Lutte contre la corruption et la bonne gouvernance en RDC : quelles réformes pour un cadre juridique efficace ?

Lutte contre la corruption et la bonne gouvernance en RDC : quelles réformes pour un cadre juridique efficace ?

Félix MAKANGA KAMUANGA 

Chercheur en Droit

Licencié en Droit Public à l’Université de Lubumbashi 

Introduction

En République Démocratique du Congo, la persistance de la corruption et la

faiblesse de la gouvernance restent des défis majeurs à relever pour assurer la stabilité et le développement. Bien que des efforts aient été entrepris pour renforcer les lois et mettre en place des structures de lutte contre la corruption, l’efficacité de ces dispositifs reste limitée par de nombreuses lacunes. Les mécanismes existants manquent souvent de cohérence, de moyens adéquats et de l’indépendance nécessaire pour exercer leurs missions. De ce fait, la question des réformes pour un cadre juridique efficace se pose avec acuité. Quelles mesures législatives et institutionnelles doivent être adoptées pour rendre la lutte contre la corruption plus efficace et garantir une bonne gouvernance en RDC ? Cette analyse propose d’explorer les réformes essentielles à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs et instaurer un environnement propice à la transparence et à la responsabilité dans la gestion des affaires publiques.

Toutes les tentatives de la décentralisation territoriale n’ont pas parvenu à

développer la République Démocratique du Congo. Les expériences de la décentralisation en R.D. Congo n’ont pas pu atteindre leurs objectifs car le pays était mal gouverné[1]. D’où la nécessité aujourd’hui de recourir à la « bonne gouvernance » pour que la décentralisation actuelle arrive à développer les entités territoriales décentralisée en particulier et la RD. Congo en général. En parlant de la situation de gestion publique en RDC, le prof. LUNDA BULULU souligne que la R.D.C est « un Etat caractérisé par la mégestion, les détournements des derniers publics à grande échelle, la corruption pratiquement institutionnalisée dans le secteur public, le manque de sanction ».[2] Quant au développement, nous constatons avec lui qu’à cause de ces pratiques les entités territoriales décentralisées ainsi que le pays tout entier ne peuvent « aller de l’avant, même pas en titubant »[3].

De ce qui précède, nous constatons que pour développer les entités

territoriales décentralisées, la décentralisation à elle seule ne suffit pas, il faut recourir à une gestion saine. Cette gestion saine n’est autre chose que la bonne gouvernance. Ceci nous amène à examiner brièvement le sens, l’origine, les dimensions de la bonne gouvernance et les pratiques contraire à celle – ci considérées comme un frein au développement.

CHAPITRE 1 : SENS, ORIGINES ET DIMENSIONS DE LA BONNE GOUVERNANCE

La bonne gouvernance constitue actuellement le mot le plus cité dans les

discours politiques et des intellectuels congolais. Beaucoup pourraient alors se demander si la bonne gouvernance est un slogan ou une «  règle » pour conduire les affaires publiques de l’Etat afin d’atteindre les objectifs de tout pouvoir, notamment le développement socio-économique, l’épanouissement de l’homme et l’amélioration du bien-être des citoyens.

Afin de répondre à cette préoccupation, il importe avant tout d’examiner la

compréhension du concept « bonne gouvernance ».

§.1. Sens de la bonne gouvernance

Pour bien appréhender le sens de la bonne gouvernance, il faut d’abord

commencer par donner la définition du mot « gouvernance ». Ce mot vient du verbe « gouverner » faisant son apparition au XIe siècle et qui signifie diriger conduire, mener. Mais diriger la conduite d’une personne signifie administrer, gérer, élever, instruire… c’est cette dernière définition qui s’accorde avec notre travail. La gouvernance peut alors se définir comme « un ensemble des mécanismes liés à l’organisation, au fonctionnement et à la gestion de tel ou tel domaine d’activité de l’Etat »[4]. Selon le même auteur, c’est un type de rapport devant régner entre l’Etat et la société civile considérée comme la population organisée en réseaux pour la défense des leurs intérêts. C’est ainsi que la gouvernance peut être considérée comme les voies et les moyens d’exercer l’autorité politique, économique et administrative par la conduite des affaires d’un pays dans le but d’assurer la cohésion sociale, l’intégration et le bien-être de la population. En fait, lorsque la gestion échoue et capote, on parle de mal gouvernance au lieu de bonne gouvernance.

A l’instar des autres concepts en droit public, tels que la démocratie, l’Etat de

droit, l’ordre public, la bonne gouvernance n’a pas une définition qui fait l’unanimité. Elle se définit selon les auteurs. Selon M. CIHUNDA HENGELELA, la bonne gouvernance « fait allusion au besoin de gouvernement des hommes et des choses. C’est une aventure acquise à la recherche de meilleurs systèmes de gestions des hommes et des biens, l’interrogation de processus de décision à l’aune de leur efficacité, mais aussi de leur légitimité »[5]

Selon P. LAMY, la bonne gouvernance peut être considérée comme «

capacité de décision d’un genre nouveau, fruit de la négociation permanente entre parties prenantes, entres acteurs sociaux, dans le cadre d’une entreprise, d’un Etat, d’une ville ou autour d’un problème à résoudre »[6]. Ces deux auteurs mettent l’accent sur les acteurs de la bonne gouvernance ainsi que l’objet de celle-ci. Selon ces deux auteurs, nous constatons que la bonne gouvernance peut s’appliquer dans le secteur aussi bien public que privé.

Quant à BOENINGER, la bonne gouvernance se réfère à la meilleure gestion

de la chose publique basée sur les respects des principes tels que transparence et responsabilité avec des dirigeants devant rendre compte. Elle fustige la corruption et postule l’existence d’un pouvoir judiciaire indépendant, le respect des droits de l’homme et libertés, notamment liberté d’association qui devrait permettre l’émergence d’une société civile forte et organisée[7]. Cette dernière définition nous parait complète, car elle fait allusion aux acteurs, à l’objet et à l’élément capital qu’est le renforcement du pouvoir judiciaire.

