LES MARQUEURS BIOLOGIQUES DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL

LES MARQUEURS BIOLOGIQUES DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL

Résumé: Reconnaître un sujet alcoolique est une requête fréquente, que ce soit dans un cadre médical ou médicolégal. Les besoins de connaître le statut alcoolique d’un individu sont multiples et variés. Parmi les plus fréquents, on peut citer: se prononcer sur l’origine d’une pathologie hépatique ou neurologique, inscrire et maintenir un candidat à une greffe hépatique sur une liste d’attente, identifier le travailleur alcoolique afin de prévenir les accidents de travail, ou encore apprécier le risque éventuel qu’un individu alcoolique représente, que ce soit derrière son volant ou dans le contexte d’une garde parentale. Les marqueurs biologiques spécifiques de la consommation d’alcool, combinés aux examens cliniques et psychologiques, constituent à ce jour les meilleurs outils pour identifier les individus à consommation problématique. L’utilisation de ces indicateurs fait également partie des mesures prônées pour l’accompagnement des sujets en cure de désintoxication. Distinguer le sujet abstinent, consommateur social (dit modéré) ou problématique peut, dès lors, s’avérer essentiel dans diverses situations. Les différents biomarqueurs disponibles à ce jour sont discutés dans cet article afin de permettre aux cliniciens une prescription adaptée aux investigations à mener.

Mots-clés: Abus d’alcool – Abstinence alcoolique – Biomarqueurs – Alcool

Biological markers of alcohol consumption

 Summary: To recognize an alcoholic subject is a frequent request, in a medical or forensic setting. The reasons to determine the alcoholic status of an individual are many and various. Amongst the most frequent are: to decide on the origin of liver or neurological disease, put and maintain a liver transplantation candidate on a waiting list, identify the alcoholic worker to prevent work-related accidents, or evaluate the possible risk an alcoholic individual represents, for road safety or for parental custody. The specific alcohol consumption biological markers combined with clinical and psychological examinations are the best tools to identify the individuals with a problematic consumption. The use of markers belongs to the recommended actions to support patients undergoing treatment for alcoholism. It is mandatory in various situations to distinguish between the teetotalers, the moderate or problematic drinkers. Different biomarkers are described here to allow practitioners to adapt their prescriptions.

Keywords: Alcohol abuse – Alcohol Abstinence – Biomarkers – Alcohol

Introduction

L’alcoolo-dépendance, qui concerne 4 à 6 % des Européens, correspond à l’incapacité d’un individu de se priver de consommer de l’alcool sous peine de souffrances physiques et/ou psychiques. Le sujet alcoolo-dépendant ne s’abstiendra pas de boire, même si des répercussions néfastes d’ordre médical, professionnel  ou encore familial apparaissent. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la consommation quotidienne d’alcool ne doit pas dépasser 2 verres pour les femmes et 3 verres les hommes. L’OMS conseille également de ne jamais dépasser 4 verres par jour et de s’abstenir de boire de l’alcool au moins une fois par semaine. La consommation est définie comme « chronique et excessive » lorsque la moyenne quotidienne d’alcool pur ingéré est supérieure à 60 g et ce, durant plusieurs mois. A noter que l’OMS déconseille, de manière unilatérale, la consommation d’alcool chez la femme enceinte et allaitante, de même que chez l’individu qui s’apprête à conduire un véhicule (1). Il est également établi que la consommation d’alcool, même modérée, augmente le risque de cancers. Ces seuils doivent dès lors, être interprétés avec circonspection, de l’aveu même de l’OMS, qui recommande évidemment de réduire la consommation au minimum. Par « verre », on entend environ 10 grammes d’alcool pur, soit une bière de 25 cl à 5°, un verre de vin de 10 cl à 12° ou un verre de whisky de 3 cl à 40°. Selon l’OMS encore, l’alcool serait impliqué dans 3,8 % des décès, ce qui en fait un des toxiques générant le plus de mortalité (2). Ce taux peut même augmenter jusqu’à 20 % dans certains pays de l’Europe de l’Est.

