nous avons présenté quelques modalités permettant au travail d’usine de revêtir un visage humain. Ces modalités nous sont parvenues non seulement de Simone Weil, mais aussi des différents auteurs qui ont également pensé cette situation du travail en usine. Le sentiment de dignité est indispensable à tout homme. L’usine ne doit pas être le lieu où l’homme à cause du travail, se voit en train de perdre sa dignité. Pour ce faire, elle doit être respectée et conservée, pour aucun motif, l’homme ne doit perdre sa dignité. Outre la dignité qui doit être requise, il est très capital de penser à la santé physique et morale des ouvriers.  L’être humain n’est pas un robot à qui il faut imposer un rythme de travail totalement machinal. Le corps de l’homme a besoin de repos en vue de la reconstitution de la santé physique et mentale. Le rythme de travail doit correspondre à la force humaine.  Il est ainsi préférable comme le dit Weil, partir du régime actuel pour concevoir un meilleur. Un régime dans lequel le travail répondra à sa première vocation qui est celle d’apporter le bonheur à celui qui l’exécute. L’intensité du travail est à revoir dans la mesure où l’épuisement que connaissent les ouvriers à l’usine, rend vaines les heures de détente. Face à la situation d’usine, il urge de changer les réalités qui s’y passent et non faire comme certains chefs comme le dit Cibaka Cikongo « qui ont du talent pour changer les noms des choses et non pas leur réalité»[65].

 

 

CONCLUSION GÉNÉRALE

 

Au final, ce travail a porté sur la question du travail tel que réalisé par les hommes dans les milieux industriels.  Cette problématique a été traité d’une façon tripartite.

Dans le premier chapitre, nous nous sommes évertués à faire un panorama des différentes conceptions du travail. Il est bien clair que, le travail occupe une place très importante dans la vie de l’homme selon qu’il lui permet d’assurer sa survie, combler ses besoins humains et atteindre non seulement le développement de l’homme dans sa singularité mais aussi et surtout celui du genre humain. Les auteurs ont trouvé dans le travail une activité de l’émergence de la société c’est le cas de le dire le travail est la condition sine quanon de l’existence humaine, l’activité qui maintient la vie. Ou mieux l’homme se libère par le travail. Le travail qui est aussi rapport entre l’activité et le besoin. Conçu et présenté aujourd’hui comme instrument efficace du développement de l’homme et du monde, le travail fut, dans la Grèce antique, une activité méprisable qui faisait perdre à celui qui l’effectuait le statut de citoyen. Il n’avait jamais eu de la valorisation telle que nous le concevons à cette époque qui est la nôtre.

Dans le deuxième chapitre, nous avons d’une façon générale présenté comment est réalisé le travail dans le milieu industriel. Dans l’usine, les ouvriers sont placés sous la surveillance d’une hiérarchie complète. Ils ne sont pas seulement esclaves du chef de l’usine mais encore à chaque heure, les esclaves de la machine. Le développement de la technique a fait perdre au travail de l’ouvrier tout caractère d’autonomie. Les ouvriers sont soumis dès l’entrée jusqu’à la sortie de l’usine à l’exécution des ordres  donnés à eux par le chef. Étant des êtres humains, les ouvriers sont soumis dans l’usine à un rythme de travail complètement machinal. La cadence leur est imposée par le chef en vue d’augmenter la production qui est la principale préoccupation des chefs. Ils sont obligés à beaucoup produire peu importe les conséquences que porte cette surproduction sur la santé physique des ouvriers. Les ouvriers en usine, ne connaissent seulement pas la souffrance physique mais aussi celle morale. Les conditions humiliantes de l’usine dégradent de plus en plus les ouvriers surtout qu’on leur fait comprendre qu’ils ne comptent pour rien. Le travail en usine est déplorable dans la mesure où en usine, le chef traite les humains comme on dresse le chien.