De ce qui précède, il y lieu de retenir quelques éléments communs à toutes

les définitions données à la bonne gouvernance. Il s’agit notamment de : de la gestion transparente de la chose publique (Etat, province, entité territoriale décentralisée), de la responsabilité des gouvernants (devant leurs acteurs et leurs institutions compétentes), et l’obligation de rendre compte de leur gestion (devant les cours et tribunaux, et le pouvoir législatif), du refus de la corruption, de la participation collective au destin commun, du respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. En effet, les entités territoriales décentralisées doivent s’approprier cette définition afin de la mettre en application pour se développer et ensuite toute la RD. Congo se développera. Ceci nous amène à examiner les origines de la bonne gouvernance. 

§.2. Les origines de la bonne gouvernance

L’examen sur les origines du concept « bonne gouvernance » a pour but de

renforcer la compréhension du terme, en tant que facteur de développement des entités décentralisées, dans la perspective de rendre aisée son applicabilité par les autorités locales.

  • Les origines lointaines

Selon Pascal LAMY, la gouvernance est d’abord un mot français et sa

première apparition remonterait au XII siècle, avec u sens désignant la direction des bailliages[8].

A partir de XIII siècle, le sens retenu est large et renvoie à l’action de

gouverner. Au moyen âge, le terme est utilisé d’une autre façon en l’élargissant de plus en plus. Le terme « gouvernance » est employé au Royaume-Uni pour caractériser le mode « d’organisation du pouvoir féodal ». Mais à partir du XIV siècle, avec l’émergence de l’Etat moderne, la réflexion conceptuelle sur le pouvoir distinguera de plus en plus les notions de «  gouvernance » et de « gouvernement ». La gouvernance passe au second plan, tandis que s’élabore, chez MACHIIAVEL notamment, la conception de l’Etat monopolisant l’intégrité d’un pouvoir exercé sur une population circonscrite à un territoire donné[9]. La gouvernance est de ce fait marginalisée et ne sert qu’à décrire la science du gouvernement, c’est-à-dire « la façon de prendre en charge adéquatement la chose publique indépendamment de la question du pouvoir

»[10].

  • Les origines récentes

De nos jours, le terme bonne gouvernance a fait son entrée dans le discours

politique et scientifique de la fin des années 1970 après l’échec des politiques d’ajustements structurels (P.A.S) et des «dictatures de développement » naguère soutenues par la banque mondiale et le fond monétaire international[11]. Beaucoup d’auteurs la situent, à tort ou à raison, au début des années 1990 et la lient d’une façon unanime à l’échec des PAS[12].

  • Sur le plan international

Sur le plan international, le terme gouvernance conquiert la scène politique

lors de la première guerre de golf dans les années 1990. Selon le propos de George Bush senior, la bonne gouvernance participait d’une certaine attente d’un «  nouvel ordre mondial qui devrait poser quelques questions notamment : celle de l’organisation de pouvoir à l’échelle mondiale, celle de leurs moyens, de leur finalité ainsi que celle de leur légitimité et de leur responsabilité politique[13].

  • En République Démocratique du Congo

Le concept de bonne gouvernance tire ses origines dans plusieurs sources. Premièrement, il tire son origine dans l’exigence des pays qui se sont déclarés prêts à financer la reconstruction de la République Démocratique du Congo. Aussi, tire-t-il dans les conditions posées par le Fond Monétaire International et la Banque Mondial en vue de financer le projet de développement en république démocratique du Congo[14]

§.3. Dimension de la bonne gouvernance

La bonne gouvernance a plusieurs dimensions, mais nous retiendrons

seulement trois d’entre elles. Il s’agit de la dimension politique, la dimension économique et la dimension socioculturelle.

  • La dimension politique.

Elle est le processus de prise de décision en rapport avec l’élaboration des

politiques. Ici, les autorités locales sont mieux placées car elles maîtrisent bien les problèmes de leurs entités décentralisées et sont très proches de la population. Ce qui favorise le développement de l’entité territoriale décentralisée.

La dimension politique est caractérisée par les éléments tels que la suprématie

de la constitution, la protection de droits humains, l’Etat de droit, la tenue des élections régulières, libres et transparentes, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la responsabilité des gouvernants[15].

Grâce à cette dimension, la bonne gouvernance paraît être garantie par les

mécanismes de contrôle de la gestion publique que sont le Parlement et les Cours et Tribunaux… – La dimension économique

Cette dimension recouvre les processus de prise de la dimension qui ont une

incidence sur les activités économiques des entités territoriales décentralisées en particulier ainsi que celle du pays en entier et des relations économiques du pays avec d’autres pays. « Ceci a des répercussions importantes sur l’équité, la pauvreté et la qualité de la vie»[16]. Car une bonne gestion attire les investissements. C’est ainsi que la législation économique et l’attitude des autorités locales peuvent favoriser le développement des entités territoriales décentralisées.

En effet, la dimension économique s’attache à transparence dans la gestion de

la chose publique, la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et contre l’impunité, l’orthodoxie dans l’utilisation des finances publiques, la transparence dans la passation des marchés publics et dans l’octroi des concessions minières ou autre domaine d’exploitation ou d’exploration des ressources naturelles nationales, provinciales et locales.

             –     La dimension socio-culturelle

Elle concerne les mécanismes d’accès des citoyens aux services sociaux de

base (éducation, santé, emploi, logement…). Il s’agit dans ce domaine d’une mise en œuvre d’une politique culturelle nationale, provinciale et locale en vue du développement, de la promotion, de la diversité culturelle et de dialogue des cultures, gages de la paix interne et de la cohésion nationale de la promotion et de la préservation du patrimoine culturel local (il peut être aussi provincial ou national), de la promotion de genre. Sur le plan social, la bonne gouvernance exige l’amélioration des conditions de vie des personnes en leur offrant notamment un meilleur système sanitaire et de la sécurité sociale, sans oublier l’assurance. Or en ce que nous sachions, les entités territoriales n’ont pas des ressources suffisantes pour répondre à toutes ses préoccupations. Mais le manque de ce moyen ne peut pas constituer une excuse pour les entités décentralisées. D’où les autorités locales doivent biens gérer les affaires locales en vue d’y arriver. Comme on peut le constater, la bonne gouvernance n’est pas un slogan mais une « institution », une « valeur » qui a acquis une notoriété incontestable. Cette institution a ses animateurs que nous appelons acteurs de la bonne gouvernance[17].