Les marqueurs biologiques de l’alcoolisme sont des outils opportuns pour confronter les quantités d’alcool aux déclarations d’un potentiel consommateur. On distingue les biomarqueurs « directs » et « indirects » (3, 4). Les premiers cités sont les produits générés lors de la métabolisation de l’alcool dans le corps humain, alors que les seconds sont des paramètres physiologiques dont les concentrations sont augmentées ou diminuées selon l’importance de l’alcoolisation du sujet. Ces nombreux biomarqueurs diffèrent les uns des autres selon leur sensibilité séméiologique (à savoir leur capacité à détecter les sujets alcooliques, et donc, éviter les faux négatifs) et leur spécificité séméiologique (capacité à identifier les sujets non alcooliques, et donc, éviter les résultats faussement positifs). Ces biomarqueurs se distinguent également en fonction des quantités d’alcool nécessaires pour en perturber le taux, en fonction du temps d’alcoolisation nécessaire pour voir apparaître ces modifications, mais aussi en fonction du temps nécessaire pour que le paramètre se normalise dès l’arrêt de la consommation d’alcool.

Les marqueurs indirects ont été les premiers utilisés pour identifier les sujets alcoolo-dépendants. Il faut noter que ces paramètres biologiques sont le plus souvent demandés dans un contexte plus large, dépassant largement l’objectif unique de se prononcer sur une consommation problématique. Ils sont connus comme étant des indicateurs dont l’augmentation des taux peut s’expliquer par la boisson, ce qui en a fait, indirectement, des biomarqueurs de l’alcoolisme. On en a, dès lors, oublié qu’ils ne sont pas toujours une preuve formelle de consommation, ni même une preuve formelle d’abstinence. Ils restent cependant à ce jour, certainement à tort, les paramètres les plus souvent prescrits pour évaluer l’importance des consommations.

Les biomarqueurs indirects

Parmi les biomarqueurs indirects, on peut citer :

  • Le volume moyen des globules rouges (VGM), pour lequel les valeurs de référence sont comprises entre 83 et 100 fl, augmente en cas de consommation excessive et prolongée d’alcool (au moins 60 grammes d’alcool pur par jour durant 4 à 6 semaines). Ce paramètre se normalise plus de deux mois après l’arrêt de la prise d’alcool. L’augmentation du volume globulaire s’explique par une carence en vitamine B12 (cobalamine) et en folates, déficits fréquemment observés chez la personne alcoolique suite à une diminution de résorption. Les résultats faussement positifs sont observés dans la maladie de Biermer (anémie pernicieuse), de même que dans les pathologies induisant des hémorragies, ou encore en cas d’hypothyroïdie. De nombreuses médications ont, de plus, tendance à augmenter la taille des globules rouges (contraceptifs oraux, anticonvulsivants, antiviraux, colchicine, chimiothérapie). Ce marqueur présente ainsi de faibles sensibilités et spécificités et ne devrait plus être retenu comme marqueur confondant dans le cadre de l’alcoolo-dépendance (3-6). • La g-glutamyl transférase (g-GT), enzyme intracellulaire et microsomiale, notamment d’origine hépatique, présente une augmentation d’activité (multiplié par un facteur 3 à 10) en cas de consommation régulière et excessive d’alcool. L’augmentation des taux de l’enzyme nécessite au moins 5 verres par jour (parfois jusqu’à 20 verres) durant plusieurs semaines. Si la personne alcoolique cesse de boire, les taux sériques de cette enzyme diminuent de moitié tous les 14 à 26 jours. De nombreuses conditions médicales peuvent entraîner des faux positifs, telles les insuffisances biliaires, les pathologies hépatiques, les pancréatites, l’obésité ou encore l’hyperthyroïdie, ce qui explique sa faible spécificité séméiologique dans le cadre du dépistage de l’alcoolisme. La spécificité du marqueur est, cependant, nettement meilleure lorsque l’on cible une population suspectée d’être alcoolique, ce qui en fait un bon paramètre pour exclure une consommation problématique dans cette population. L’élévation des taux présente, de plus, l’intérêt de précéder, dans le temps, les lésions hépatiques cliniquement significatives. Ce paramètre est aussi utile pour confirmer l’absence de consommation durant les cures de désintoxications (vérifier l’absence d’augmentation des taux pouvant traduire la rechute, mais aussi la diminution régulière de la g-GT toutes les 2 à 3 semaines) (3-6).
  • Les transaminases, aussi dénommées TGO (Glutamate-Oxaloacétate-Transaminase) ou ASAT (ASpartame-AminoTransférase) et TGP (Glutamate-Pyruvate-Transaminase) ou ALAT (ALanine-AminoTransférase), sont présentes dans la mitochondrie (TGO) et le cytoplasme (TGO et TGP) de l’hépatocyte. Leur activité augmente chez la personne alcoolique (TGP d’abord, TGO ensuite). La raison en est une souffrance hépatique (cytolyse), libérant les enzymes dans la circulation. L’élévation des taux sanguins apparaît 3 à 7 jours après une consommation quotidienne supérieure à 4 verres. Un ratio TGO/TGP supérieur à 2 est un excellent paramètre permettant de confirmer une atteinte hépatique causée par l’alcool. Les faibles sensibilité et spécificité séméiologiques de ces paramètres, pris individuellement, expliquent cependant qu’ils ne peuvent être utilisés que pour identifier des sujets fortement alcoolo-dépendants, et non des consommateurs modérés (3-6).