C’est au troisième chapitre que nous avons donné quelques modalités pouvant humaniser le travail. La dignité doit être requise à tout celui qui réalise un quelconque travail. Pour aucune raison, l’homme ne doit perdre sa dignité. Il est très impérieux de songer à la santé physique et morale de toute personne exécutant un travail surtout dans le milieu industriel.  L’être humain n’est pas un robot à qui il faut imposer un rythme de travail totalement machinal. Le corps de l’homme a besoin de repos en vue de la reconstitution de la santé physique et mentale. Le rythme de travail doit correspondre à la force humaine.  Il est ainsi préférable comme le dit Weil, partir du régime actuel pour concevoir un meilleur. Un régime dans lequel le travail répondra à sa première vocation qui est celle d’apporter le bonheur à celui qui l’exécute. L’intensité du travail est à revoir dans la mesure où l’épuisement que connaissent les ouvriers à l’usine, rend vaines les heures de détente. Face à la situation d’usine, il urge de changer les réalités qui s’y passent et non faire comme certains chefs qui ont du talent pour changer les noms des choses et non pas leur réalité.

  

BIBLIOGRAPHIE

 

OUVRAGES DE L’AUTEUR

* WEIL, S., La condition ouvrière, Paris, Gallimard, 2002.

* WEIL, S., L’Enrencinement, Paris, Gallimard, 1949.

* WEIL, S., Oppression et liberté, Paris, Gallimard, 1955.

* WEIL, S., La Pesanteur et la grâce, Paris, Plon, 1947.

OUVRAGES SUR L’AUTEUR

* CARLIER,D., Penser la politique avec Simone Weil, Paris, Les Éditions de l’atelier, 2009.

* NARCY, M., Simone Weill. Malheur et beauté du monde, Paris, Éditions du centrion, 1967.

OUVRAGES GÉNÉRAUX

CIBAKA CIKONGO, A., Au nom du Père et du Nègre, Mbujimayi, Éditions Ditunga, 2021.

* FRIEDMANN, G., 7 Études sur l’homme et la technique, Paris, Éditions Gonthier, 1966.

* GARAUDY, R., L’Alternative, Paris, Éditions Robert Laffont, 1972.

* GORZ, A., Métamorphose du travail, Paris, Gallilé, 1988.

* HUISMANE, D., Hannah Arendt. La condition de l’homme moderne, Paris, Nathan, 2007.

* LALOUP, J., – NELIS, J., Communauté des hommes. Initiation à l’humanisme social, Tournai- Paris, Casterman, 1952.

* LALOUP, J., – NELIS,J., Hommes et machines, Paris, Gallimard, 1962.

* LECLERCQ, J., Les droits et devoirs individuels. Travail  Propriété, Namur, Wesmael- Charlier, 1946.

* PEROUX, F., Aliénation et société industrielle, Paris, Gallimard, 1970.

* SCHUMACHER, E.F., Une société à la mesure de l’homme, Paris, Seuil, 1978.