§.4. Acteurs de la bonne gouvernance

Il ne suffit pas à un Etat d’avoir des institutions élues pour se croire en

démocratie ou dans un Etat de droit. Mais il faut surtout compter sur la capacité des animateurs de ses institutions à se conformer aux prescrits des textes constitutionnels et légaux qui promeuvent la démocratie, l’Etat de droit et de la bonne gouvernance[18].

Dans un Etat, la bonne gouvernance se construit avec les concours des acteurs : politiques, économiques, sociaux et culturels. La réussite de la bonne gouvernance dépendra de comportement de ces acteurs. C’est à partir de cet instant que naît le besoin d’un leadership tant institutionnel, collectif qu’individuel dans la gestion de l’Etat. Au sein d’un Etat (gouvernement central, provinces, entités territoriales décentralisées), les acteurs à l’émergence de la bonne gouvernance sont, d’une part, publics et, d’autre part privés.

1. Acteurs publics de la bonne gouvernance

En R.D.C, les acteurs publics de la bonne gouvernance sont le Président de la République (et les gouverneurs des provinces, les maires de villes, les bourgmestres des communes, les chefs de chefferies et des secteurs), le Gouvernement, le Parlement, les Cours et Tribunaux, les Institutions d’appui à la démocratie et les partenaires internationaux.

En ce qui concerne le président de la république, selon l’article 69 de la

constitution qui dresse ses fonctions, il est l’incarnation physique de la nation. A ce titre, il veille au respect de la constitution, il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale et du respect des instruments internationaux. Ces fonctions placent le Président au – dessus de la mêlée et font de lui le premier acteur de la bonne gouvernance. Son rôle à ce niveau et son leadership consistent à inciter tous les autres acteurs de la bonne gouvernance.

Toutefois, il n’est pas tenu à rendre compte à quelqu’un. Sauf évidemment, à

la fin de son mandant et au moment où il voudra solliciter la confiance du peuple. Nous déduisons, en ce qui le concerne que l’inadéquation entre la détention des pouvoirs énormes par ce dernier et l’absence d’une obligation à lui imposer de rendre compte est un facteur susceptible de ne pas favoriser la bonne gouvernance. Heureusement, en ce qui concerne, les autorités de l’exécutif local, elles sont responsables, comme les ministres devant l’assemblée nationale, devant les organes délibérants des entités territoriales décentralisées

Quant au Gouvernement central, de par sa mission de gérer l’Etat au

quotidien, le gouvernement apparaît comme le plus concerné par les exigences de la bonne gouvernance. Dans ses tâches de mise en œuvre des politiques nationales, de l’exécution des lois, de mobilisation des ressources et du fait qu’il est au contact direct avec les citoyens, le gouvernement semble être le premier architecte de la bonne gouvernance[19].

Pour le Parlement, il a parmi ses fonctions, le contrôle de l’action de l’exécutif. C’est ainsi que le Parlement est le lieu par excellence où se promeut la bonne gouvernance. C’est dans ce sens que l’article 138 de la constitution énumère d’une manière claire les moyens d’information et de contrôle du parlement sur le gouvernement permettant ainsi, lorsqu’ils sont utilisés avec efficacité, d’assurer la gestion de l’Etat en vertu des exigences de la bonne gouvernance. Le spectre des sanctions ; [motion de censure (art 171, al 1 de la constitution)motion de défiance (al 2 du même article)-est un atout qui renforce le rôle du parlement dans ce domaine. En outre, le parlement dispose d’un autre atout favorable à l’émergence de la bonne gouvernance. Il s’agit de l’existence de l’opposition en son sein.

Dans leurs rôles de garant des libertés individuelles et des droits

fondamentaux des citoyens, les cours et tribunaux jouent un rôle important dans l’émergence de la bonne gouvernance en R.D.C (art 150 al1 de la constitution).

En outre, les cours et tribunaux favorisent la bonne gouvernance à travers leur

apport dans la lutte contre l’impunité. Et cela n’est pas possible que lorsqu’ils jouissent d’une réelle indépendance à l’égard de l’exécutif et du législatif. 

En conclusion, ce qui est dit pour les institutions publiques au niveau central

l’est également pour les autres institutions tant au niveau provincial que local.

2. Acteurs privés de la bonne gouvernance

Parmi les acteurs privés de la bonne gouvernance, il y a le peuple Congolais

et la société civile Congolaise. L’élément essentiel de la bonne gouvernance est donc le partage du pouvoir avec l’ensemble des citoyens. Il y a aussi la responsabilité partagée entre les gouvernants et les gouvernés. A ce titre, il est essentiel de permettre à la population de prendre de plus en plus en main son destin. C’est elle qui a voulu et obtenu la paix, c’est elle qui voudra et obtiendra le progrès[20].

La constitution du 18 février 2006 en son article 27 reconnaît à tout Congolais

le droit d’adresser une pétition à l’autorité publique. Cette disposition donne l’occasion au peuple Congolais d’œuvrer en faveur de la bonne gouvernance en demandant aux dirigeants de rendre directement compte de leur gestion. D’où une « obligation» de « publier ce qu’on a payé ». En outre, le peuple détient un pouvoir non négligeable. Il s’agit du pouvoir électif qu’il peut à tout moment brandir pour pousser les élus à la pratique de la bonne gouvernance. Il faut aussi ajouter à ces atouts, les devoirs de s’acquitter des impôts et de contribuer à la charge publique. Ce qui nous amène à dire que la plus grande préoccupation pour ce temps pourrait être la transformation des mentalités des Congolais à travers une sensibilisation et une éducation sur la bonne gouvernance, car depuis longtemps les décisions publiques ne sont pas exécutées à cause de la mauvaise foi des Congolais eux-mêmes, car la plus grande crise aujourd’hui est la crise de mentalité. Pour trouver remède à celle-ci, le peuple doit beaucoup contribuer.