Ces trois biomarqueurs présentent l’intérêt de pouvoir être mesurés dans la majorité des laboratoires d’analyse et ce, pour un prix très modéré couvert par une intervention de l’INAMI. Aucun de ces tests n’est cependant suffisamment spécifique pour affirmer une consommation alcoolique excessive (plusieurs pathologies non alcooliques entraînent, en effet, les mêmes anomalies biologiques). Le lien établissant la relation entre perturbations biologiques de ces biomarqueurs et alcoolisation excessive est, dès lors, difficile et hasardeux, et demande au moins que l’ensemble de ces tests soit perturbé (5). De plus, ces biomarqueurs ne présentent aucun intérêt pour la mise en évidence du «binge drinking» (mode de consommation excessif de boissons alcoolisées sur une courte période de temps, par épisodes ponctuels ou répétés), ainsi que pour la confirmation d’une consommation quotidienne et modérée d’alcool.

Le paramètre «indirect» le plus approprié pour évaluer les consommations d’alcool est, très certainement, la CDT, ou «Carbohydrate Deficient Transferrin». La transferrine est une glycoprotéine impliquée dans le transport du fer dans l’organisme. Elle possède la particularité de porter plusieurs résidus d’acide sialique (au moins 4 dans les conditions normales). Une consommation de 50 à 80 grammes d’alcool par jour (5 à 8 verres) entraîne une nette diminution des résidus sialiques et, dès lors, une augmentation du taux des formes peu sialylées de la transferrine. Le taux de CDT augmente après 10 jours de consommation excessive, et se normalise après 2 à 4 semaines d’abstinence. Si la CDT est un marqueur présentant une excellente spécificité, il n’en reste pas moins un critère indirect de la consommation, et on peut être confronté à un résultat faussement positif suite à l’existence de certaines variantes génétiques. La sensibilité du test est nettement moindre. Des consommations quotidiennes et modérées, ou épisodiques mais importantes, n’entrainent pas toujours d’augmentation des formes désialylées (3-8).

Les biomarqueurs directs

Les paramètres dits «directs» sont des agents obtenus suite à la transformation biochimique de l’éthanol dans l’organisme. La plupart d’entre eux ont été développés dans un contexte de recherche et manquent encore d’une validation scientifiquement rigoureuse. Evidemment, le meilleur paramètre permettant de confirmer une consommation récente d’alcool est l’alcool lui-même. Ce dernier présente, cependant, l’inconvénient d’être rapidement éliminé de l’organisme, aussi bien du sang que des urines. D’autres marqueurs sont ainsi à rechercher.