TABLE DES MATIERES

ÉPIGRAPHES…………………………………………………………………………………………………………………… I

DÉDICACE……………………………………………………………………………………………………………………… II

AVANT PROPOS…………………………………………………………………………………………………………….. III

  1. INTRODUCTION GÉNÉRALE……………………………………………………………………………………….. 1

0.1. PROBLÉMATIQUE…………………………………………………………………………………………………. 1

0.2. HYPOTHÈSE DE TRAVAIL…………………………………………………………………………………….. 1

0.3 CHOIX ET INTÉRÊT DU SUJET……………………………………………………………………………….. 2

0.5 SUBDIVISION DU TRAVAIL…………………………………………………………………………………… 3

PREMIER CHAPITRE : APERÇU GÉNÉRAL DU TRAVAIL………………………………………………….. 4

1.1 INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………………….. 4

1.2. QUELQUES CONCEPTIONS DU TRAVAIL………………………………………………………………. 4

1.2.1. HANNAH ARENDT………………………………………………………………………………………….. 4

1.2.2. SIMONE WEIL…………………………………………………………………………………………………. 5

1.2.3. JACQUES LECLERCQ………………………………………………………………………………………. 6

1.2.4. ANDRÉ GORZ………………………………………………………………………………………………….. 7

1.3. PRÉSENTATION DU TRAVAIL D’USINE…………………………………………………………………. 8

1.4. CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………….. 8

CHAPITRE DEUXIÈME : LE TRAVAIL DÉSHUMANISÉ EN USINE……………………………………. 10

2.1 INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………………… 10

2.2 LA RATIONALISATION………………………………………………………………………………………… 11

2.2.1 L’APERÇU DE LA RATIONALISATION…………………………………………………………….. 11

2.2.2 LES SOUFFRANCES CAUSÉES…………………………………………………………………………. 12

2.2.3 TAYLOR ET LA RATIONALISATION……………………………………………………………….. 13

2.2.4 PATRONS D’USINE ET LA RATIONALISATION………………………………………………… 14

2.2.5 LA RATIONALISATION SUR LE PLAN MORAL………………………………………………… 15

2.3. LA DÉGRADATION DES OUVRIERS…………………………………………………………………….. 16

2.3.1 LES ORDRES EN USINE…………………………………………………………………………………… 16

2.3.2 LE DÉSIR DE LA SURPRODUCTION………………………………………………………………… 18

2.3.3 LE RYTHME OU LA CADENCE DU TRAVAIL…………………………………………………… 18

2.3.4 LES CONDITIONS DE LA JOURNÉE DU TRAVAIL……………………………………………. 20

2.3.5 L’OPPRESSION OUVRIÈRE………………………………………………………………………………. 21

2.4 CONCLUSION………………………………………………………………………………………………………. 23

CHAPITRE TROISIÈME : LES MODALITÉS D’UN TRAVAIL NON SERVILE………………………. 24

3.1. INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………….. 24

3.2. CONTRE LES HUMILIATIONS………………………………………………………………………………. 24

3.2. FACE À LA CADENCE OU AU RYTHME DU TRAVAIL………………………………………….. 25

3.3.  LE TRAVAIL RÉALISÉ ET LE SALAIRE À PERCEVOIR…………………………………………. 27

3.4 CE QUE DOIVENT ÊTRE L’USINE ET LE TRAVAIL…………………………………………………. 28

3.4.1 LE RÉGIME INDUSTRIEL………………………………………………………………………………… 29

3.5 CONCLUSION………………………………………………………………………………………………………. 30

CONCLUSION GÉNÉRALE…………………………………………………………………………………………….. 32

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………………………………. 34

 

 

[1] Simone Adolphine Weil est une philosophe humaniste née à Paris le 3 février 1909 et morte à Ashford ( Angleterre) le 24 août 1943. Elle a été membre de la confédération générale du travail. Elle souhaite faire de la philosophie une manière de vivre,non pour acquérir des connaissances, mais pour être dans la vérité. Dès 1931, elle enseigne la philosophie et s’intéresse aux courants marxistes.  Elle a tenté de comprendre la condition ouvrière par l’expérience concret du travail en milieu industriel et agricole. Weil prend ouvertement position à plusieurs reprises dans ses écrits contre le nazisme et n’a cessé de vivre dans une quête de la justice et de la charité. S’intéressant à la question du sens du travail et de la dignité des travailleurs.

[2] D. HUISMANE, Hannah Arendt. La condition de l’homme moderne, Paris, Nathan, 2007, P.77.

[3]D. HUISMANE, Hannah Arendt. La condition de l’homme moderne. P.39.

[4]  D. CARLIER, Penser la politique avec Simone Weil, Paris, Les éditions de l’atelier, 2009, P.66 .

[5]  D. CARLIER, Penser la politique avec Simone Weil, P.67.

[6]  J. LECLERCQ, Les droits et les devoirs individuels. Travail, Propriété, Namur, Wesmael-Charlier, 1946,P.7.

[7]  J. LECLERCQ, Les droits et les devoirs individuels, P.9.

[8]  J. LECLERCQ, Les droits et les devoirs individuels, P.9.

[9]  A. GORZ, Métamorphose du travail, Paris, Galilé, 1988, P. 18.

[10] A. GORZ, Métamorphose du travail, P.18.

[11] S. WEIL, La condition ouvrière, Paris, Gallimard, 2002, P. 58.

[12] S. WEIL, La condition ouvrière, P.302.