En effet, « le véritable et durable progrès (…) passera par la réorganisation et

restructuration de la société en adoptant des structures pertinentes de fonctionnement. Cette amélioration proviendra d’une volonté populaire. C’est la volonté de la base qui l’imprime de l’intérieur à un sommet qui se charge de l’exprimer soit à l’intérieur soit à l’extérieur »[21]. Cependant, le peuple ne peut pas s’exprimer isolement, mais par réseaux thématiques ou par secteur.

La société civile, comme acteur de la bonne gouvernance, est alors considérée

comme la population organisée en réseaux thématiques, c’est-à-dire par secteur pour la défense des intérêts22. Elle est aussi l’ensemble des organisations privées. De par sa définition, la société civile apparaît comme la première actrice de la bonne gouvernance, fonction sans laquelle, elle n’aurait pas de raison d’exister. La société civile est le véritable défenseur de l’intérêt général et de ce fait, elle exerce un contrepoids au pouvoir en place plus que ne le ferait l’opposition politique, car celle-ci dépend également des intérêts partisans accouchés sur un projet de société. A travers les « stratégies de dramaturgie du risque »[22]

La société civile doit toujours élever sa voix très haute pour dénoncer,

interpeller et prévenir les conséquences des mauvaises gestions de la chose publique. Cela se fera aussi par le développement d’une société civile rurale ou urbaine. « Jusqu’à maintenant, la société civile a été souvent faite des responsables bourgeois « autoproclamés » ; certains ont fait du bon travail. Ils ont parlé, et souvent bien parlé, au nom de la population, mais ils ne sont pas la voix de la population »[23]. Enfin, faut-il signaler que tant que la population sera faite d’individus isolés, elle ne sera pas à mesure de défendre ses intérêts; dans la mesure où la population se sera elle-même structurée, elle pourra jouer un rôle essentiel dans la construction de l’avenir du pays et dans l’émergence de la bonne gouvernance, elle pourra se faire respecter. Les intérêts de la base seront défendus. « Il serait naïf de compter sur les vertus des responsables pour assurer un développement qui prend en compte les intérêts des tous ! Il n y a pas beaucoup de NYERERE et de MANDELA, malheureusement »[24]. Quelles que soient l’honnêteté et une bonne intention que pourrait avoir un dirigeant, Il ne peut saisir tout ce que vit la population.

De ce qui précède, nous constatons qu’il y a une compatibilité entre la

décentralisation, la bonne gouvernance et le développement. Cette compatibilité se résume en termes des rapports cumulatifs. Pour qu’un Etat décentralisé se développe, il faut qu’il pratique la bonne Gouvernance. Toutefois, en RDC en général et dans les entités décentralisées, il existe des pratiques constituant un défi à la bonne Gouvernance et de ce fait un frein pour le développement des entités décentralisées.

§.5. Critères de la bonne gouvernance

  1. La paix  

La bonne gouvernance locale commence avec une situation de paix, où la

sécurité est assurée et les conflits fonciers réduits. Ceci demande à ce que l’armée et la police exercent leur rôle de protection des personnes et des biens et se comportent comme des partenaires citoyens[25]

  • Cohésion sociale 

La bonne gouvernance implique aussi une cohésion sociale forte, basée sur la

confiance mutuelle entre les autorités, les élus, la population, le secteur privé et la société civile.

Les suspicions et la démagogie n’existent plus. Tout le monde connait les rôles des uns et des autres, y compris le sien. 

Le nombre de conflits majeurs, tels que fonciers, a diminué et sont gérés à l’amiable et non par les services judiciaires. Cette cohésion sociale implique aussi une remise en cause de soimême[26].

  • Volonté politique 

La volonté politique se montre à travers la promulgation de lois et de décrets

nécessaires à la réussite du processus de décentralisation. S’y ajoutent les textes qui clarifient le statut de la fonction publique provinciale et locale, le foncier et la nomenclature des recettes. Ses textes tiennent compte des réalités locales. Après leur promulgation, ses textes sont clairement et nettement appliqués, sans obstruction. 

La volonté politique pour la décentralisation se confirme par la rétrocession effective des taxes aux provinces et aux ETD ou par la retenu de ces taxes à la source. Les mécanismes d’accompagnement des autorités nationales et provinciales en ce qui concerne le processus de décentralisation et de transfert des compétences, sont également des signes de volonté politique[27].

  • La justice qui tient compte des droits et devoirs de chacun 

Dans une situation de bonne gouvernance, la justice est efficace,

indépendante, et appliquée de la même manière pour tous (lutte contre l’impunité et sanction de la corruption).

  • Une gestion transparente des ressources de l’ETD, basée sur la participation de la population à la prise de décisions sur « la chose publique » 

Ce groupe de critères traite le cycle de gestion du développement au niveau

des ETDs. Ce cycle commence par l’élaboration des PDLs. Sur la base du plan d’action prioritaire, le budget de l’ETD est préparé et le plan est mis en œuvre, suivi et révisé si nécessaire. Ce cycle de gestion est soumis à une évaluation qui contrôle la corrélation entre les dépenses et les réalisations. 

Pour mener à bien ce développement, un cadre de concertation représentatif

participe à la prise de décision dans toutes les étapes. Si nécessaire, il peut être appuyé par un bureau d’étude local. La mobilisation des ressources financières par la population, la société civile, le pouvoir public, le secteur privé et les partenaires techniques devient plus facile due à cette participation à la prise de décision. 

Les fonds disponibles sont orientés vers la réalisation du PDL et gérés de

façon transparente[28].

Grâce au cadre de concertation, la population demande davantage des

comptes au Mwami. Les gouvernés et gouvernants connaissent leurs droits et devoirs. Les relations de redevabilité entre les différents acteurs privilégiant le dialogue à la confrontation.  Après les élections locales, il incombera au conseil des élus de contrôler la mobilisation et l’utilisation des ressources de la chefferie et d’assainir la gestion des recettes et celles des ressources à la place du Mwami. Ce contrôle s’effectuera au nom de la population. 