Parmi les biomarqueurs directs de la consommation d’alcool, on retrouve :

  • L’éthylglucuronide (ETG), métabolite mineur (0,5 %) de l’éthanol, qui représente le chef de file des tests spécifiques de la consommation d’alcool. Il est issu de la phase II de la métabolisation, à savoir la conjugaison de l’éthanol à l’acide glucuronique réalisée au niveau du réticulum endoplasmique de l’hépatocyte. L’ETG peut être recherché dans le sang, l’urine ou encore les cheveux. Il apparaît dans le sang 45 minutes après la consommation, et 15 minutes plus tard dans l’urine. Ce métabolite n’est totalement éliminé du milieu sanguin que 8 heures après que l’alcoolémie se soit négativée, et il est éliminé totalement de l’urine après 48 heures. A noter que le produit peut aussi perdurer jusqu’à 130 heures dans l’urine en cas de consommation excessive. L’ETG est un test qui permet, donc, de confirmer ou d’infirmer une consommation d’alcool au cours des dernières 48 heures. Sa recherche dans les cheveux permet d’estimer l’alcoolisation du sujet au cours des 3 derniers mois, pour autant que la longueur des cheveux le permette. Ces caractéristiques en font un excellent biomarqueur pour détecter les rechutes lors des cures de sevrage alcoolique. L’analyse capillaire est également un excellent test pour identifier les sujets alcooliques avec, pour un seuil de 30 pg/ mg, une sensibilité de 80 à 95 % et une spécificité de 70 à 90 %. Ce test présente cependant des inconvénients, principalement liés à sa grande sensibilité. En effet, l’utilisation de bains de bouche à base d’alcool est suffisante pour positiver le test urinaire, de même que l’ingestion de plusieurs litres de bières sans alcool (dénommée sans alcool lorsque le taux de ces dernières est inférieur à 0,5 % vol). Ce fait doit être bien expliqué au sujet en sevrage soumis à ce test, de manière à éviter un résultat positif douteux. Cette grande sensibilité peut également positiver des cheveux par l’utilisation de lotions renfermant de l’alcool (Petrole Hahn®, etc.) et, à l’inverse, un résultat faussement négatif peut être induit par des traitements capillaires agressifs (décoloration, lissage) (9, 10).
  • L’EThylSulfate (ETS), qui est, lui aussi, un métabolite de phase II issu de la sulfoconjugaison de l’éthanol. Ce paramètre présente exactement les mêmes caractéristiques que l’ETG, mais est produit en plus faible quantité. Cela explique qu’on lui préfère le métabolite glucuroconjugué (9).
  • Le PhosphatidylEthanol (PEth) qui est un phospholipide membranaire anormal formé uniquement en présence d’éthanol, notamment dans la membrane des globules rouges. Il ne s’agit pas d’un paramètre unique, mais plutôt d’un groupe de glycérophospholides comptant au moins 48 spécimens. L’homologue 16:0/18:1 est le dérivé majoritairement formé en cas de consommation d’alcool, ce qui explique que ce paramètre seul soit assimilé au terme «PEth». Le taux de PEth est détectable dans le sang 30 minutes après la consommation, atteint son maximum après 90 à 120 minutes, et reste