[13] S. WEIL, La condition ouvrière, P.303.

[14] S. WEIL, La condition ouvrière, P.305.

[15] S. WEIL, La condition ouvrière, P.306.

[16] F. PEROUX, Aliénation et société industrielle, Paris, Gallimard, 1970, P.82-83.

[17] S. WEIL, La condition ouvrière, P.307.

[18] S. WEIL, La condition ouvrière, P.309.

[19] S. WEIL, La condition ouvrière, P.314.

[20] S. WEIL,, La condition ouvrière, P.316.

[21] S. WEIL, La condition ouvrière, P.317.

[22] S. WEIL, La condition ouvrière, P.320.

[23] S. WEIL, La condition ouvrière, P.322.

[24] S. WEIL, La condition ouvrière, P.324.

[25] S. WEIL, La condition ouvrière, P.332 .

[26] S. WEIL, La condition ouvrière, P.273.

[27] S. WEIL, Oppression et liberté, Paris, Gallimard, 1955, P.23.

[28] S. WEIL, La condition ouvrière, P.336.

[29] S. WEIL, La condition ouvrière, P.337.

[30] J.LALOUP et J.NELIS, Hommes et machines, Paris, Casterman,1962, P.107.

[31]  E.F. SCHUMACHER, Une sociétéà la mesure de l’homme, Paris, Seuil, 1978, P.157.

[32] S. WEIL, La condition ouvrière, P.337.

[33] J.LALOUP et J.NELIS, Hommes et machines, P.106.

[34] S. WEIL, La condition ouvrière, P.339.

[35] S. WEIL, L’enracinement, Paris, Gallimard, 1949, P.63.

[36] S. WEIL, La condition ouvrière, P.339.

[37] S. WEIL, La condition ouvrière, P.342.

[38] S. WEIL, La condition ouvrière, P.234.

[39] E.F. SCHUMACHER, Une sociétéà la mesure de l’homme, P.156.

[40] J. LECLERCQ, Droit et devoir individuel, P.234.

[41] S. WEIL, La condition ouvrière, P.269.

[42] S. WEIL, La condition ouvrière, P.269.

[43] S.WEIL, la condition ouvrière, Paris, Gallimard, 2002, P.213.

[44] S.WEIL, La condition ouvrière, P.214.

[45] J. LECLERCQ,  Les droits et devoirs individuels, P.302.

[46] M. NARCY,  Simone Weil, malheur et beauté du monde, Paris, Éditions du centrion, 1967, P.99.

[47] S. WEIL, La condition ouvrière, P.224.

[48]  J. LALOUP et J. NELIS, Communauté des hommes, P. 16.

[49] J. LALOUP et J. NELIS, Hommes et machines, P.226.

[50] J. LALOUP et J. NELIS, Hommes et machines, P. 227.

[51] E.F. SCHUMACHER,  Une sociétéà la mesure de l’homme, P. 160.

[52] S. WEIL, La condition ouvrière, P.303.

[53] S. WEIL, La condition ouvrière, P. 393.

[54] S. WEIL, La condition ouvrière,P. 341.

[55] S. WEIL, Pesenteur et la grâce, Paris, Plon, 1947, P.178.

[56] R. GARAUDY, L’alternative, Paris, Éditions Robert Laffont, 1972, P. 85.

[57] S. WEIL, La condition ouvrière, P. 402.

[58]  J. LECLERCQ, Les droits et devoirs individuels, P.48-49.

[59] S. WEIL, La condition ouvrière, P.307.

[60] M. NARCY, Simone Weil, malheur et beauté, P. 92.

[61] J. LECLERCQ, Les droits et devoirs individuels, P.51.

[62] G. FRIEDMANN, 7 Études sur l’homme et la technique, Paris, Éditions Gonthier, 1966, P.123.

[63] S. WEIL, La condition ouvrière, P.344.

[64] J. LALOUP et J. NELIS, Hommes et machines, P.231.

[65]A. CIBAKA CIKONGO, Au nom du Père et du Nègre, Mbujimayi, Éditions Ditunga, 2021, P.96-97.