  • La répartition équitable des richesses 

Beaucoup d’ETDs ont des ressources importantes qui seront davantage

rendues disponibles pour le développement économique local. Les redevances et les taxes payées par les entreprises sont rétrocédées aux ETDs et elles génèrent des emplois pour la population locale. L’accès de la population aux ressources naturelles est assuré par des contrats légaux. 

Les routes de desserte agricole sont réhabilitées et permettent aux producteurs

l’écoulement facile de leurs produits agricoles. Grâce à la diminution « des tracasseries » de la part des agents de l’Etat, un climat d’affaires s’installe et permet des investissements privés.

  • Leaders bien formés et responsables 

Un bon leader est quelqu’un capable de démissionner, d’assurer une gestion

saine de la fonction publique, de tenir compte de l’opinion publique, d’apprendre, d’innover, de mobiliser, d’organiser son propre travail et de coordonner le travail des autres. Avec ce leader compétent et conscient, la fonction publique sera assainie et son fonctionnement amélioré. 

Il s’agit de leaders recrutés en fonction de leurs compétences professionnelles

et non en fonction de leurs relations personnelles[29].

CHAPITRE 2. PRATIQUES CONTRAIRES ET OBSTACLES LIES A LA BONNE

GOUVERNANCE DES PROVINCES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

La bonne gouvernance en république démocratique du Congo est butée à

plusieurs problèmes qui se posent souvent en pratique, c’est-à-dire dans la gestion de la chose publique. Il s’agit notamment des pratiques comme le tribalisme, le favoritisme, le clientélisme, la corruption, les détournements, l’impunité, la privatisation de l’Etat[30].

Mais, seule la corruption, les détournements et l’impunité retiendront notre

attention dans cette section.

§1. La corruption

Par sa définition, la bonne gouvernance fustige la corruption, c’est-à-dire

qu’elle exclut cette dernière dans sa pratique et la combat si elle apparaît. Ainsi, la lutte contre la corruption est aujourd’hui très médiatisée. En R.D. Congo, les réflexions qui se sont penchées sur les contours de la corruption la présente principalement comme une dégradation de la santé morale d’un ordre politique prédatocrate fondé sur les antivaleurs existants depuis la décolonisation mais manifestement amplifiés sous la IIe République du président MOBUTU et lesquels ont abouti à la détérioration des conditions économiques, sociales, juridiques et politiques… de l’Etat32. Cette situation de corruption serait due aux conditions sociales des agents dans les secteurs publics. Les agents et fonctionnaires de l’Etat demeuraient sans être payés leur salaire des mois et des mois. En conséquence, ils ont cherché un autre moyen pour subvenir à leurs besoins. Ce qui les a entraînés dans la pratique de la corruption. 

De ces réflexions, on serait tenté d’affirmer que les faits corruptibles

relèveraient de la simple conjoncture, il suffirait que les conditions sociales des agents publics changent pour éradiquer les pratiques corruptrices. Pour le moment cette réflexion ne peut plus tenir, car la corruption s’est fortement structurée, enracinée et ficelée proportionnellement à ses stratégies de lutte et continue aisément son chemin. Faut-il croiser les bras, et la laisser continuer son chemin afin de compromettre toutes les chances de développer les entités territoriales décentralisées et tout le pays par-là la réponse serait négative. Mais avant de continuer qu’est-ce que la corruption.

  1. DEFINITION DE LA CORRUPTION

La corruption est définie comme tout acte ou pratique, y compris les

infractions assimilées, prohibés par la loi. Tout fonctionnaire, employé de l’État ou de ses institutions, y compris les élus, sélectionnés ou nommés, auteurs ou co-auteurs de corruption, sont poursuivis conformément à l’article 148.

Il est à noter que la R.D.C est parmi les pays les plus corrompus du monde. C’est ce que reconnaît le gouvernement de la RD Congo en ces termes : « l’image de l’administration publique congolaise auprès des usagers est extrêmement négative. Non seulement, les prestations de service publics de base ne répondent pas aux normes de qualité et délais requis, mais aussi elles sont devenues sources de corruption[31]. La corruption a déjà affecté tous les secteurs de l’administration publique en commençant par le sommet jusqu’à la base. Du gouvernement central aux entités territoriales décentralisées comme le témoignage le Document des Stratégies de la Croissance et de la Réduction de la Pauvreté. D’où, il faut toujours une lutte contre cette pratique qui est parmi les obstacles au développement des entités territoriales décentralisées.

  • LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

En RD Congo, la corruption est un acte prévu et puni par l’article 147 et

suivants du code pénal livre II en ces termes « tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique ou d’une société privée, parastatale d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux compte ou tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, tout arbitre ou tout expert commis en justice qui aura agréé, des offres, des promesses, qui aura réussi des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction, de son emploi ou de sa mission, même juste mais non sujet à salaire sera puni de 6 mois à deux ans de servitude pénale et d’une amende… » la lutte contre la corruption le renforcement effectif de l’indépendance de la justice, les réformes des lois et règlements relatifs aux avantages ou incitations fiscales et douanières dans le sens de leur simplification, transparence et systématisation, la mise en place des mécanismes incitatifs favorisant la lutte contre la corruption ;… sont très nécessaires pour l’éradication de celle-ci34

De ce fait pour bien mener à la décentralisation et de promouvoir la bonne

gouvernance, il reviendra à l’Etat congolais de renforcer les capacités de gestion des affaires publiques des autorités locales à tous les niveaux : macro-économique, sectoriel et décentralisé pour leur éviter de tomber sur le coup de détournement. 