significatif jusqu’à 12 jours après une seule consommation d’alcool. Ces remarquables caractéristiques en font un paramètre optimal pour évaluer les consommations quotidiennes ainsi que pour le suivi du sevrage. De plus, le taux de PEth est utile pour la mise en évidence rapide d’une modification des habitudes de consommation d’un sujet. Les concentrations du paramètre dans le sang permettent de distinguer facilement le consommateur modéré (maximum 2 à 3 verres par jour) du sujet à haut risque d’alcoolisme (soit au moins 60 g d’alcool pur par jour). Le taux de PEth est peu sensible aux paramètres qui peuvent perturber les biomarqueurs indirects tels que l’âge, le genre, les thérapies médicamenteuses, ou des pathologies non alcoolo-dépendantes, comme l’hypertension, l’insuffisance rénale ou encore les pathologies hématologiques. Le paramètre ne semble pas non plus sensible aux petites expositions involontaires à l’alcool, telles les lotions capillaires, les bains de bouches, les sauces préparées à base d’alcool, … (9,11-13). Ce nouveau paramètre ne dispose cependant pas encore de « cut-off » officiellement établis, mais il sera, à l’avenir, un des paramètres les plus utiles pour évaluer le profil de consommation d’un sujet, qu’il soit abstinent, buveur social, ou alcoolique.
  • Les esters éthyliques d’acide gras (en anglais, « Fatty Acid Ethyl Esters ou FAEEs) sont issus de l’action directe de l’alcool sur les acides gras libres. Parmi les acides gras estérifiés, on retrouve les dérivés de l’acide oléique, de l’acide stéarique ou encore de l’acide palmitique. C’est ce dernier qui est dosé spécifiquement lorsqu’un dosage de FAAEs est demandé. A l’instar de l’ETG, ce paramètre peut être recherché dans le sang et dans les cheveux, mais pas dans l’urine en raison de sa faible solubilité. Le dosage des FAEEs dans les cheveux est utilisé comme mesure de contrôle, complémentairement à l’analyse d’ETG capillaire. Ces deux paramètres sont alors utiles pour identifier les consommateurs problématiques (taux de FAAEs capillaires supérieur à 0,35 ng/mg), mais l’analyse capillaire n’a aucune utilité pour confirmer l’abstinence de consommation, et peut, tout au plus, exclure cette abstinence. Comme c’est le cas pour l’ETG capillaire, les traitements cosmétiques (coloration, décoloration, permanente, lissage) peuvent entraîner une diminution des taux de FAEEs. Le recours à des solutions capillaires alcoolisées entraîne, quant à lui, des résultats faussement augmentés. Ce marqueur, comme son nom le laisse deviner, s’accumule également dans les graisses, ce qui en fait un indicateur parfois utilisé pour confirmer une alcoolisation antemortem lorsque le corps est putréfié. En effet, la putréfaction entraîne rapidement une production d’alcool post mortem, rendant l’interprétation de l’alcoolémie parfois hasardeuse. La présence de FAAEs dans les graisses confirme l’alcoolisation ante mortem, puisque les enzymes impliquées dans l’estérification sont ATP-dépendantes, et, dès lors, inactivées après le décès (6).