§2. Les détournements

Fait prévu et puni par l’article 145 du code pénal congolais livre II. Il est une

utilisation, hors de sa destination, d’un bien, d’une voix de droit ou d’un pouvoir. Ex : le détournement des salaires par un agent public chargé de payer les autres agents ou d’exécuter des travaux publics. Les détournements sont plus fréquents en RDC. On peut l’illustrer par la motion de défiance déposée contre le gouverneur de la province de l’Equateur au motif qu’il a détourné l’argent destiné au paiement des enseignants d’un district dans sa juridiction , et les exemples sont légion. Ce qu’on déplore en RDC est que même si il y a dénonciation il n’y a pas des poursuites judiciaires. Ce qui entraîne l’impunité.

§.3. Impunité

On parle souvent de l’impunité lorsqu’il s’agit de manque des sanctions contre

les crimes commis en violation des droits humains, dans des situations des guerres ou juste après des conflits armées internes ou internationaux. Mais l’impunité ne concerne pas que les « crimes de sang ». Les malversations politiques et économiques tels que le détournement, la corruption, la concussion, l’abus de confiance etc., auxquelles il n’est donné aucune suite laissent également leurs auteurs agir impunément. Pensons aux autorités publiques qui détournent des fonds publics à des fins personnelles, à tous ceux qui ont pillé et pillent les ressources naturelles du pays, les exploitent au détriment de la population locale ou encore, les échangent en contrebande contre les armes ou pour financer les milices, rebelles encore actifs dans le pays.

Ainsi, l’impunité « est la situation qui résulte de l’absence de sanction pénale

contre un ou des individus accusés d’avoir commis des crimes ».[32] Toutefois, le code pénal congolais puni les actes qui tombent dans les malversations économiques et financières des agents mais personne ne s’inquiète, car la sanction ne se prononce pas. Dans le cas de la RD Congo où la justice n’est pas décentralisée, cette sanction aurait pu être décidée par une autorité nationale, locale ou même internationale, mais les obstacles existent tels que :

  1. L’absence d’enquête judiciaire et de poursuite par l’Etat, que ce soit par manque de moyens ou par complaisance ;
  2. Les difficultés d’accéder aux archives administrative, judiciaires ou militaires, soit qu’elles ont été détruites, soit qu’elles sont mise sous secret ;
  3. Les difficultés de recueillir les témoignages des victimes à cause de risques de représailles ;
  4. L’immunité diplomatique ou parlementaire au profit des certains des auteurs des détournements, des corruptions.

Bref, l’impunité « bénéficie à tous ce qui n’ont pas à en rendre compte et ses

conséquences affectent la société toute entière et mettent un frein au développement tout en compromettant la décentralisation territoriale en RD Congo. De ce qui précède, la notion de « bonne gouvernance » dans les entités décentralisées et dans le pays tout entier était le thème principal de ce chapitre qui, dans la première section, a examiné le sens, les origines et les acteurs de la bonne gouvernance. Il découle de cet examen que la gouvernance est la manière dont les pouvoirs publics gèrent le ressources naturelles, sociales, économiques d’un Etat…

Quant à la bonne gouvernance, elle est l’exercice du pouvoir ou la gestion des

ressources par les entités décentralisées-sur le plan local- et du gouvernement- sur le plan national de façon efficace, honnête, équitable, transparente et responsable. Ce qui nous permet d’affirmer que la gouvernance est l’assise du développement et la bonne gouvernance, le fondement de la gestion participative démocratique et transparente des affaires publiques. C’est ainsi que, dans le cadre de la R.D.C, la bonne gouvernance doit être considérée comme un moyen d’aider les autorités locales à atteindre leurs objectifs en matière de développement et d’élimination de la pauvreté. 

CHAPITRE 3 : LE REGIONALISME CONSTITUTIONNEL  COMME BASE DE LA BONNE GOUVERNANCE DES PROVINCES

§.1. Notions 

Le régionalisme constitutionnel va très loin dans le sens d’un desserrement

ou relâchement des contraintes étatiques mais sans pour autant utiliser la forme fédérale de l’Etat. L’autonomie laissée à certaines collectivités locales ou à toutes, dépasse le niveau de la simple décentralisation et se trouve où consignée dans la constitution avec une décentralisation des matières[33].

Le concept « régionalisme » est entré dans le vocabulaire juridique et

politique dans la seconde moitié du 19ème  siècle. Mais ce n’est que vers le milieu du 20ème siècle qu’il est d’usage élargi[34].

Dans le régionalisme constitutionnel la garantie de l’autonomie est

constitutionnelle, les « provinces ou régions » sont affirmées comme des entités autonomes par la constitution. Celle-ci définit elle-même les matières qui relèveront de la compétence de ces entités, le législateur ne pourra réduire ou porter atteinte à l’autonomie reconnue par le constituant.  Ce modèle a été dégagé par la doctrine à partir du système italien, espagnol, portugais, belge (avant bien sûr la transformation de la Belgique en Etat fédéral en 1997).

Le régionalisme politique ou constitutionnel se caractérise par la

reconnaissance d’une réelle autonomie politique au profit des entités régionales et notamment d’un pouvoir normatif autonome. Ainsi, le régionalisme constitutionnel implique nécessairement le régionalisme politique en ce sens que les « provinces ou régions » bénéficiant constitutionnellement d’une autonomie politique, disposent d’un gouvernement (provincial) et d’une assemblée (provinciale)[35].

La régionalisation politique implique l’établissement de collectivités

politiques, territoriales dans les régions, sur la base d’un principe de représentativité démocratique et d’auto gouvernement. C’est pourquoi la régionalisation politique est ellemême un résultat de la décentralisation politique dans les Etats unitaires sur la base des régions[36].

En tout cas, ce qui caractérise le régionalisme est le fait que, en plus du niveau

national qui conserve le pouvoir constitutif, unique et du niveau local (municipal), sont apparues des entités politiques, territoriales autonomes intermédiaires, produit de la décentralisation politique, dotées d’autonomie territoriale.

Ces unités territoriales intermédiaires se caractérisent par le fait d’avoir une

autonomie politique avec le pouvoir législatif régional, dont les organes sont élus par vote populaire, ce qui matérialise la démocratie régionale est un instrument de décentralisation politique.

C’est pourquoi le signe caractéristique contemporain des Etats unitaires est

celui de leur régionalisation politique, engendrant une nouvelle forme d’Etat qui commence à se profiter : c’est celle de l’Etat régional[37].

§.2. La régionalisation des provinces

Aux termes de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes

fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, la province est une composante politique et administrative du territoire de République (article 2). Elle est dotée de la personnalité juridique et jouit de l’autonomie de gestion de ses ressources humaines, économiques, financières et techniques (Assemblée provinciale et Gouvernement provincial) les compétences qui lui sont dévolues par la constitution. C’est ce qui lui confère une autonomie politique.[38]

Pour éviter que chaque province bénéficiant d’une autonomie politique et

financière ne puisse mener sa politique en vase clos, la reforme a institué la conférence des Gouverneurs de province. Celle-ci est un cadre de concertation régulière entre les provinces et le pouvoir exécutif national. Sa mission est d’émettre les avis et de formuler des suggestions concrètes sur la politique à mener et la législation à élaborer. Elle participe à la consolidation de l’unité, de la paix et de la solidarité nationale et assure une bonne harmonie entre le pouvoir exécutif national et les provinces, d’une part, et celles-ci entre elles, d’autre part. Mais, sa composition et son fonctionnement suscitent quelques inquiétudes.

§.3. Les effets de régionalisme constitutionnel sur la bonne gouvernance des provinces 

La RDC est un pays offrant d’innombrables opportunités à ceux qui veulent

investir réellement, et elle a beaucoup des potentialités naturelles qui peuvent permettre aux entités décentralisées de se développer.

A la lecture de la constitution, spécialement à ses articles 2, 3, 201, 202, 203

et 204, il s’avère que le constituant a restructuré administrativement l’Etat en créant des nouvelles provinces qu’il s’est résolument engagé dans la voie d’un partage des compétences entre le pouvoir central et les provinces. Ainsi, il a accordé aux provinces et aux entités territoriales décentralisées (E.T.D.), la personnalité juridique, la libre administration et l’autonomie de gestion.

La tournure employée par le constituant aux alinéas 1 et 2 de l’article 3

évidemment que la province n’est pas une entité territoriale décentralisée au sens de la décentralisation strictement entendue. L’article 2 de la loi 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, considère la province comme une composante politique et administrative du territoire de la République. Elle a donc en vertu de la constitution une autonomie plus large dépassant celle dévolue aux entités territoriales décentralisées, mais ses rapports avec le pouvoir central restent discutables. Ce qui constitue un achoppement à l’application et à la réussite du processus de la décentralisation prônée par le constituant.

Toutefois, l’exposé des motifs de la loi numéro 08/012 du 31 juillet 2008 ci-

haut citée, renseigne sur le statut, l’organisation et le fonctionnement de la province possédant des dispositions constitutionnelles qui instituent le régionalisme politique en République

Démocratique du Congo. Pourtant la constitution évoquée n’en parle pas nettement mais au moins détermine les institutions politiques de la province et répartie les compétences entre le pouvoir central et les provinces.

Politiquement, il faut décentraliser pour développer l’organisation des

collectivités territoriales en favorisant l’émergence d’un Etat de droit démocratique et la promotion des droits de l’homme.

Administrativement, il faut décentraliser pour développer l’organisation et la

gestion des ressources naturelles, financières et techniques de nos collectivités territoriales.

Socialement et culturellement, il faut décentraliser pour développer ce pays. En effet, les pouvoirs publics au niveau national, provincial et local doivent associer la société civile dans la gestion et le contrat de la République Démocratique du Congo. La responsabilité de la société civile porterait non seulement sur les actions de participation effective, mais aussi et surtout sur elle-même, de contrôle efficace dont elle dispose dans une société politiquement organisée. S’agissant de la participation des groupes culturellement et socialement marginalisés dans la prise de décision, il faut savoir que : « la participation sans exclusion de tous les citoyens à l’œuvre du développement collectif, est un principe démocratique au centre de la démocratie locale.

§.4. La gouvernance locale

La gouvernance est plus légitime lorsqu’elle a comme soubassement les

principes démocratiques de transparence, de pluralisme, d’implication des citoyens dans la prise de décision, de représentation et de responsabilité impliquant ainsi le contrôle des dirigeants, dans la gestion publique et la poursuite en cas de manquement tels détournement, corruption, mé-gestion… La gouvernance est définie comme étant les processus et les institutions à travers lesquels s’exerce l’autorité dans un pays en vue de réaliser un développement économique et social. Elle devient locale lorsque la gestion des affaires publiques concerne une partie du territoire national gérée par les autorités élues localement et qui ont une autonomie de gestion. Par exemple, le fait que la ville de Bukavu soit gérée par un maire élu. Malheureusement, jusqu’à présent les élections locales ne sont pas encore organisées ; alors qu’elles ont été prévues dans la Constitution depuis 2006.

Nous avons cité entre autres la corruption, et les mécanismes d’une lutte qu’il

faut mener contre elle, le détournement très fréquent en RD Congo et l’impunité qui a caractérisée les autorités politiques de ce dernier temps. En effet, dans la lutte contre ces pratiques nous avons préconisé les renforcements de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Pour clore ce chapitre, nous souhaitons que les dirigeants de la troisième république, les autorités locales soient, du point de vue économique, honorables et crédibles, transparents dans la gestion de la chose publique, défenseurs de la bonne gouvernance, porteurs des innovations, etc. et en cas des malversations, dans tous les domaines et à tous les niveaux, qu’il y ait des poursuites judiciaires contre les auteurs, car sans bonne gouvernance, la décentralisation actuelle ne peut pas atteindre les objectifs du développement.

CONCLUSION

La lutte contre la corruption est un enjeu central pour le développement de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce fléau affaiblit les institutions, compromet la transparence des processus de gouvernance et freine le développement socio-économique du pays. La bonne gouvernance, de son côté, constitue un pilier fondamental pour assurer l’État de droit, la justice sociale et le développement durable. Pourtant, malgré l’existence de lois et d’institutions chargées de combattre la corruption, la RDC peine à atteindre des résultats tangibles. Cette situation appelle à des réformes profondes et ambitieuses du cadre juridique et institutionnel pour le rendre plus efficace et adapté aux défis actuels.