D’autres biomarqueurs « directs » sont étudiés pour évaluer les consommations d’alcool, mais restent, à ce jour, principalement utilisés dans un cadre expérimental. Parmi ces derniers, on peut citer l’acétaldéhyde : celui-ci est le premier métabolite issu de l’activité oxydative de l’alcool-déshydrogénase. Produit en grande quantité, il peut former des adduits au niveau de nombreuses structures protéiques. Certains adduits sont détectables dans le sang jusqu’à 3 semaines après la consommation. Ces adduits peuvent également entraîner une réponse du système immunitaire, se traduisant par la formation d’anticorps anti-adduit de l’acétaldéhyde. Leur dosage peut également être utilisé comme indicateur de consommation d’alcool.

Les autres marqueurs du futur seront peut-être la β-hexosaminidase, l’acide sialique, les protéines de transfert des cholestéryls esters, le 5-hydroxytryptophol et l’acide 5-hydroxyindole-3-acétique, le salsolinol, le dolichol et les cytokines. Les techniques protéomiques qui permettraient la recherche d’une multitude de protéines ayant subi des modifications liées à l’exposition à l’alcool, que ce soit des altérations d’ordre structurel et/ou fonctionnel, sont également prometteuses.

Discussion

La sélection des paramètres à prescrire pour évaluer la consommation alcoolique d’un individu dépend ainsi de son profil (connaissance de sa consommation), mais aussi du type de consommation que l’on veut confirmer : abstinence, consommation sociale ou modérée, ou forte dépendance traduite par une consommation excessive et quotidienne. Les analyses seront, dès lors, sélectionnées selon leur sensibilité et leur spécificité séméiologiques dans la population étudiée, afin de pouvoir définir, au mieux, le profil du consommateur. Les tests d’une grande sensibilité seront utilisés pour limiter le risque de faux négatifs, alors que ceux présentant une bonne spécificité seront employés lorsque l’on souhaite éviter les faux positifs. Il est important de noter que spécificité et sensibilité d’un test sont entièrement liées, et augmentent ou diminuent selon les seuils utilisés pour distinguer les deux populations.

Malgré l’existence de nombreux marqueurs biologiques dont les taux sont influencés par la présence d’alcool, très peu de paramètres disposent de seuils scientifiquement validés. Ainsi, les valeurs de référence renseignées pour les marqueurs indirects comme le VGM, les g-GT, les TGO et TGP varient suivant les laboratoires. Les seuils permettant de distinguer, pour ces paramètres, les profils de consommation d’alcool ne sont tout simplement pas renseignés. Seules des valeurs cibles sont mentionnées pour les CDT, mais varient, de manière importante, suivant les laboratoires d’analyse (« cutoff » de 1,7 % pour les plus restrictifs à 2,6 % pour les plus permissifs). Cette absence d’uniformité dans les seuils de décision explique qu’un même sujet peut être classé dans des profils de consommation différents suivant le lieu où les analyses sont réalisées. Seul l’ETG dispose de valeurs de référence validées scientifiquement et acceptées unanimement. Des taux urinaires < 0,1 mg/l sont compatibles avec une absence de consommation d’alcool au cours des dernières 48 heures et des taux > 1 mg/l sont compatibles avec des consommations au cours des dernières 48 heures. Les taux intermédiaires sont difficilement interprétables, correspondant soit à une exposition involontaire à de faibles quantités d’alcool, soit à une consommation remontant à plus de 48 heures. Les seuils décisionnels sont également fixés pour les cheveux, où des taux < 7 ng/mg sont compatibles avec une absence de consommation, des taux > 30 ng/mg sont observés chez les buveurs excessifs, alors que des taux intermédiaires correspondent à une consommation modérée et sociale d’alcool (14).

Conclusion

Malgré la multitude de tests disponibles, peu sont aujourd’hui prescrits dans le but d’évaluer les consommations alcooliques. L’ETG urinaire est le test à retenir pour confirmer l’abstinence durant les programmes de sevrage, pour les patients inclus sur des listes d’attente de greffe hépatique, pour les cas médicolégaux ou encore comme premier indicateur de suivi à court terme. En combinaison avec les CDT et le PEth, les consommations au cours des 2 à 3 dernières semaines peuvent également être évaluées. L’ETG capillaire reste le meilleur paramètre pour évaluer les consommations au cours des 2 à 3 derniers mois, ce qui en fait un outil très intéressant pour le suivi des patients à long terme. Les paramètres biologiques conventionnels comme les TGO, TGP et g-GT peuvent, au mieux, être utilisés pour confirmer une pathologie hépatique, qui ne pourra, sur base de ces seuls paramètres, être certifiée d’origine alcoolique vu la faible spécificité des tests. Les meilleurs marqueurs du futur seront obtenus par des combinaisons multivariées, permettant d’inclure plusieurs biomarqueurs définissant avec plus de précision le profil de consommation du sujet testé. Il est, cependant, important de retenir que les biomarqueurs de l’alcoolisme constituent seulement l’un des critères d’évaluation de la dépendance à l’alcool, et qu’ils doivent toujours être combinés avec d’autres critères tels que les examens cliniques et psychosociaux.

Bibliographie

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