En RD Congo, la corruption est un acte prévu et puni par l’article 147 et

suivants du code pénal livre II en ces termes « tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique ou d’une société privée, parastatale d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux compte ou tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, tout arbitre ou tout expert commis en justice qui aura agréé, des offres, des promesses, qui aura réussi des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction, de son emploi ou de sa mission, même juste mais non sujet à salaire sera puni de 6 mois à deux ans de servitude pénale et d’une amende… ».

La lutte contre la corruption, le renforcement effectif de l’indépendance de la

justice, les réformes des lois et règlements relatifs aux avantages ou incitations fiscales et douanières dans le sens de leur simplification, transparence et systématisation, la mise en place des mécanismes incitatifs favorisant la lutte contre la corruption ; Sont très nécessaires pour l’éradication de celle-ci. 

De ce fait pour bien mener à la décentralisation et de promouvoir la bonne

gouvernance, il reviendra à l’Etat congolais de renforcer les capacités de gestion des affaires publiques des autorités locales à tous les niveaux : macro-économique, sectoriel et décentralisé pour leur éviter de tomber sur le coup de détournement. 

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[1] N. OBUTELA RASHIDI., La bonne gouvernance encore et toujours désirée, in Congo-Afrique, n°411, Janvier 2007, Kinshasa, CEPAS, 2007, P. 77.

[2] V.P. LUNDA-BULULU., Conduire la Première transition au Congo Zaïre, Paris, Harmattan, 2003, P. 124

[3] Idem

[4] L. NAMEGABE MULANGA, Manuel d’éducation à la citoyenneté et à la bonne gouvernance, Bukavu, 2007, P.81

[5] CHIUNDA HENGELA, « Acteurs de la bonne gouvernance en RDC Post-électorale », in Congo-Afrique, n°423, Kinshasa, CEPAS, 2008, P. 203-216

[6] P. LAMY, « La gouvernance, utopie ou chimère ? », in Etudes, N°4022, février 2005, Paris, P. 160

[7] CIHUNDA H., Op. Cit. P. 155

[8] P. LAMY Op-Cit. P. 205

[9] R. G. SCHWARTZENBERG., L’Etat Spectacle, Paris, Flammarion, 1977, P. 20.

[10] P. LAMY.,  Op-Cit. P. 205.

[11] M. BETUKUMESU., Cité par C. HENGELELA, Op-Cit. P. 206.

[12] TSHIKOJI MBUMBA S., De la Bonne Gouvernance, Appel à un nouvel ordre éthique du pouvoir en Afrique noire,

Kinshasa, CEDAF, 2001, p22, NAMEGABE MULANGA, op cit, p82 ; P. LAMY, op cit, p 207…)

[13] P. LAMY Op-Cit, P.205.

[14] G. VERHAEGEN., Le programme du gouvernement de coalition : Bonne gouvernance et rôle de la société civile.

In Congo-Afrique, n° 414 , Avril 2007, Kinshasa, CEPAS, 2007, P. 215

[15] C. HENGELELA, Op-Cit., P . 206

[16] NAMEGABE M., Op-Cit ., P. 82

[17] C. HENGELELA, Op-Cit., P . 207

[18] Ibidem  P. 208

[19] C. HENGELELA, Op-Cit., P . 210

[20] C. HENGELELA, Op-Cit., P . 213

[21] AYISSI N., Et si l’Afrique acceptait résolument le développement ?, Mémoire, Université Uranienne, Inédit, P.23 22 NAMEGABE Op. Cit., P. 84

[22] U. BECK., Pouvoir et contre-pouvoir à l’heure de la mondialisation, Paris, Flammarion, 2003, P. 443

[23] R. ERPICUM, « progrès ou recul », in Congo-Afrique, n° 423 mars 2008, Kinshasa, CEPAS, P. 165

[24] R. ERPICUM, « progrès ou recul », in Congo-Afrique, n° 423 mars 2008, Kinshasa, CEPAS, P. 165

[25] DIEUWKE KLAVER.,Promouvoir la Bonne Gouvernance des Entités Territoriales Décentralisés et Provinciales : Atelier d’écriture des expériences phares dans les provinces du Sud Kivu et Orientale, 2018, p. 29 ; 

[26] DIEUWKE KLAVER., idem 

[27] DIEUWKE KLAVER., op. cit. p. 30 ;

[28] DIEUWKE KLAVER., op. cit. p. 30 ;

[29] Idem

[30] TAMBWE NGONGO., «  La corruption dans l’administration publique congolaise : de la corruption-survie à la privatisation de l’Etat »., in Analyses sociales, vol. X, Octobre 2007, p. 26 ; 32 TAMBWE NGONGO., op. cit

[31] RDC, Document des stratégies de la croissance et de la réduction de la pauvreté, Kinshasa, 2006. 90 34 TAMBWE NGONGO., op. Cit, p. 33;

[32] P. D’ARGENT., «Réconciliation, Impunité, Amnistie, quel droit pour quel mot?» in La Revue Nlle, nov.2003 P.37

[33] NKWANDA MUZINGA S.,   Décentralisation et régionalisme face au système politique centralisé en République

Démocratique du Congo : Problèmes et attentes. Librairie Africaine d’Etudes Juridiques 7 (2020), p. 208 ;

[34] KAMUKUNY MUKINAY A, « Régionalisme, décentralisation et naissance effective des vingt-cinq nouvelles provinces en R.D.C. défis et perspective des préventions des conflits », in Congo Afrique, n° 434 Kinshasa, 2009, p. 21.

[35] VUNDUAWE TE PEMAKO, op. cit., p. 416.

[36] ALLAIN R & BREWER CARAIS, Etudes de droit public comparé, éd. Bruxelles, 2001, p. 352.

[37] Ibidem, p. 356.

[38] NKWANDA MUZINGA S., op. Cit. p. 214 ;